Pour Hervé Juvin, président de l’observatoire Eurogroup, les normes ne sont pas à maudire. Au contraire.
« Il ne faut pas se tromper d’ennemi ». Quand Hervé Juvin parle d’ennemi, il pense aux normes. À toutes ces normes fustigées, critiquées, perçues comme les plus grands maux de l’entreprise. « Or, 80 % de la valeur ajoutée de nos entreprises vient des normes. Sans elles, on continuerait à faire des commodités ». Entendez, faire des produits basiques mal payés.
« Faire des paysans des prolétaires »
« Un de votre premier ennemi est le traité transatlantique car les protagonistes veulent abaisser les normes, c’est-à-dire baisser la valeur ajoutée », estime cet économiste-écrivain. Et de constater que « la mode hygiéniste des USA conduit le pays à produire des aliments-médicaments, alors que chez nous c’est la valeur nutritive, le goût, la saveur qui sont essentiels ». Autrement dit, pas question de laisser le traité transatlantique terrasser « le bon fromage qui pue » qui rebute tant les Américains.
Pour Hervé Juvin, « les vrais ennemis sont les multinationales qui veulent un modèle de l’aliment creux ». Un modèle qui selon l’économiste « revient à faire des paysans des prolétaires ». Il attaque en filigrane la globalisation qui conduit à gommer l’identité. « Or, c’est la singularité qui fait la richesse », dit-il, en dressant de la Bretagne un portrait d’une « terre désirable car une terre d’exception où la pluie est un énorme privilège pour l’agriculture ». Il fait également référence à l’image d’un territoire où les gens sont encore liés par une ambition et un rêve communs qui participent à l’image de la région. Et sur cette notion d’image de citer Carlos Ghosn, P.D.G de Renault qui répète à l’envi « qu’on n’en vend pas un produit, mais du désir ».
Michel Gallou, éleveur de viande bovine à Taulé (29), partage certainement cette idée qu’il est nécessaire de vendre du rêve. Mais ce syndicaliste, qui a 30 ans de défense syndicale à son actif, fait les comptes : « Aujourd’hui, on est déjà dans l’excellence, mais quand le consommateur acceptera-t-il de payer l’excellence ? », interroge-t-il. Hervé Juvin en est convaincu : « Demain aussi, dans l’agroalimentaire, on trouvera des marchés qui vont payer l’excellence ». Les agriculteurs ne demandent qu’à y croire. Mais demain est un autre jour…
Didier Le Du