C’est un point de vue radical et prospectif qu’a apporté Yannick Roudaut, lors de l’assemblée de Coop de France Ouest à Rennes. Une invitation à penser différemment dès aujourd’hui et à changer progressivement, en mettant de côté ses certitudes.
« Nous ne sommes pas en crise, nous changeons d’ère. » Le titre de la conférence tenue par Yannick Roudaut annonce la couleur. À ses yeux, le monde est en profonde mutation et les tensions actuelles – économiques, sociales, politiques, culturelles – sont les symptômes d’une transition parfois très difficile. Pour le conférencier, le monde actuel va s’effondrer, pour plusieurs raisons. « Depuis 1950, notre modèle repose sur l’accès aux ressources. En deux siècles, nous avons utilisé 80 % des ressources fossiles de la planète. Si tout le monde consomme comme les Nord-Américains, il faudrait cinq planètes Terre. » Pour Yannick Roudaut, « le jetable, inventé en 1933, n’est plus possible. Nous devons changer notre rapport aux ressources naturelles. »
De nouvelles stratégies, plus globales
Spécialiste des marchés financiers pendant 15 ans, en tant que journaliste notamment, Yannick Roudaut s’est orienté vers une autre façon de concevoir l’économie, la finance, de manière plus responsable socialement. Son entreprise de conseil accompagne les entreprises pour que leur stratégie soit portée par les nouveaux enjeux environnementaux, sociétaux et économiques. Son approche crée des passerelles entre le monde de la finance, les ONG, l’économie, l’écologie, la philosophie. Il a publié plusieurs ouvrages.
« Face au mur des ressources »
Le dérèglement climatique et l’accroissement démographique vont intensifier les guerres pour l’accès aux ressources (eau, terres, métaux stratégiques…). « Aujourd’hui déjà, les ressources sont plus aléatoires, avec une volatilité accentuée par les marchés financiers. »
C’est la fin d’un monde. Pas la première fois dans l’histoire de l’humanité. « Le dernier changement radical s’est fait il y a cinq siècles, à la Renaissance. Il a duré très longtemps. Aujourd’hui, avec la diffusion de la connaissance que proposent les réseaux sociaux et internet, le changement va se faire beaucoup plus vite, sur quelques dizaines d’années. »
Déjà, « les « barbares » numériques font voler en éclats nos certitudes. » Des entreprises comme Zilok (location entre particuliers et pros), Uber (qui met en contact des utilisateurs avec des conducteurs) pensent autrement et veulent prendre leur part du gâteau. Google, qui connaît si bien les internautes, va développer des produits bancaires adaptés. La mutation est violente. « Qui aurait cru il y a quelques années au dépôt de bilan de Encyclopædia Universalis ? »
Le collaboratif revient en force
Des citoyens occidentaux remettent en cause le système actuel, le mythe d’une croissance infinie. « Ils aspirent
à de nouvelles valeurs, où l’esprit collaboratif revient en force. L’appauvrissement nous pousse vers la mutualisation des biens. » En agriculture, la mutation est déjà en ordre de marche, avec une meilleure protection des ressources naturelles. Reste à communiquer davantage, à dialoguer avec les représentants des consommateurs, les environnementalistes… « Je pense qu’il faut, des deux côtés, miser sur les gens les plus modérés pour avancer », conseille le conférencier. Et selon lui, inutile de trop en attendre des dirigeants, qui, en période de déclin, l’histoire le prouve, se protègent. Place à un pouvoir latéral. Agnès Cussonneau