Xavier Le Duigou, à Gourin (56), partage son temps entre deux passions : l’aviculture et la rénovation et la création de vitraux.
Xavier Le Duigou aime travailler la couleur. Ce maître-verrier partage son temps entre restauration et création de vitraux, de manière traditionnelle, au plomb. L’artiste, qui se définit avant tout comme un technicien du verre coloré, est toujours à la recherche de technicité et de précision tout en restant dans la sobriété. Des qualités nécessaires à un maître-verrier, selon lui, et qui sont visibles dans les œuvres qu’il expose… jusqu’à la façade du hangar de ses grands-parents qu’il a travaillée en vitrail, source de luminosité pour ce local aménagé en atelier.
[caption id= »attachment_2127″ align= »aligncenter » width= »300″] Xavier le Duigou en cours de dessertissage d’un vitrail du XIXe siècle.[/caption]
Un agriculteur artiste
Après avoir entamé des études agricoles, cette passion pour le vitrail l’a détourné quelques années de sa première vocation, engagement familial de longue date : l’aviculture. En cours de formation de gestion de l’exploitation, il délaisse dans un premier temps son projet d’installation. Il part à l’aventure découvrir le métier de vitrailliste, à Sainte-Luce-sur-Loire (44), seul centre de formation par apprentissage qui propose cette option, créée par des maîtres verriers pour transmettre leur savoir-faire. Ce travail en atelier, auprès d’un professionnel à la Baule, met à profit ses talents de dessinateur. Il crée son premier atelier à Gourin en 2008. Mais l’appel des racines est fort. Il y a trois ans, il rejoint ses parents sur l’exploitation, en production de dindes. « Je m’organise pour pouvoir pratiquer mes deux métiers. Les journées sont longues, mais c’est la passion qui parle… », explique-t-il.
De la restauration à la création
En cette semaine plus calme sur l’exploitation, on le retrouve au dessertissage d’un vitrail en plein cintre de Laumonier, un chef-d’œuvre du XIXe siècle. « C’est le plus beau métier d’artisan d’art », décrit ce jeune passionné. Polyvalent, ce métier lui permet de travailler de ses mains diverses matières (le verre, le métal, le bois…). Mais ce qui lui plaît surtout, c’est de créer. Après s’être inspiré du lieu, de l’histoire, il réalise des maquettes à la main, avant de réaliser un « carton » à taille réelle qui sera calqué, puis découpé avec des ciseaux trois lames, pour un ajustement le plus précis possible du verre et du plomb. La phase la plus délicate concerne la découpe du verre, selon sa forme.
Une créativité bridée
Du roman au gothique, l’art du vitrail a connu son âge d’or. Au XIIIe siècle, au temps des constructions des cathédrales, le maître-verrier faisait partie de la corporation la plus importante des chantiers. Un état de fait alors que 3/7e du budget étaient alloués aux vitraux. Ces spécialistes rivalisaient d’ingéniosité pour exposer leurs prouesses techniques dans les baies et les ouvertures. Mais le vitrail, commandé par les personnes religieuses, était avant tout un outil pour montrer la richesse théologique des élites. « L’artiste était contrarié, face à des commandes forcées, où les donateurs se faisaient représenter en personnages, ou exigeaient que leurs blasons soient insérés dans les vitraux…», explique Xavier Le Duigou. « La société de l’image existait déjà.» Aujourd’hui, la tendance s’est inversée. Le maître-verrier arrive souvent en dernier corps de métier sur les chantiers, après la maçonnerie.
Le verre découpé, certains motifs (modelage, visages..) peuvent être peints. Cela nécessite une vitrification de la peinture avec une cuisson à 650 °C. Ces pièces de verre sont ensuite enchâssées dans la résille de plomb de 5 mm. Puis, le vitrailliste vient souder chaque intersection de coupe sur la face interne et externe du panneau, avec une baguette d’étain. Le masticage et l’étanchéité du panneau sont réalisés après le montage. Ce travail assure au vitrail une durée de vie d’une centaine d’années, avant que le plomb ne s’oxyde et exige une rénovation.
Art et agriculture, des similitudes
La tâche du vitrailliste est un travail de longue haleine. « Le combat démarre à la recherche du chantier où, malgré ma jeunesse, je dois convaincre les financeurs de l’intérêt de l’art et de la couleur face à une administration surpuissante. » Beaucoup d’énergie est gaspillée en études et papier.
« Le métier de base, et notre savoir-faire, est sous-estimé, voire ignoré ». Il développe pourtant des compétences humaines intéressantes. En effet, pour la manipulation délicate du verre, « la technique, la rigueur, la patience et la persévérance sont requises », insiste Xavier Le Duigou. Des atouts qui sont aussi nécessaires lorsque l’on travaille dans le monde animal… Carole David