Opportunité pour certains, mauvaise nouvelle pour d’autres, la fin des quotas laitiers n’est pas vécue de la même façon dans les exploitations. Rencontre avec Bernard Lannes, président de la Coordination Rurale.
La Coordination rurale n’a pas fêté la fin des quotas le soir du 31 mars dernier. Pour le syndicat, les quotas apportaient une forme de régulation des marchés qui assurait un revenu aux agriculteurs. Bernard Lannes, président national de la Coordination Rurale, est venu donner sa vision lors de l’assemblée générale du syndicat à Lannédern.
L’Europe n’est pas autosuffisante
La production de lait sur notre continent ne couvre pas la consommation, comme l’explique le président : « Nous devons nous occuper de l’autosuffisance de l’Europe en lait avant de viser le marché export. L’Allemagne, le Danemark et la Hollande ont déjà le pied sur l’accélérateur pour répondre à la demande, et vont inonder le marché français. Il manque à l’Europe la surface agricole utile de la France pour être autonome au niveau alimentaire. L’alimentation ne se négocie pas », ajoute-t-il. Le modèle industriel risque donc de s’étendre selon Bernard Lannes, qui craint de le voir se développer au profit du modèle familial, car « le libéralisme imposé dans les exploitations cherchera à tout prix la rentabilité, au lieu de regarder l’aspect nourricier ».
450 €/1 000 litres
Pour pouvoir vivre décemment de sa production, la coordination rurale demande un prix aux 1 000 litres rémunérés à hauteur de 450 €. « Nous mettons le doigt sur le problème grave de la rémunération des exploitants. En 2013, le revenu par UTH en production laitière est estimé à 17 000 € par an. En retirant les primes Pac, le revenu dégagé par la production s’établit à 1 800 € par an, soit 150 € par mois. Ramené au coût horaire, un exploitant est donc rémunéré 65 centimes de l’heure. On comprend alors pourquoi les industriels chinois viennent investir en Bretagne ». Sans toucher au pouvoir d’achat du consommateur, le président prend un voisin européen comme exemple : « Le producteur italien a été payé jusqu’à 430 €/1 000 litres en 2014, et ce n’est pas pour autant que les prix des denrées alimentaires sont plus élevés en grandes surfaces ».
Pour réguler les marchés, la Coordination rurale pense à l’utilisation d’un outil déjà existant. « Nous disposons d’un bon dispositif avec l’agence de régulation européenne, mais qui ne peut pas s’imposer. Il faudrait tous les 3 mois l’utiliser pour accélérer ou ralentir la production. Les éleveurs savent le faire », conclut-il. Fanch Paranthoën