Ils se sont installés il y a 4 à 5 ans sur la ferme familiale, en augmentant le volume de production. Au moment de la retraite des parents, ils se retrouvent seuls face à la charge de travail. Comment s’organisent-ils ?
À leur installation, ils ont repris une ferme, obtenu une rallonge de quotas, loué des terres qu’ils se sont empressés d’ajouter aux moyens de production de leurs parents ou de tiers en fin de carrière, en s’associant avec eux. Les structures ont pris du poids et, au moment du départ en retraite de ces derniers, ils se retrouvent avec une charge de travail conséquente qu’ils ne peuvent assumer seuls. Alors que faire ? Baisser la production ? « Impensable », répond Jérémy Jaffrelot, installé en production laitière à Molac en 2010, avec un tiers parti depuis en retraite. « Je devais absolument préserver mon niveau d’EBE pour vivre et pour rembourser le rachat des parts sociales ». Il a, comme la quasi totalité des jeunes installés qui se retrouvent dans cette situation, choisi de maintenir le potentiel de production. « J’ai travaillé seul pendant un an, sans compter mes heures, pour produire les 500 000 litres de lait. La vie de famille en pâtit… ». La délégation des travaux à la Cuma intégrale lui a permis de poursuivre l’activité jusqu’à la nouvelle association. Cette fois avec ses parents, dont la ferme n’est pas trop éloignée. La problématique se reposera dans quelques années, mais Jérémy botte en touche : « À 47 et 52 ans, ils sont encore jeunes… ». On comprend mieux.
Moderniser pour abaisser la charge de travail
David Pivault, installé à Arzal en 2007, avec deux tiers a été confronté au départ de l’un de ses associés en 2011. « Nous voulions conserver le volume de lait, nous avons donc embauché l’un de nos anciens apprentis. En parallèle, nous déléguons un certain nombre de travaux : fumier, lisier, labour. Nous avons investi dans des racleurs automatiques et dans des équipements qui permettent de travailler seul le weekend ». Il avoue que le recrutement n’est pas toujours facile. « Nous avons, depuis, embauché un autre salarié. Nous avons reçu cinq candidats de profils très différents, certains loin d’être autonomes ». Il est un peu réticent à l’entrée d’un nouvel associé. « Je préfère avoir travaillé avec lui auparavant, comme salarié, par exemple, avant qu’il devienne associé ».
70 % des associés se disent très satisfaits
Que la solution choisie soit l’association ou l’embauche d’un salarié, il faut savoir travailler ensemble. Et communiquer, surtout dans le cas d’associés. « On parle souvent des sociétés qui ne fonctionnent pas, mais 70 % des associés se disent très satisfaits 5 ans après la création de la société », selon une enquête présentée par Marie-Claire Piel, spécialiste des relations humaines à la Chambre d’agriculture. Il faudra aussi trouver les compétences. Le travail sur l’attractivité des métiers agricoles, entamé il y a 6 à 7 ans, commence à porter ses fruits, selon ses initiateurs.
Bien quantifier les besoins de main-d’œuvre
L’évaluation quantitative des besoins de main-d’œuvre n’est pas toujours évidente. « Il faut avoir conscience qu’un salarié a un contrat bien défini qui limite les heures de travail. Quand il faut remplacer deux parents qui faisaient 120 heures dans la semaine, ce n’est pas toujours évident », rappelle Pierre-Yves Le Bozec, président de Solutis Emploi qui propose des solutions d’embauche de salariés à temps partagé. Une formule qui séduit : 40 salariés, dont 7 nouveaux en 2015, travaillent sur le Morbihan. « Nous développons, par exemple, les postes de trayeurs. La demande est importante, mais il faut, pour le confort du salarié, que les élevages ne soient pas trop éloignés, dans un rayon d’une dizaine de kilomètres ». Les Cuma aussi s’adaptent. « Nous avons de nouvelles demandes de nos adhérents », explique Jean-Michel Roger, président de la FDCuma. « Nous embauchons des chauffeurs mais aussi, désormais, des salariés qui sont capables de fournir une main-d’œuvre d’appoint dans les élevages ».
Bernard Laurent