La mission nourricière de l’agriculture selon Luc Guyau

luc-guyau-cooperatives-paimpol-treguier - Illustration La mission nourricière de l’agriculture selon Luc Guyau

Luc Guyau était l’invité de l’Union des Coopératives de Paimpol et de Tréguier (UCPT) lors de son assemblée générale. Il a exposé sa vision mondiale de l’agriculture.

Face à une agriculture en crise dans certains secteurs, concurrencée par des denrées produites avec des contraintes environnementales loin de notre rigueur, Luc Guyau a exposé son point de vue mondial sur la production agricole d’aujourd’hui et du futur. « Le monde peut-il nourrir le monde ? », introduit-il. « Oui, si on le veut bien. 850 millions d’êtres humains ne mangent pas à leur faim, c’est inacceptable. En 1950, la terre était peuplée de 2,5 milliards d’individus, avec le même nombre de personnes en sous-nutrition. La Pac a donc nourri plus de 4 milliards d’habitants en plus depuis 60 ans. Mais est-ce que cette recette appliquée pour le passage de 2,5 à 7 milliards d’hommes et de femmes peut être la même pour atteindre 7 ou 11 milliards en 2050 ? Non. Il nous faudra une agriculture plus organisée pour un monde en plein envol », explique l’ancien président de la FNSEA, qui a également occupé la fonction de président du conseil indépendant à la FAO (Food and Agriculture Organization).

Économiser les sols agricoles

En 2030, 70 % de la population sera urbaine. « Cette occupation du territoire engendre une stérilisation des sols agricoles. Nous devons faire le maximum d’économie de ces sols. Nous connaissons tous le chiffre d’un département qui disparaît tous les 7 ans, par une urbanisation ou par la construction d’autoroute en plaine. Au niveau mondial, l’accaparement des terres par des gouvernants parfois peu scrupuleux qui confondent bien privés et biens publics, passe des contrats sur les terres, excluant les agriculteurs. L’objectif de ces contrats est de vendre ces surfaces à des pays qui veulent soit faire de la spéculation, soit en ont besoin, car ils se soucient de l’approvisionnement en nourriture de leur population. Depuis 30 ans, la Chine, avec 20 % de la population mondiale et 7 % des terres arables,  a investi au Brésil non pas sur la terre, mais sur les infrastructures ferroviaires ou portuaires. Ce sont aujourd’hui 30 % des protéines végétales brésiliennes qui partent en Chine ».
Luc Guyau est revenu sur l’intégration de productions agricoles pour la production de carburant ou d’énergie.

Tout est dans la dose

« Les quelque 8 % d’intégration de produits issus de l’agriculture en Europe dans les carburants ne créent pas de déséquilibre alimentaire mondial, comme ce fut le cas au États-Unis quand le maïs représentait 50 % de la fabrication d’éthanol. Plus près de nous, quand l’Allemagne, pendant 4 ans, a utilisé son maïs pour alimenter ses méthaniseurs, ce ne sont pas moins de 800 000 ha qui ont ainsi été consommés. C’est sûr qu’il est plus compliqué d’utiliser son maïs comme fourrage pour produire du lait et d’alimenter son méthaniseur par les déchets ».
Pour Luc Guyau, le monde a besoin de toutes les agricultures, qu’elles soient biologiques ou conventionnelles, afin de répondre aux besoins sociétaux, de proximité et pour assurer la demande de nourriture mondiale.

Maintenir l’exploitation

« Nous aurons besoin d’avoir du commerce au niveau international, et j’entends parfois en France qu’il faut arrêter d’exporter ou faire de la décroissance. Mais faire de la décroissance, c’est contribuer à faire en sorte que la population mondiale meurt encore un peu plus de faim. Si l’Europe décidait de réduire de 30 % sa production agricole pour ses 500 millions de consommateurs solvables, les prix mondiaux exploseraient, au profit de certains, et les victimes seraient les pays qui ont besoin de nourriture ». Il est bon de rappeler que de nos jours un enfant meurt de faim dans le monde toutes les 6 secondes. Fanch Paranthoën


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article