Affourager en vert sans se mettre dans le rouge

affouragement-vert-fourrage-recolte - Illustration Affourager en vert sans se mettre dans le rouge

Si les vaches ne vont pas au pâturage, c’est l’herbe qui vient à l’auge… La pratique de l’affouragement en vert séduit de plus en plus d’éleveurs. Une façon de valoriser du foncier non accessible ou des dérobées à fort potentiel fourrager. Une récente enquête en Bretagne montre d’ailleurs que 75 % des éleveurs ayant recours à cette pratique le font pour des raisons de parcellaire morcelé ou trop éloigné du troupeau.
Si les motivations premières sont bien souvent la réduction des coûts alimentaires et la diversification de la ration, les observateurs et utilisateurs soulignent l’importance d’avoir fait les bons calculs pour absorber les coûts de mécanisation. Pour limiter les risques, la bonne idée est peut-être de tester en achetant une récolteuse à fléau d’occasion avant d’investir dans du matériel performant. Toujours dans l’optique de la maîtrise des charges, d’autres solutions existent : la mutualisation via une Cuma ou la prestation de service en appoint par une ETA. Nicolas Goualan

[nextpage title= »Beaucoup d’herbe pour beaucoup de vaches »]Les simulations du BCEL Ouest tendent à montrer que l’affouragement en vert gagne en intérêt s’il est pratiqué au moins 250 jours par an.

Ces tableaux pédagogiques de Bretagne Conseil Élevage Ouest réintègrent les charges de mécanisation (dont tracteur et carburant) et d’entretien dans le coût de l’affouragement en vert pour pouvoir le comparer avec un maïs ensilage par exemple.

affouragement-vert-cout-tableauLes grands troupeaux écrasent plus facilement les charges de mécanisation

Le tableau 1 montre qu’avec l’augmentation de la taille du troupeau, le coût annuel par vache diminue. Dans cette estimation basée sur 250 jours d’utilisation par an et des frais financiers et amortissements courant sur 8 ans, le nombre d’animaux contribue à écraser les charges : investir dans une faucheuse autochargeuse distributrice de 19 m3 pour 40 vaches reviendrait à environ 145 € / tête / an ; contre 73 € pour une machine de 38 m3 pour 120 vaches.

Plus les quantités d’herbe récoltée sont importantes, meilleure est la rentabilité

Dans la 1re colonne du tableau 2, est repris le coût d’investissement, d’entretien et d’utilisation d’une autochargeuse en fonction de la taille du troupeau (données du tableau 1). Dans le tableau 1, par exemple, le coût estimé d’une faucheuse autochargeuse distributrice de 24 m3 pour 60 vaches et de son fonctionnement atteint 108 € / VL / an. Le tableau 2 montre qu’à partir de cette charge « fixe » proche de 110 € / VL / an, le coût de la tonne de matière sèche d’herbe ramenée à l’auge va varier de 153 à 70 € en fonction de la quantité totale de fourrage vert récoltée sur l’année, ici respectivement 0,8 à 2 t de matière sèche d’herbe. Ce volume d’herbe annuel influence donc fortement la rentabilité de l’affouragement en vert.
Précision : pour ses calculs, le coût de production de l’herbe moyen au champ est fixée à 15 € / t MS (variation de 10 à 20 € / t MS).

[nextpage title= »enquête sur les pratiques des éleveurs »]

Valorisation des prairies non accessibles ou des cultures dérobées, diversification de la ration… BCEL Ouest, qui vient de diligenter une étude sur le sujet, revient sur la pratique de l’affouragement en vert chez les éleveurs bretons.

Bretagne Conseil Elevage Ouest a lancé récemment une étude sur la pratique de l’affouragement en vert. « Nous avons demandé à 30 de nos conseillers opérant sur le Finistère, les Côtes d’Armor et le Morbihan de faire remonter la liste des éleveurs qui le pratiquent », explique Julien Rigaud, Chef produit fourrages. À l’arrivée, une centaine d’élevages ont été identifiés. « Nous estimons que cela concerne environ 5 ou 6 % des exploitations. En 2009, nos résultats avaient déjà conclu autour de 3 %. » Dans le panel de pratiquants, le spécialiste précise qu’il y a « une grande diversité de situations tant en termes de matériel, du plus simple au plus sophistiqué, que de recul ou d’expérience. » Par exemple, 40 % pratiquent depuis plus de 5 ans et 30 % depuis moins de 2 ans…

[caption id= »attachment_1100″ align= »aligncenter » width= »300″]vache-prim-holstein-fourage L’affouragement en vert est un bon complément du maïs ensilage en faveur d’une ration diversifiée et équilibrée.[/caption]

Parcellaire morcelé et non accessible

Marie Stéphan, l’étudiante du lycée La Touche de Ploërmel chargée de l’étude, a questionné 29 éleveurs. Le morcellement du parcellaire et la non accessibilité est la première raison qui pousse à opter pour la récolte et distribution de l’herbe. « Dans 75 % des réponses », rapporte Julien Rigaud. Son collègue, Stéphane Saillé, chef produit nutrition, ajoute que « quand les restructurations avec des regroupements d’exploitations concentrent les vaches sur un seul site, l’affouragement en vert offre la possibilité de valoriser les prairies de l’autre site s’il n’est pas trop loin. » 75 % des adeptes enquêtés, à l’étroit autour de leur étable, déclarent disposer de moins de 15 ares par vache.

À l’autochargeuse, 12 à 18 kg de MS/m3 d’herbe

Stéphane Saillé, BCEL Ouest : « Pour bien valoriser l’affouragement en vert, il faut savoir d’abord ce que la vache mange réellement. Est-ce que j’apporte, par vache et par jour, 3 ou 6 kg de matière sèche en vert ? Pour estimer ce qui est apporté à l’auge, on donne ces densités comme repères : 12 à 18 kg de MS ou 100 kg brut / m3 d’herbe récoltée à l’autochargeuse. Avec un matériel de type Taarup, c’est le double, on retient 30 kg de MS / m3.
Quand l’affouragement est quelque chose de très linéaire sur l’année, il n’y a aucun souci. Mais dans la pratique, entre les problèmes de météo ou les journées où l’éleveur a manqué de temps pour récolter, le régime n’est pas toujours stable. Dès qu’il n’y a pas d’herbe, penser à remettre de l’azote dans la ration, un peu de correcteur et 2 kg de maïs ensilage en plus afin d’éviter des baisses de production liées par exemple à un arrêt sur quelques jours de l’affouragement.
Plus généralement, l’herbe fournit un azote très fermentescible. En complément, opter pour des correcteurs semi-tannés où l’écart PDIN-PDIE est de 70 g/kg et adapter les apports d’urée s’il y a en a… »

Autre source de motivation : « L’exploitation des dérobées, la réduction des coûts alimentaires et l’amélioration de la ration. » Les deux observateurs notent que, d’une manière générale, cette « mode de la valorisation des dérobées est de plus en plus prégnante sur le terrain. » Ils expliquent : « Les chargements en bovins augmentent mais les surfaces des exploitations ne suivent pas. Les dérobées sont donc une piste pour augmenter la matière sèche produite à l’hectare. De plus, elles sont souvent associées aux cultures de vente implantées en priorité sur le foncier non accessible. L’affouragement en vert donne alors une opportunité de les faire consommer au troupeau. »

Un menu diversifié pour des vaches en forme

Traite robotisée ou pas, de plus en plus de troupeau reste à l’intérieur. Pour autant, certains éleveurs veulent conserver une ration diversifiée. « Pour un grand troupeau, il devient souvent bien plus simple de traverser la route avec un tracteur qu’avec plus de cent vaches pour valoriser les prairies. »

Evolution d’un système maïs-pâturage vers une approche maïs-affouragement

« Réflexion un peu plus nutritionnelle accompagnant l’intensification, apporter du vert sans sortir les vaches est un levier d’action possible pour agir sur le coût alimentaire. Sans oublier l’impact positif sur la santé des animaux, même s’il est très difficile à chiffrer. Ces quelques UFL sous forme de sucres ou cellulose plutôt que seulement d’amidon de maïs soulagent un peu le foie des vaches… », livre d’expérience Stéphane Saillé. Des premières lectures de l’enquête, Julien Rigaud confirme : « C’est très empirique, mais tous les éleveurs parlent de vaches en forme, de beau poil, d’une meilleure rumination… »

[caption id= »attachment_1101″ align= »aligncenter » width= »200″]stephane-saille-bcel-ouest Stéphane Saillé, chef produit nutrition et traite robotisée au BCEL Ouest.[/caption]

RGA tardif – TB pas trop agressif, la référence

Pour autant, tous les « louzous » ne se valent pas. « Tant qu’à faire ce travail, il faut aller chercher de la qualité. Car quand l’herbe perd en valeur, l’intérêt économique se réduit », rappelle Stéphane Saillé. Deux éleveurs questionnés ont d’ailleurs tenu à préciser que « ce n’est pas parce que l’herbe passe dans la machine qu’elle gagne de la valeur… » Sur le terrain, cela passe donc par un choix judicieux des espèces puis par une bonne gestion des dates d’entrée dans les parcelles. Comme pour un pâturage. « La souplesse d’exploitation est importante. Il convient de privilégier des variétés tardives : quand un RGA demi-précoce épie mi-mai, un tardif le fait début juin… Et attention aux trèfles trop agressifs, comme certains TB, qui, sans piétinement, prendraient toute la place du ray-grass. » Dans nos régions c’est bien l’association RGA tardif – TB pas trop agressif qui « reste la référence pour son compromis valeur alimentaire, rendement et souplesse d’exploitation. » Toma Dagorn

[nextpage title= »« Les dérobées à l’auge, ça se discute » »]Récolter en vert les dérobées. L’idée peut séduire, mais à condition de bien en peser l’intérêt.

Des éleveurs cherchent à valoriser leurs cultures dérobées en vert pour augmenter la production fourragère à l’hectare. « Cette tendance est en lien avec la recherche de réduction du coût alimentaire. On ramène à l’auge un fourrage riche, notamment en azote », explique Stéphane Saillé. « Mais attention, la culture dérobée coûte relativement cher quand on fait la somme des charges de mise en place et de récolte par rapport au rendement espéré », met en garde Julien Rigaud. « Pâturer, pourquoi pas. Mais faucher ou ramasser en vert, la facture s’alourdit au point que l’opération devient plus discutable. » Le spécialiste met notamment le doigt sur « le mode d’implanter des espèces avec des potentiels de qualité : multiples trèfles, vesces… » Théoriquement, ces légumineuses vont rapporter de la valeur alimentaire… « C’est vrai. Cependant, ce sont des mélanges de semences coûteux pour une culture qui ne reste en place que 6 à 8 mois. » Les deux conseillers sont plutôt d’avis que « plus tu fais simple, moins ça coûte cher. Un RGI pur semé au 15 septembre coûtera 20 €/ha pour une production de 3 ou 4 t de matière sèche. » Quand une association RGI – vesce – trèfle se situera « entre 80 à 100 €/ha pour à peu près le même volume et pour une valeur alimentaire à peine supérieure. Car un RGI fauché au bon stade ramène aussi une bonne valeur. »

[caption id= »attachment_1105″ align= »aligncenter » width= »300″]colza-fourrager-RGI Un couvert associant RGI (10 kg / ha) – colza fourrager (5 kg / ha) semé en fin d’été et pouvant être exploité en affouragement en vert en automne-hiver.[/caption]

Stratégiques légumineuses

Pourtant, si le choix de l’affouragement en vert vise l’économie de soja, « alors oui, il faut implanter des légumineuses. Mais pour profiter de leur bénéfice fourrager, encore faut-il avoir une bonne stratégie. » D’abord, les semer tôt, « au 15 août », pour qu’elles s’implantent bien et qu’elles profitent de la lumière au milieu de graminées qui se développent plus vite. Objectif : « Les exploiter dès l’automne et une à deux fois en sortie d’hiver, avant de casser la dérobée pour la fin mars. Là, ça vaut le coût. » Autre recommandation importante : le choix adéquat des parcelles. « Si j’investis dans de la semence pour obtenir un fourrage de qualité, encore faut-il que je puisse aller le chercher à tout moment, même en novembre ou décembre. Il est donc primordial de choisir des sols portants. » Sinon, le risque est grand de voir « des à-coups préjudiciables dans la ration » quand le tracteur ne peut pas rentrer dans le champ.
Attention, enfin, à bien proportionner ses surfaces en dérobées. « Certains en implantent énormément. Trop puisque les vaches ne sont même pas capables de tout consommer. » Gaspillage à la clé. En fait, un véritable planning de fauche devient alors nécessaire « car aller chercher de l’herbe épiée, sans valeur, n’est vraiment pas intéressant économiquement. » TD

[nextpage title= »Faute d’accessibilité, ils affouragent en vert « ]La centaine de laitières du Gaec des Moulins, à Plouay (56), a un accès réduit au pâturage. Les trois associés ont choisi d’affourager en vert pendant 8 mois, avec du matériel à moindre frais.

Depuis deux ans, et l’achat d’une récolteuse à fléaux neuve (6 000 €), les associés du Gaec des Moulins valorisent une quantité plus importante d’herbe sur l’exploitation. « Notre parcellaire est morcelé. Nous n’avons que 14 ares accessibles par vache », explique André Le Liboux. Le pâturage est limité, même si les vaches sortent tous les jours à la belle saison sur les parcelles les plus proches. Alors, dès la mi-avril, 2,5 tonnes de RGA-trèfle blanc sont apportées chaque jour dans la ration du troupeau en provenance de parcelles situées jusqu’à 2 kilomètres de l’étable. Soit, environ 5 kilos de MS/VL. « En une demie heure, avec un vieux tracteur et une petite remorque et pour un coût qui reste limité ».
L’herbe fraîche est déposée devant le silo et reprise pour l’intégrer à la ration via la mélangeuse. La récolte quotidienne perdure jusqu’à l’automne quand le colza fourrager, semé en dérobée, prend le relais, toujours à raison de 2,5 à 3 tonnes de matière brute. 6 à 8 hectares de colza sont semés chaque année. Une phacélie est implantée en couvert hivernal sur les parcelles éloignées.

[caption id= »attachment_1106″ align= »aligncenter » width= »300″]Andre-Le-Liboux-gaec-moulins André Le Liboux, l’un des trois associés du Gaec, devant la récolteuse à fléaux.[/caption]

Le robot de traite conforte le système

Les laitières ont un plat unique à base de maïs pendant les 4 mois d’hiver. « Avant l’achat de la récolteuse neuve, nous en avions une ancienne qui ne récoltait que le colza. Depuis l’évolution du système et l’apport d’herbe, on a bien senti l’amélioration de la santé des animaux ». Avec une économie de concentré et une baisse du coût alimentaire (moins de stocks). Les génisses et les vaches taries, logées sur un autre site, ne bénéficient pas de ces apports. Les associés ont fait le choix d »installer, en début d’année, un robot de traite. Un équipement qui correspond parfaitement à ce système, basé sur l’affouragement en vert, pour des laitières toujours proches de l’étable. BL

[nextpage title= »Equilibrer les charges et la ration : Rentable ou pas ? « ]Astreignant, gourmand en temps de travail et en charges de mécanisation, l’affouragement en vert réclame de l’implication pour obtenir un bon retour sur investissement.  

L’opportunité de l’affouragement en vert est à étudier au cas par cas, pour chaque exploitation. « La difficulté de juger de son coût, un peu comme pour une mélangeuse, est liée au fait que les charges de mécanisation ne sont pas toujours intégrées au coût alimentaire : le coût fourrager se résume au simple coût de production des fourrages alors qu’à côté les charges de structure augmentent », note Stéphane Saillé de BCEL Ouest. Pour un coût de production de l’herbe de 15 €/t de matière sèche, il faut rajouter le coût pour la ramener à l’auge. « En intégrant les charges d’investissement et d’entretien, l’affouragement en vert réalisé à la faucheurse-autochargeuse se situe au final au mieux au niveau d’un ensilage de maïs conservé puis distribué, soit de 60 à 100 €/t. Cela dit, pour ce tarif, le fourrage à l’auge est équilibré, ce qui n’est pas le cas du maïs auquel il faut rajouter du correcteur azoté », précise son collègue Julien Rigaud.

lely-tigo45 minutes par jour, 250 jours par an

Quand bon nombre des éleveurs adeptes visent la limitation de la dépendance aux correcteurs azotés, les deux spécialistes chiffrent : « C’est très variable mais on peut économiser 150 à 300 kg d’équivalent soja par vache et par an. » Cela dépendra, entre autres, de la qualité du fourrage (« bonne maîtrise des cycles de l’herbe »), de la quantité apportée quotidiennement  (« compromis taille de la machine et taille du troupeau ») et surtout du nombre de jours de pratique sur une année. « Et donc au final de la quantité totale récoltée. » Pour les deux observateurs, celui qui décide de s’investir et d’investir dans l’affouragement doit y aller franchement pour atteindre une bonne rentabilité. « Y consacrer 45 minutes journalières, 250 jours par an. Un challenge énorme. » Et comme la traite, cela devient une véritable astreinte.

[caption id= »attachment_1107″ align= »aligncenter » width= »300″]Julien-Rigaud-BCEL-Ouest Julien Rigaud, Chef produit fourrage au BCEL Ouest.[/caption]

5 km maximum entre la parcelle et l’étable

Julien Rigaud conseille de viser « au moins 1,5 t de MS de fourrage vert par vache et par an. » Il fait le calcul : « À 10 t de MS d’herbe par hectare et 15 ares par vache, 12 ha d’herbe assolée uniquement pour de l’affouragement en vert sont nécessaires. Et même 15 ha si on prend en compte les autres coupes de débrayage… » Les spécialistes soulignent ainsi la nécessité de mettre en place « un planning de fauche avec un choix varié d’espèces fourragères » pour obtenir un étalement de la pousse. « Il faut une certaine technicité. Les éleveurs qui l’avaient en système pâturage s’adaptent ainsi plus facilement à l’affouragement. » Au final, le bénéfice économique sur le coût alimentaire est « souvent contrebalancé par le poids de l’investissement dans une faucheuse-autochargeuse par exemple. Et tout ça, sans même avoir imputé la charge main d’œuvre… », analyse Stéphane Saillé.

Tester vraiment l’affouragement avant d’investir

Dans les réflexions sur la meilleure manière de valoriser un parcellaire sans accessible, « l’affouragement est toujours étudié par nos conseillers. Mais au final, une fois bien considérés les investissements et le temps de travail, à peine 5 % des élevages le pratiquent », rapporte Julien Rigaud. Le cas du petit appel d’air pour la récolte en vert créé par les financements des bassins versants à hauteur de 40 % du prix du matériel est symptomatique : « Parfois, faucheuses et remorques dorment sous les hangars parce que le système n’a pas été raisonné… » Alors, le spécialiste conseille à celui qui s’intéresse à l’affouragement en vert de ne pas investir de manière aveugle. « Dans une période de transition, mieux vaut acheter une récolteuse à fléaux d’occasion par exemple pour se tester pendant 3 ou 4 mois, peut-être sur deux campagnes. L’idée est d’appréhender le temps de travail supplémentaire et l’intérêt alimentaire avant d’alourdir ses charges de mécanisation par l’achat d’un matériel performant… »

Limiter la distance parcourue

La rentabilité dépendra notamment de la distance parcourue pour récolter. L’écrasante majorité des 30 éleveurs enquêtés par le BCEL Ouest consacre entre 45 minutes et une heure pour faire le tour de fauche quotidien. « Mais dès qu’il faut deux tours, la contrainte devient très forte. » Par ailleurs, dans cet échantillon, seuls trois producteurs avaient des parcelles situées à plus de 5 km de l’étable. « Outre le temps de travail, l’allongement du parcours sur route abîme le matériel et avale du fuel. 5 km, c’est déjà beaucoup. »  En termes de rentabilité, Julien Rigaud et Stéphane Saillé concèdent que le bon équilibre est difficile à trouver. « Les troupeaux grandissent et l’accessible à la vache diminue. Alors on pense à l’affouragement. Mais comme les élevages ont de moins en moins de main d’oeuvre disponible, on veut une grosse machine pour être sûr de ne faire qu’un seul tour de fauche par jour. Et pour épargner les sols, on opte pour un double essieu… » À la fin, la facture est salée. Toma Dagorn

[nextpage title= »L’affouragement en vert pour remplacer le pâturage »]La mécanisation de la récolte de l’herbe est une aubaine pour les éleveurs de chèvres, car le pâturage est très mal exploité par l’animal.

Pierre-Yves Poirier est installé en production laitière sur une exploitation biologique de 280 chèvres à Nouvoitou (35). Le début de sa conversion a démarré en 2010. « J’ai été confronté à une très forte augmentation du coût alimentaire de ma ration, passant de 220 €/1 000 L à plus de 400. Il me fallait trouver une solution », affirme-t-il. Un surcoût bien sûr lié à des aliments certifiés AB, composés de bouchons de luzerne ou de maïs. Le pâturage des animaux était réalisé, mais sans grand succès. « Les caprins ont un comportement de cueilleur et de grimpeur. J’arrivais à un pâturage avec 80 % de refus ». Cette situation, beaucoup d’éleveurs de chèvre la connaissent et l’affouragement en vert est une solution.

[caption id= »attachment_1109″ align= »aligncenter » width= »300″]pierre-yves-poirier-chevres La distribution se fait une fois par jour et est très appréciée des chèvres.[/caption]

Mélange de graminées et de légumineuses

Pour apporter l’herbe fraîchement coupée à ses animaux, Pierre-Yves Poirier a opté pour une autochargeuse Jeulin Pales 300 de 24 m3 utiles qui a la particularité de posséder une coupe rotative entraînée hydrauliquement. « Beaucoup plus souple d’utilisation car sans renvoi d’angle sur la coupe, l’autochargeuse peut avoir une vitesse d’avancement de 15 km/h », explique Patrice Le Polh, inspecteur commercial chez Jeulin. L’éleveur apprécie l’autonomie de la machine qui fauche, récolte et distribue le fourrage. « Contrairement à un système avec coupe frontale sur le relevage avant du tracteur couplé à une autochargeuse simple, la Pales 300 ne souille pas l’herbe récoltée car elle travaille en décalé. Autre point, pas besoin d’attacher ou de détacher un outil de fauche avant ou de monopoliser un engin pour le fourrage. Enfin, la puissance nécessaire est moindre pour tracter et animer la machine », précise le commercial. Ici, les 100 CV du tracteur suffisent.

Gain de 1 à 2 ha

Outre l’avantage de mieux valoriser la pousse de l’herbe qui était gaspillée au pâturage, le producteur de lait y a trouvé d’autres points forts. « Je fauche mes parcelles au meilleur stade alimentaire, au moment où les matières azotées de la plante sont les plus importantes. Le parasitisme est fortement minimisé, notamment au niveau des strongles qui pouvaient contaminer les bêtes à la mise en pâture », avoue-t-il. D’autres espèces pourront être essayées sur l’exploitation, comme le brome qui ne supporte par le piétinement mais peut être fauché. Les parcelles sont aujourd’hui composées de mélange de ray-grass d’Italie et de trèfle incarnat, ou de fétuque associée à différents trèfles violets ou blancs. Mieux, Pierre-Yves pense revoir son assolement en libérant 1 ou 2 hectares grâce à cette valorisation plus intéressante.
« Le salissement des parcelles est moindre, particulièrement sur rumex, qui n’apprécie pas ces fauches à répétition. D’un point de vue général, le rendement parcellaire est augmenté de 20 à 30 % par une meilleure reprise de la végétation », complète Patrice Le Polh.

[caption id= »attachment_1110″ align= »aligncenter » width= »300″]Patrice-Le-Polh-Jeulin-Pierre-Yves-Poirier-Patrick-Croissant-Bretagri-Marc-Beaudoin De droite à gauche : Patrice Le Polh, de chez Jeulin, Pierre-Yves Poirier, éleveur à Nouvoitou, Patrick Croissant de chez Bretagri et Marc Beaudoin, étudiant à l’Ihedrea.[/caption]

Outil adaptable

La hauteur de l’autochargeuse ne permettait pas de rentrer dans le bâtiment, « à cause du rail du robot de distribution automatique de luzerne fixé sur la charpente. Les barres adaptables ont été baissées pour pouvoir rentrer ».
Pour plus de confort, le convoyeur de la remorque autochargeuse est lui aussi hydraulique, et « l’inversion de ce convoyeur peut être contrôlé depuis la cabine pour distribuer le fourrage au choix à gauche ou à droite. Autre astuce du modèle, le châssis asymétrique et le positionnement des électrovannes du côté gauche pour éviter de pencher l’ensemble pendant la fauche quand on le déporte », note Patrice Le Polh. Pas question de faire marche-arrière pour l’éleveur qui juge l’outil « indispensable en production de lait de chèvre ». L’herbe restera pour la région un formidable atout économique et nutritionnel qu’il faut savoir valoriser. Fanch Paranthoën

[nextpage title= »Equilibre entre coût de récolte et coût de distribution »]Alternative au pâturage, l’affouragement en vert nécessite un parc matériel spécifique. Sa durée d’utilisation va impacter directement le coût d’investissement et de fonctionnement.

Ensileuse à fléaux, combiné faucheuse frontale ou remorque faucheuse autochargeuse… L’offre de matériel s’est étoffée ces dernières années. « Mais investir dans un équipement pour l’affouragement en vert va générer des charges fixes annuelles (amortissement, frais financiers) auxquelles il faudra ajouter des frais de fonctionnement proportionnels à l’utilisation annuelle (entretien, consommation de fioul, coût de traction) », explique Christian Savary, conseiller machinisme à la Chambre d’agriculture de la Manche. Et d’ajouter : « Pour être le plus précis dans l’approche du coût, il convient d’estimer l’utilisation annuelle de cet investissement. »

[caption id= »attachment_1113″ align= »aligncenter » width= »300″]autochargeuse-supertino Plus l’investissement est lourd, mieux vaut étudier la polyvalence du matériel pour amortir l’outil sur une plus grande surface et une plus grande utilisation sur l’année.[/caption]

Polyvalence ou pas ?

Il faut également tenir compte de l’utilisation annexe du matériel : « La remorque faucheuse autochargeuse peut servir à la distribution des fourrages tout comme la faucheuse et l’autochargeuse sont susceptibles d’être valorisées sur d’autres surfaces. » Chaque cas est donc unique et nécessite de faire appel à un budget partiel (voir tableau) qui rapprochera le coût de récolte et de distribution du fourrage face aux gains envisagés par ce changement de pratique. Et à ces charges, il convient d’ajouter le travail d’astreinte quotidien, qui avoisine une heure par jour en moyenne si les parcelles sont relativement proches du lieu de distribution. Mais, « si la récolte/distribution de 25 m3 à proximité peut prendre 30 minutes selon l’équipement, à une distance de 4-5 km, ce temps peut être allongé à 1 h 15. »

La météo fait la pluie et le beau temps

« Ce type de distribution nécessite de surveiller beaucoup la météo », rapporte Christian Savary. Si ce fourrage permet d’avoir peu de perte au champ et pas de refus en stabulation, le chantier de récolte doit être facilité par le choix de la taille de la faucheuse et sa robustesse. « L’ensileuse à fléaux va mieux correspondre à des périodes d’affouragement courtes permettant une récolte en un seul passage, car elle va nécessiter 20 minutes pour remplir 10 m3 alors que 10 minutes suffiront avec une coupe de 2,10 m de large, le plus rapide (5 minutes) restant la barre de coupe avant de 3 m avec la remorque autochargeuse. »

Penser à la robustesse du matériel

Le conseiller insiste sur la robustesse des outils, car le produit vert est relativement lourd, la machine doit donc être adaptée à ce type de fourrage. Car la durée de vie du matériel impactera aussi le coût de récolte. Il faut aussi penser à la puissance de traction adaptée. En cas de terrain en pente, le tracteur doit être assez puissant (140 CV au lieu de 100 CV) pour ne pas patiner et dégrader la prairie par temps pluvieux. Et plus l’investissement est lourd (qui peut varier de 25 000 à 55 000 €), plus il faut étudier sa polyvalence.

[caption id= »attachment_1111″ align= »aligncenter » width= »300″]achat-autochargeuse Cas concret pour un élevage de 900 000 L de lait : investissement dans une remorque autochargeuse
avec faucheuse avant de 26 m3 (38 000 €), amortie sur 7 ans. (Source : Chambre d’agriculture de la Manche)[/caption]

Mise en place d’un réseau breton

« Actuellement, les charges liées à la récolte et au fonctionnement de la distribution de l’affouragement en vert sont élaborées à partir de coûts forfaitaires », explique Gérard Losq, de la Chambre d’agriculture de Bretagne. Or les résultats montrent que les variations sont très importantes d’une exploitation à une autre sur le terrain. Les modalités de calcul doivent être affinées pour établir de nouvelles références. Aussi, un réseau d’une vingtaine d’exploitations laitières bretonnes pratiquant l’affouragement en vert va être mis prochainement en place. Ces structures seront suivies pendant trois années durant lesquelles les frais de fonctionnement de ce type de distribution de fourrage seront observés en détail.

 Carole David


[nextpage title= »Rapidité et stabilité du matériel »]Depuis mars 2014, Yvan et Stéphane Joncour du Gaec du Menez, à Le Juch (29), réalisent de l’affouragement en vert avec une barre de fauche de 3 m et une remorque autochargeuse. Un équipement rapide et stable sur leur territoire vallonné.

[caption id= »attachment_1114″ align= »aligncenter » width= »300″]freres-Joncour-le-juch « Nous avons tout de suite observé l’appétit des vaches pour le fourrage vert, leur vitalité… », expliquent Yvan et Stéphane Joncour.[/caption]

« Avec la météo capricieuse de notre secteur, nous avions du mal à récolter l’ensilage d’herbe au stade optimal en valeur alimentaire. Le débit de chantier n’était pas suffisant », précise Yvan Joncour, associé avec son frère Stéphane, sur la commune du Juch (29). En 2011, suite à la forte augmentation de la part d’herbe sur l’exploitation, les producteurs de lait avaient acquis deux barres de fauche (Krone) : une frontale et une latérale de 3 m chacune. Sur près de 70 ha de prairies, 20 ha sont directement accessibles pour les vaches, car la SAU est regroupée, mais traversée de grands axes.

L’autochargeuse du voisin en essai

En juillet 2013, souhaitant s’orienter vers l’affouragement en vert, ils testent une remorque autochargeuse appartenant à un voisin, pendant une dizaine de jours. « Nous avons tout de suite observé l’appétit des vaches pour le fourrage vert, leur vitalité… », expliquent les éleveurs qui choisissent alors d’investir dans ce type de matériel. Depuis mars 2014, ils utilisent une remorque autochargeuse de 25 m3, de marque Krone (AX 250 D). Elle permet la distribution de l’herbe sur le côté ou le déchargement à l’arrière pour confectionner un tas d’ensilage par exemple. L’investissement de 70 000 € HT (options comprises) a bénéficié d’une subvention de 20 000 € dans le cadre du Bassin versant algues vertes de Douarnenez, sur lequel l’exploitation est située.
Après une année de pratique, Yvan et Stéphane Joncour ne regrettent pas leur choix. « Entre deux averses, dès que l’herbe est ressuyée, elle peut être récoltée rapidement. Nous ne faisons qu’un seul tour pour l’alimentation des vaches, avec un tracteur de 125 CV et une barre de coupe à l’avant. L’ensemble reste stable sur nos terrains vallonnés. Nous allons ramasser l’herbe sur les parcelles de début mars à mi-décembre. » Autre atout aux yeux des éleveurs : la structure supérieure, à claires-voies, est rabattable pour rentrer dans les bâtiments.

Plus de pérennité avec l’herbe

En 2010, les éleveurs cultivaient 40 ha de maïs, une soixantaine d’ha d’herbe et pas de céréales. Aujourd’hui, sur la SAU de 107 ha, poussent 10 ha de céréales, 25 ha de maïs ensilage, 2,5 ha de betteraves et près de 70 ha d’herbe (dont une bonne part de prairies multiespèces avec du trèfle). « Davantage de maïs, c’était davantage de soja. C’est lors de la crise du lait en 2009 que nous avons décidé de produire plus d’herbe, pour limiter les problèmes de trésorerie. Sur la campagne 2013/14, si nous avions conservé la même consommation de tourteaux de soja qu’il y a quelques années, nous aurions dépensé 25 000 € en plus, avec un cours moyen du soja sur la campagne de 393 €/t », chiffre Yvan Joncour.
« Moins de maïs, c’est également moins d’avances sur cultures et moins de coûts de récolte. » À 100 €/1000 L, le coût alimentaire reste pour le moment stable, du fait des frais supplémentaires en semences pour les prairies. Malgré l’affouragement en vert, les frais de carburant n’ont pas augmenté, « car nous faisons moins de labours aujourd’hui. » Et grâce à l’herbe fraîche, les vaches vieillissent mieux et les frais vétérinaires ont baissé. Enfin, « l’herbe assure la pérennité de notre exploitation sur un BV algues vertes », ajoutent les éleveurs.

Des rendements supérieurs

L’affouragement en vert demande entre 45 minutes et 1 heure de travail par jour à une personne. « Les rendements sont supérieurs avec cette technique. Les parcelles sont entièrement récoltées et pas souillées. C’est aussi moins de clôtures à entretenir. » En complément de l’affouragement en vert, les producteurs réalisent toujours des stocks d’herbe sous forme de foin, d’ensilage et d’enrubannage. En 2000, ils ont investi dans l’hydrocurage de l’aire d’exercice. « Le lisier très peu chargé en matière sèche est bien valorisé sur l’herbe toute l’année. » « Les vaches mangent du maïs plus correcteur le matin, puis sont affourragées en vert le soir après la traite. En période de pâturage, elles vont dans les prairies le matin, puis reçoivent le maïs à partir de 16 h. Elles ne passent jamais la nuit dehors », expliquent les éleveurs. Agnès Cussonneau

[nextpage title= »Une autochargeuse en Cuma plutôt que de l’occasion »]Après avoir envisagé d’acheter une faucheuse-autochargeuse d’occasion pour remplacer sa Taarup et faire de l’affouragement en vert, Emmanuel Tirard, éleveur à Saint-Jean-le-Blanc (14), a finalement opté pour un investissement en Cuma.

« Après avoir recherché une autochargeuse d’occasion, je me suis dit que ça serait sûrement plus intéressant d’en acheter une neuve en Cuma. J’ai donc proposé à la Cuma à laquelle j’adhère d’investir dans ce matériel pour faire de l’affouragement en vert », raconte Emmanuel Tirard, éleveur à Saint-Jean-Le-Blanc (14). Il précise que pour une utilisation régulière de cet équipement pour faire de l’affouragement en vert, il ne faut pas être trop nombreux. Son voisin, Vincent Hue, éleveur à 2 km de chez lui était intéressé, ils seront donc deux à investir. « Elle est utilisée ponctuellement par d’autres adhérents pour récolter l’herbe loin de leur site d’exploitation en fin de saison de pâture. »

[caption id= »attachment_1117″ align= »aligncenter » width= »300″]Emmanuel-Tirard Emmanuel Tirard, éleveur laitier en race Normande.[/caption]

Valoriser les couverts végétaux

Cela fait déjà cinq ans que les éleveurs utilisent la faucheuse-autochargeuse de marque Bonino et d’une capacité de 28 m3. Elle a été achetée 30 000 € à l’époque. La Cuma a reçu une subvention de 25 % par le Conseil général. « Au départ, je souhaitais faire de l’affouragement en vert pour valoriser ma luzerne qui pousse bien l’été au contraire du RGA+TB. » L’objectif d’Emmanuel Tirard est tout de même de pâturer au maximum. Il utilise beaucoup l’autochargeuse durant l’été lorsqu’il manque d’herbe. Grâce à cet équipement, il valorise aussi ses couverts végétaux. « Jusqu’à début janvier, j’ai récolté 6,5 ha de colza fourrager. Faucher et distribuer mes couverts végétaux me permet de gagner 3 kg de MS/VL/jour. C’est aussi une économie de correcteur azoté (tourteau de colza) que j’estime à 500 g/VL/jour. » En considérant qu’il affourage en vert durant trois mois l’hiver (100 jours), les 3 kg de MS économisés multipliés par les 60 vaches présentes sur l’exploitation représentent 18 t de MS soit l’équivalent de 1,5 ha de maïs. Sur la même période c’est aussi une économie de 3 t de concentrés.

Un modèle léger et bien chaussé

L’éleveur utilisait une Taarup par le passé, mais le débit de chantier était moyen et le fourrage était déstructuré par temps pluvieux. « Aujourd’hui grâce à la faucheuse-autochargeuse, le fourrage est propre et entier même par mauvais temps. » Le tapis déchargeur est très pratique pour distribuer directement le fourrage aux animaux au retour du champ. L’éleveur estime que ce modèle de faucheuse-autochargeuse a l’avantage d’être léger en poids et bien chaussé ce qui évite de marquer les sols. C’est malgré tout un peu léger mécaniquement puisque l’autochargeuse a déjà eu quelques points de soudure sur le châssis.

La quête de l’autonomie alimentaire

La grosse période d’utilisation pour les deux éleveurs est de novembre à mars, c’est-à-dire jusqu’au redémarrage de la pousse de l’herbe. La deuxième période est souvent entre juillet et août, si les vaches manquent d’herbe dans les pâtures. Mais, Emmanuel Tirard fait aussi évoluer ses cultures enfonction de cette pratique : « Cette année j’ai 5 ha de RGI à défaire, au lieu de tout mettre en maïs, comme je l’aurais fait habituellelement, je vais semer 3 ha de maïs et 2 ha de chou fourrager. Cette culture sera valorisée début janvier, juste après la récolte du colza fourrager. »

[caption id= »attachment_1118″ align= »aligncenter » width= »300″]autochargeuse-bonino La faucheuse autochargeuse achetée en Cuma tourne entre deux exploitations et ponctuellement chez d’autres éleveurs adhérents.[/caption]

L’éleveur avoue tout de même que c’est une charge de travail en plus : « Chez moi, c’est environ 45 minutes de travail en plus par jour. C’est bien plus facile de mettre un godet de maïs supplémentaire. » Mais la quête de l’autonomie alimentaire passe par la. Cela faisait longtemps qu’Emmanuel Tirard souhaitait introduire de la luzerne dans sa rotation. Tout d’abord pour couper le cycle blé/maïs. C’est aussi un très bon moyen de produire des protéines pour les vaches et de consommer moins d’engrais sur l’exploitation. « L’autochargeuse permet de bien valoriser cette culture. Mais le plus important et le moins coûteux c’est tout de même de pâturer. »

Un effet positif sur les pattes

Si Emmanuel Tirard apprécie d’apporter du fourrage bien vert à ses laitières pendant l’hiver, il y a un effet qu’il n’avait pas mesuré. « Mon pareur, m’a dit avoir constaté chez moi et d’autres éleveurs équipés de logettes et faisant de l’affouragement en vert, un effet bénéfique sur les pattes des vaches. Les bouses sont plus claires et moins collantes. Les sabots sont donc beaucoup plus propres et il constate qu’il y a moins de champignons en dessous. » Nicolas Goualan

[nextpage title= »Prestation de service : Le vert à la demande »]Nombre d’ETA ont parié sur les remorques autochargeuses pour mener les chantiers d’ensilage d’herbe. Certaines, comme la SARL des Abers, proposent aussi l’affouragement pour « valoriser davantage le matériel en période creuse. »

[caption id= »attachment_1119″ align= »aligncenter » width= »300″]Jonathan-Boulch-Yann-Faujour Jonathan Boulch et Yann Faujour, deux des associés de l’ETA des Abers à Ploudaniel (29).[/caption]

« Début octobre dernier, j’étais à court de maïs ensilage », se rappelle André Lichou, producteur de lait à Ploudaniel (29). Pour autant, il ne se voyait pas acheter de l’ensilage ou de l’enrubanné pour faire la jonction en attendant la récolte prochaine : « Je cultive depuis quelques années une association luzerne – dactyle. Dans les parcelles, le fourrage était à son stade optimum à ce moment-là. » Il s’est donc naturellement tourné vers la SARL des Abers, une ETA « à proximité, qui a le matériel adapté et qui offre une prestation de service d’affouragement en vert ». Pendant trois semaines, sur une surface de 4,5 ha, « tous les jours sauf le dimanche », un chauffeur a donc récolté à l’aide d’une remorque autochargeuse l’herbe fraîche pour la déposer « en vrac sur une plateforme à la ferme ». Un chantier quotidien d’une durée de 30 minutes pour une entreprise basée à 1 km de la parcelle, elle-même à 1 km de l’exploitation. Là, André Lichou reprenait le fourrage pour alimenter la mélangeuse : « J’y chargeais un fond d’ensilage, 500 kg brut pour 75 vaches et je complétais avec de la luzerne et une bonne dose de concentré. » L’expérience a été appréciée par l’éleveur : « En attendant l’ensilage des maïs précoces, le niveau de production par vache s’est maintenu à 29 kg de lait sans baisse des taux. Et derrière le chantier, les parcelles étaient propres. »

Le dactyle et la luzerne, verts complémentaires

André Lichou est satisfait de son association graminée – légumineuse. « La luzerne est plus lente au démarrage. En attendant son développement, le dactyle bouche les trous en occupant l’espace et prend le relais si la luzerne a une faiblesse. Et puis les maturités des deux espèces vont de paire. Enfin en termes d’équilibre azote – énergie, elles sont complémentaires. »

Encore anecdotique en volume et nombre de clients

Yann Faujour, Yann Kermarrec et Jonathan Boulch, les trois associés de la SARL des Abers proposent une prestation d’affouragement en vert depuis 18 mois. L’ensilage d’herbe à la remorque autochargeuse était une « spécialité » de la maison pour leur cédant. Le savoir-faire a été conservé. L’activité se développant même, l’entreprise possède aujourd’hui deux machines Pöttinger. « Une deux-essieux de 45 m3 et une trois-essieux de 55 m3. » De gros volumes pour gagner en vitesse de chantier face des fenêtres météo qui s’ouvrent aussi vite qu’elles se referment au gré des caprices du printemps. Alors pour « valoriser davantage ce matériel coûteux disponible sur le parc » (compter 90 000 € et 130 000 € pour les deux attelages), les associés se sont lancés. « L’affouragement en vert, c’est anecdotique en volume et en nombre de clients. Mais cela permet de faire tourner un chauffeur et un tracteur dans une période creuse. L’hiver est l’heure de l’entretien, mais c’est difficile d’occuper tout le monde à l’atelier. Alors une autochargeuse est toujours prête à démarrer en janvier et février. Plus on répond vite, plus les clients sont demandeurs… », explique Yann Faujour.

[caption id= »attachment_1120″ align= »aligncenter » width= »300″]faucheuse-frontale-autochargeuse La faucheuse frontale de 3 m de large et la remorque autochargeuse de 45 m3 de la SARL des Abers.[/caption]

Autour de 120 euros de l’heure

Durant l’hiver 2013 – 2014, quatre éleveurs ont fait appel à l’ETA. « Les cours du soja était hauts. Ça a donné des idées : nous étions appelés pour récolter de l’herbe venant se substituer au tourteau », se rappelle Jonathan Boulch. « Nous avons ramassé du colza, des mélanges ray-grass – trèfles… Des parcelles non accessibles où le couvert était très développé en mars, encore trop tôt pour un ensilage… » Pendant une période, le chauffeur tournait près de 3 heures par jour pour trois exploitations à la suite. Une prestation facturée 120 € de l’heure. De fin janvier à début mars, un nouveau client a recouru au service des Abers pour récolter en vert une parcelle de 5 ha de colza. « Cette activité sera toujours imprévisible en fonction du prix du soja, du développement des couverts et de la météo… », concluent les entrepreneurs qui restent toujours prêts à mettre le contact « si besoin ». Toma Dagorn


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