Les insectes prennent le bus pour l’école

insectobus - Illustration Les insectes prennent le bus pour l’école

Raphaël Gamand se déplace au volant de son bus contenant une véritable ménagerie pour présenter au public le monde merveilleux des insectes.

L’Insecto-bus est garé dans la cour de l’école de Combourg (35). Son chauffeur Raphaël Gamand est à l’étage, dans la salle de travaux pratiques, face à une classe de CE1. « Jusqu’à cet âge-là, ils adorent les insectes. Après, il y a des craintes et des phobies. » Il interpelle les enfants pour voir ce qu’ils ont retenu de sa présentation sur les insectes et leur rôle dans les grands équilibres de la nature : « Les abeilles, est-ce qu’il faut les détruire ? » Et tout le monde de répondre en chœur : « Non ! ». La petite bête qui pique parfois n’impressionne plus autant les chérubins qui en savent davantage sur les secrets de cette espèce indispensable : « Sans abeille pour polliniser les fleurs, il n’y aurait plus de fruits et de légumes… » Le spécialiste poursuit : « Et comment s’appelle un bébé mouche ? » Suspens… « Un asticot, ce petit ver qui adore manger la viande des cadavres d’oiseau par exemple. Il fait un travail de nettoyage très important… Tous ces insectes animaux nous rendent de grands services. »

[caption id= »attachment_2275″ align= »aligncenter » width= »300″]Les élèves de CE1 de Combourg sont captivés par les histoires racontées par Raphaël Gamand Les élèves de CE1 de Combourg sont captivés par les histoires racontées par Raphaël Gamand sur le monde des insectes.[/caption]

Place à la pratique. Des jeux éducatifs permettent, en manipulant des insectes en plastique, « de laisser peu à peu de côté ses peurs mais aussi de mieux comprendre les cycles de vie en remettant dans le bon ordre l’œuf, la larve, l’insecte adulte… »

Des fourmilières en location dans la classe

La société Insecto propose un panel d’interventions pour tous les âges, dans les écoles (à partir de 6,5 € / élève), « mais aussi pour les grands. » En tout, elle possède 70 fourmilières : « J’en loue. Je donne les consignes d’élevage (température, humidité, nourriture…) à l’enseignant et les enfants suivent l’évolution des insectes pendant 4 mois. » Coût de la location : 25 € / mois.

« Le criquet sort de son manteau trop petit »

Préambule avant de gagner l’Insecto-bus. Ce véhicule, totalement réaménagé, abrite le clou du spectacle : des vivariums présentant « en vrai » fourmis, phasmes, blattes, criquets, papillons… Les enfants sont ébahis et le guide Raphaël continue à conter. Il sort de son chapeau une exuvie de criquet et interpelle : « Qu’est-ce que c’est ? » Les visiteurs ont de la suite dans les idées, l’un d’eux met dans le mille : « Un squelette… » Raphaël poursuit : « C’est ça. Le criquet a son squelette à l’extérieur. Quand il grandit de l’intérieur, ce manteau finit par devenir trop petit et craque : l’insecte sort de cette carapace et l’abandonne. On appelle cela une exuvie. La croissance du criquet est donc différente de celle du papillon que nous venons de voir avec des œufs qui donnent des chenilles qui, ensuite, tissent et s’endorment dans un cocon avant de se réveiller en nouveau papillon… »

Mimétisme et camouflage

Vient alors la leçon sur les procédés de défense, comme le mimétisme et le camouflage. « Ce grand phasme qui bouge ses mandibules remonte son abdomen pour imiter le scorpion et impressionner les prédateurs qui veulent le manger. Ici, ce bébé phasme feuille ressemble comme deux gouttes d’eau à la plante sur laquelle il est perché… » Et que dire de cette mante orchidée qui se fond parmi les fleurs qui l’entourent pour attendre en toute discrétion l’abeille qui viendra butiner ? « Pfff ! Pfff ! Là, ce sont des blattes souffleuses capables de lâcher de gros soupirs pour faire fuir les prédateurs. »

[caption id= »attachment_2276″ align= »aligncenter » width= »300″]Dans l’enceinte du fourgon, plusieurs fourmilières Dans l’enceinte du fourgon, plusieurs fourmilières et des milliers d’insectes dans les vivariums.[/caption]

Dans le fourgon, les fourmis, « l’animal le plus propre du monde », sont en nombre. « Dans cette fourmilière qui a 10 ans, plus vieille que vous, combien y a-t-il d’habitantes ? », interroge le passionné. « 6 000. Et combien de maman ? Une seule, la reine qui a pondu beaucoup, beaucoup d’œufs. » D’ailleurs, dans cette grande société, comment les fourmis communiquent ? « Quand elles se croisent, elles se touchent les antennes et se parlent avec des odeurs. Il y a le parfum du « salut, ça va ? », le parfum du « j’ai peur » ou encore celui du « j’ai trouvé à manger »… » Les enfants adorent et s’émerveillent. Les enseignants aussi apprécient la proposition : « C’est simple, ludique, à la portée de tous, peu importe l’âge. Les enfants sont très réceptifs et attentifs. »

2 ans pour monter un cirque

Raphaël Gamand ne voulait pas ouvrir un nouvel insectarium. « J’ai alors monté un concept mobile. » Il aura fallu 2 ans de démarches administratives, pour que cette installation classée reçoive l’autorisation préfectorale ou que son associé obtienne le certificat de capacité d’élevage et de présentation d’insectes au Ministère de l’Environnement. « Nous menons aujourd’hui une activité de présentation d’animaux non domestiques itinérante », précise Raphaël Gamand, le dompteur de fourmis. L’Administration le considère en effet comme « un cirque. » Ce qui signifie qu’en plus du bus, il faut un local fixe avec une réserve et la possibilité de mettre les insectes en quarantaine. Un dossier lourd pour une entreprise privée (SARL) ayant comme actionnaires R. Gamand, F. Bac et des Cigales (Clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) de Bretagne, « avec des conditions meilleures qu’un prêt de banque et l’accompagnement de parrains rodés à l’entreprenariat. »

« Notre génération de l’abondance, c’est fini ! »

La société Insecto, qui soufflera sa 1re bougie le 22 mars, a déjà « rencontré plus de 10 000 personnes. » Deux tiers de scolaires, mais aussi beaucoup d’adultes sur des salons, au comice agricole de Tremblay… « J’aime parler avec tout le monde. D’ailleurs, ça ne m’intéresserait pas de ne rencontrer que des passionnés ou des écolos. Je mène une croisade car la disparition des insectes concerne tout le monde », explique l’ancien responsable communication dans le secteur de la génétique bovine. Pour lui, qui voudrait sensibiliser davantage le monde agricole, il y a urgence : « Tous les 10 ans, on perd 10 % des abeilles et 10 % des espèces d’abeilles. Or il faudrait 100 personnes pour faire le même travail qu’une ruche en une journée : regardez la vanille, qui est pollinisée à la main, elle coûte très cher. Nous sommes la génération de l’abondance, de la nature généreuse, mais c’est la fin. Demain, il y aura de gros problèmes de pollinisation », met-il en garde. « Déjà, les rendements en colza stagnent à cause des problèmes de pollinisation. Les jeunes générations ont des métiers à inventer, car ce manque d’insectes va compliquer leur quotidien… » Voilà pourquoi Raphaël Gamand est sur la route pour les réhabiliter. Un véritable travail de fourmi pour un avenir meilleur.

Toma Dagorn

Contact :

www.insecto.fr / 02 99 56 34 37


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