Les responsables de la Chambre d’agriculture en charge du dossier Sdage alertent les élus sur les risques d’approuver le nouveau projet. « L’objectif fixé est trop ambitieux, et s’il n’est pas atteint, l’Europe sanctionnera de nouveau la France. »
Alors que la Directive cadre européenne demande aux États de progresser sur le bon état écologique des masses d’eau sans mettre d’objectif chiffré, l’État dans la Loi sur l’eau et le Comité de bassin Loire-Bretagne dans le Sdage fait de la surenchère. « Dans le projet de Sdage 2016-2021 actuellement en cours de consultation et concernant 6 régions, le plus gros effort est demandé à la Bretagne qui a déjà beaucoup progressé.
Problèmes dûs à la morphologie en Bretagne
L’objectif pour la région est d’atteindre 69 % des masses en bon état écologique à échéance 2021, alors qu’aujourd’hui, nous nous situons à 32 %. C’est la plus haute marche demandée… », déplorent Alain Tiengou et Jean-René Menier, les deux agriculteurs bretons qui siègent au Comité de Bassin Loire-Bretagne à Orléans (Parlement de l’eau qui vote le Sdage). Sur les 190 membres du Comité, il y a 11 agriculteurs au total.
« Cet objectif est difficilement atteignable pour la Bretagne du fait de la morphologie des cours d’eau qui a été modifiée sur des décennies (canaux, moulins…). Par exemple pour assurer la continuité écologique, certains membres du comité souhaiteraient retirer une grande partie des écluses sur le canal de Nantes à Brest. »
Le risque, en validant et affichant des objectifs trop ambitieux, est celui d’un nouveau contentieux européen. « C’est pourquoi, nous souhaitons alerter les élus des collectivités territoriales qui sont actuellement consultés sur ce Sdage, pour qu’ils s’approprient le contenu et s’en inquiètent. Ne continuons pas à demander des contraintes toujours plus fortes aux agriculteurs et acteurs des territoires », déclare Laurent Kerlir, président de la Commission stratégique environnement de la Chambre d’agriculture de Bretagne.
Désormais, une partie des compétences sur l’eau est transférée aux communes, ces dernières pourraient être redevables en cas de contentieux. Le vote d’adoption du Sdage aura lieu en décembre 2015. « Les représentants locaux siégeant dans les Cle (Commissions locales de l’eau) ont la main sur les décisions prises à Orléans. Ils ne doivent pas oublier que le Sdage donne le “la” aux Sage, présents aujourd’hui sur tout le territoire breton. »
Non à la multiplication des zonages
Par rapport aux mesures anti-érosion du Sdage, les élus souhaiteraient que soit pris en compte le programme de plantation Breizh Bocage. Ils dénoncent par ailleurs la multiplication des zonages réglementaires. « Une exploitation bretonne pourrait demain être concernée par 6 à 8 zonages avec chacun des contraintes particulières. » Par exemple, le Sdage souhaite imposer un inventaire et des actions sur les têtes de bassins versants (« petit chevelu » des cours d’eau). « En Bretagne, cela pourrait représenter plus de 60 % du territoire. » Les agriculteurs ne sont pas les seuls à être concernés, les exigences sont grandissantes en termes d’assainissement, d’urbanisme…
Désaccord sur l’état des lieux
À Orléans, Alain Tiengou et Jean-René Menier avaient déjà montré leur désaccord sur l’état des lieux du précédent Sdage. Une opposition votée lors des sessions des Chambres d’agriculture de Bretagne. « Les chiffres de 2010 ont été pris en compte pour la concentration en nitrates dans les rivières bretonnes, alors qu’elle continue à diminuer depuis. Aujourd’hui, il ne reste plus que 5 % des masses d’eau affichant des concentrations proches ou supérieures à 50 mg/L. En phosphore aussi, les progrès sont constants. »
Agnès Cussonneau