Comment concilier une réglementation de plus en plus contraignante et ses objectifs en termes de rendement et de taux de protéine ? Plusieurs outils existent pour optimiser la fertilisation des céréales.
Les outils de pilotage de la fertilisation azotée sur blé existent depuis près de vingt ans, mais ils étaient peu utilisés. Aujourd’hui, la réglementation impose un plan prévisionnel de fumure (PPF) à la parcelle. La dose totale d’azote à apporter, calculée par la méthode des bilans, peut être réajustée grâce à l’analyse du reliquat azote sortie hiver (RSH) ou en fonction d’une grille comportant les quatre critères suivants : la zone géographique qui indique la pluviométrie hivernale, la profondeur de sol, la fumure organique et la rotation.
Il faut ensuite essayer de fractionner cette dose totale en 3 apports ou plus, sauf dans le cas d’utilisation d’un engrais avec retardateur de nitrification, comme l’« Entec », qui permet de coupler les 1er et 2e apport (stades tallage + épi 1 cm). Dans tous les cas, l’objectif est de garder 40 unités environ pour le dernier passage d’azote, à positionner au stade dernière feuille étalée à gonflement (cf. encart).
2 règles pour garantir le rendement et augmenter le taux de protéine
Épandre la dose d’azote optimale.
- Une sous-fertilisation de 50 unités d’azote peut faire perdre jusqu’à 0.8 % de protéine.
Fractionner en 3 apports minimum et maintenir les formes d’azote granulées.
- Par exemple, pour une dose totale réajustée à 150 unités, il faut apporter environ 30 unités au tallage, 80 unités à partir du stade épi 1 cm et avant le 1er nœud, ce qui permet de garder 40 unités en réserve pour le dernier passage.
Les nouveaux outils de pilotage décollent
Les outils de pilotage permettent également de justifier un réajustement de la dose. Celui-ci peut aller de 40 à 80 unités d’azote, en prenant en compte la variété, l’objectif de rendement et la dose déjà apportée. La période idéale pour les utiliser se situe à partir du stade 2 nœuds et avant l’épiaison. Les outils de pilotage les plus anciens sont la méthode Jubil ou le N-Tester. Par exemple, le N-Tester mesure la teneur en chlorophylle des feuilles grâce à une pince. Ces outils sont intéressants, mais le résultat sera fortement lié à l’échantillonnage.
Depuis quelques années, d’autres OAD plus précis sont arrivés sur le marché, ils mesurent la biomasse et la teneur en chlorophylle sur l’intégralité de la parcelle. Deux types de matériels existent sur ce segment. D’une part, les satellites avec une mesure indirecte, d’autre part les drones, qui utilisent des capteurs. Cette année, Triskalia développe fortement cette nouvelle technique. La coopérative a choisi l’Agridrone de la société Airinov. 450 ha ont été suivis en colza et 5 500 ha le seront en blé.
Sur le blé l’objectif recherché est double : gagner en rendement, mais aussi en protéines. En effet, depuis une dizaine d’années, nous observons une baisse structurelle du taux de protéine du blé. Pour la prochaine collecte, le taux de référence fixé par l’interprofession sera de 11,5 % au niveau national. Le climat breton ne permet pas toujours d’atteindre cet objectif. Cependant, il faut améliorer le niveau moyen, que ce soit pour augmenter la qualité des blés constituant la base de l’alimentation des animaux ou pour accéder au marché export.
Et la modulation ?
Tous ces OAD sont des outils de pilotage. La modulation, quant à elle, consiste à épandre au plus près des besoins cette dose à apporter. La modulation interparcellaire est accessible à tous puisqu’il s’agit d’appliquer à la parcelle la dose obtenue par les OAD, dose pouvant varier selon le sol, la variété, les effluents ou le précédent. La modulation intraparcellaire est réalisée à partir de zonage du conseil, de drone notamment.
[caption id= »attachment_1878″ align= »aligncenter » width= »300″] Les drones vont décoller cette année : après 450 ha en colza, 5 500 ha de blé bretons seront survolés cette campagne en Bretagne.[/caption]
Il est aussi possible d’utiliser l’outil N-Sensor, couplé à des épandeurs haut de gamme de dernière génération. Cet outil est développé sur la Bretagne par le réseau Cléo. Le principe est simple : des capteurs, situés sur la cabine du tracteur, évaluent par réflectance la biomasse et le taux de chlorophylle. Ils transmettent instantanément les informations au distributeur d’engrais. La dose d’azote pivot, issue du PPF, du N-Tester ou du drone, est augmentée ou diminuée en fonction de ces mesures de réflectance. Cet outil de pilotage est encore mieux valorisé quand le blé est fertilisé au tallage avec du lisier. Pour pouvoir dépasser la dose du PPF, il faut coupler le N-Sensor avec un outil de pilotage. Ce dispositif de modulation permet d’économiser jusqu’à 12 % d’engrais et de gagner jusqu’à 5 q/ha. Cette année, Triskalia propose ce service avec plusieurs ETA : Pellen et Lelay (29), Robillard et Gautier (22), Hamon et Jan (56).
Besoin d’aide ?
Pour tout renseignement complémentaire sur Agridrone, N-Sensor, N-Tester, contactez votre technicien cultures Triskalia.
De plus, les conseillers agro-environnement de la coopérative vous accompagnent pour la réalisation de votre plan prévisionnel de fumure (Nutriterre ou Planiterre) et donc pour l’actualisation des doses bilans en fonction de l’analyse RSH. Celle-ci est un service proposé par le laboratoire Capinov.
Granulés ou liquide ?
Pour le dernier apport d’azote sur blé, notre préférence va aux engrais solides de type ammonitrate ou urée imprégnée (Nexen ou Utec). En effet, la solution azotée au dernier apport (à dose d’azote équivalente) fait perdre jusqu’à 0,4 % de protéine. Et, sur les 3 apports, le taux de protéine peut chuter jusqu’à 0,6 % avec une perte de rendement de 2 q/ha. En ce qui concerne les engrais foliaires du type Foliance, l’association avec le fongicide, au stade dernière feuille étalée, maintient le potentiel de rendement, mais il ne favorise pas la protéine.
Les technologies sont donc au rendez-vous pour maintenir les rendements et améliorer la qualité de nos céréales… Et ce n’est sans doute qu’un début ! Laurent Gougeon / Triskalia