L’embargo russe, l’accord de libre-échange avec les États-Unis, le prix du pétrole ou encore la fin des quotas laitiers : l’année 2015 réserve des surprises à l’agriculture française.
L’embargo russe a fait mal, la Bretagne est touchée. La chute de ses exportations a atteint 97 % au 3e trimestre 2014 pour les viandes de boucherie. « Une perte de 21 millions d’euros, heureusement partiellement compensée par les ventes vers d’autres pays tiers (Asie) à hauteur de 9 millions d’euros », précise Thierry Pouch, économiste intervenant à la session régionale des Chambres d’agriculture de Bretagne. Les produits laitiers ont également connu une baisse conséquente des exportations et les productions légumières subissent une baisse des cours, contrecoup du repli intra-communautaire des productions des pays de l’Est de l’Union.
« La question qui se pose est de savoir combien de temps Poutine va pouvoir maintenir l’embargo. Les prix alimentaires ont augmenté de 15 %. Certaines régions commencent à connaître des pénuries. La baisse du rouble alourdit le coût des importations. Des discussions sont entamées entre la Russie et des petits pays de l’Union européenne (Grèce et Hongrie) pour importer des viandes et alléger l’embargo ». Un relâchement qui serait également profitable à l’agriculture française. Rien n’est encore certain : Poutine envisagerait, selon l’économiste, une action contre l’un des pays Balte, avec, à n’en pas douter, de nouvelles sanctions contre la Russie en retour…Toutes les régions du monde ne sont pas perdantes. Les principaux pays d’Amérique latine écoulent leurs viandes, la Nouvelle-Zélande ses produits laitiers, l’Égypte, l’Afrique du Sud et la Turquie leurs fruits et légumes…
L’OMC en état de mort cérébrale
Une autre inconnue concerne le prix du pétrole. Sa baisse risquerait d’accentuer celle des autres matières premières, y compris agricoles. « Son prix peut conditionner les importations de céréales de pays comme l’Algérie, par exemple ». Les conséquences de la sortie des quotas laitiers au mois d’avril dépendront de l’efficacité des nouveaux instruments de « régulation ». Enfin, le projet de commerce transatlantique, entre l’Union européenne et les États-Unis, pose beaucoup de questions et suscite encore peu de réponses à l’heure actuelle. Les accords bilatéraux entre pays ou ensemble de pays fleurissent au rythme de la régression de l’influence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; « un organisme en état de mort cérébrale, incapable d’assumer sa fonction en raison des divergences d’intérêt de ses 160 pays membres ». Dans l’immédiat, les États-Unis sont accaparés par l’accord transpacifique, qu’ils veulent mener rapidement à son terme. Les négociations concernant l’accord transatlantique devraient être plus longues. Les tensions sont toujours les mêmes sur les produits agricoles : AOC, OGM, normes différentes des 2 côtés…
Les viandes françaises douchées par l’accord UE-USA
L’impact de la libéralisation des échanges pourrait être très fort et défavorable du côté européen pour les viandes rouges et blanches (- 6 à – 10 % des volumes produits). Plus favorable pour les produits laitiers. Le secteur agricole, dans son ensemble, serait plutôt perdant (les boissons et les huiles s’en sortent bien) mais la pression d’autres secteurs industriels européens, qui ont beaucoup à y gagner, est forte pour la conclusion d’un accord rapide, dès la fin 2015. Le secteur des viandes, n’est pas au bout de ses peines : après l’accord avec les États-Unis, débuteront les négociations de libre-échange avec le Mercosur. Et là, on parle déjà d’un impact de -30 % sur la production de viandes rouges. Si ces accords étaient conclus, avec de telles conséquences, on pourrait légitimement se demander quel est le choix stratégique de l’Europe en matière alimentaire.
Bernard Laurent