Bolus, pour-on ou injectable ? Traitement à la mise à l’herbe, un peu plus tard ou impasse sur un lot ? Pas simple de mettre en place la bonne stratégie. Dr Cyrille Chevalier, des GTV de Bretagne, insiste sur l’importance d’une gestion raisonnée et individualisée du parasitisme.
Pourquoi certains éleveurs s’intéressent peu à la gestion du parasitisme ?
Cyrille Chevalier : Deux raisons principales. D’abord, le coût des traitements anti-parasitaires : certains peuvent être tentés de faire l’impasse pensant faire une économie. Ensuite, c’est une évidence, dans cette problématique compliquée, chacun a du mal à s’y retrouver. Pourtant, la réflexion sur le parasitisme est primordiale. Quand la gestion est rationalisée, les traitements deviennent de réels investissements pour le pré-troupeau. Pour cela, il faut surtout se faire
aider…
[caption id= »attachment_530″ align= »aligncenter » width= »300″] Dr Cyrille Chevalier, GTV de Bretagne[/caption]
Car il n’y a pas de recette toute faite…
Cyrille Chevalier :En effet, c’est tellement complexe que les vétérinaires ne sont pas toujours d’accord entre eux et continuent à faire évoluer leurs pratiques. Le parasitisme sera d’ailleurs le thème du congrès national de la SNGTV (20-22 mai, Nantes). Les vétérinaires ruraux viendront échanger pendant 3 jours sur cette large problématique. Donc pas de message tout fait. Éleveurs et vétérinaires sont en fait face à un défi majeur : trouver le bon compromis entre 2 choses antagonistes, l’installation de l’immunité et la mise en capacité de l’animal à devenir productif le plus tôt possible. Ainsi, les stratégies vont varier avec l’intensification laitière et l’âge au 1er vêlage, la météo de l’hiver passé qui joue sur la pression parasitaire, l’âge des animaux, le résultat des anti-parasitaires l’année précédente… Après un hiver bien froid, sur des génisses qui sortent tôt sur une pâture peu chargée en larves de strongle, il est possible de faire l’impasse à la mise à l’herbe pour préférer un traitement plus tard dans la saison. Mais il serait contre-productif de rester sur cette approche pour un 2nd lot de génisses sorti au 15 juillet, d’autant plus si les plus âgées sont passées avant en lâchant une charge parasitaire importante. Au final, chaque élevage est pratiquement un cas unique…
Pour-on, bolus, injectable… solutions complémentaires
« Pour-on, bolus, produits injectables… Chaque dispositif a ses avantages et ses inconvénients, en fonction de la largeur de spectre et de la rémanence (durée d’efficacité) des molécules.
Par exemple, l’une des forces du bolus est sa rémanence élevée. Mais attention : il sera adapté pour des jeunes sorties début avril en offrant une protection jusqu’en septembre pour un contact parasitaire en fin de saison. Mais l’administrer pour une 1re mise à l’herbe intervenant en juillet peut s’avérer dans certaines situations une grosse erreur : l’animal serait sous l’influence du bolus jusqu’à la rentrée à l’étable sans avoir été confronté aux parasites. En termes de mise en place de l’immunité, ce serait une saison blanche. Encore une fois, le choix des spécialités thérapeutiques devra être réfléchi avec le vétérinaire et adapté à l’élevage, au lot, voire à l’individu… »
Pourquoi mettre autant l’accent sur la stratégie « vermifuge » en élevage de la génisse ?
Cyrille Chevalier :Il y a tout à gagner à axer la prévention sur les 1res années de pâturage, sur les animaux qui sortent pour la 1re fois, peu importe leur âge. D’abord, ce sont les génisses les plus jeunes, en pleine croissance, qui vont pâtir le plus de l’action des parasites. En plus, les animaux étant moins lourds, le coût de traitement sera plus limité. D’ailleurs, on ne peut imaginer de faire l’impasse sur un traitement qu’à condition que la 1re saison ait été très bien gérée. Enfin, sur vache adulte, l’arsenal thérapeutique est fortement réduit à cause du délai d’attente lait. Raison de plus de cibler les génisses de 1re année.
Une stratégie bien gérée, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Cyrille Chevalier :L’immunité, c’est-à-dire la capacité de l’organisme à développer une réponse efficace pour lutter lui-même contre le parasite, se mesure en temps de contact avec le parasite. Aujourd’hui, le repère à retenir, l’objectif, est de 8 mois d’exposition effective avant le 1er vêlage.
Comment évaluer au final si la thérapeutique a porté ses fruits ?
Cyrille Chevalier :Par exemple, une prise de sang à la rentrée à l’étable permet le dosage du pepsinogène. Cette molécule traduit l’inflammation de la muqueuse intestinale, là où les vers élisent domicile. Un taux élevé du marqueur chez des génisses au poil piqué et aux croissances faibles témoignera d’une pression parasitaire importante et justifiera donc la révision des stratégies mise en place pour l’an prochain. Sur les adultes, le test de densité optique du lait de mélange. Pratique : on analyse le contenu du tank en fin de saison de pâturage, généralement en novembre en Bretagne. L’indice obtenu traduit l’intensité de contact des vaches pendant la belle saison. Toutes ces données sont à interpréter pour juger de l’efficacité de la stratégie de lutte choisie… Propos recueillis par Toma Dagorn
Éviter les résistances
« La Nouvelle-Zélande et l’Australie en traitant à répétition leur cheptel ovin ont arrosé leur environnement d’anti-parasitaires. Situation dramatique car, comme pour les molécules antibiotiques, les usages mal maîtrisés engendrent des résistances. Chez nous, la problématique existe aussi. Déjà nous avons l’absolue nécessité de faire évoluer les pratiques. Pour autant, avec des niveaux de production élevés et en visant des vêlages précoces, la case vermifuge est très souvent obligatoire. C’est donc une question à prendre très au sérieux. La réflexion, la rationalisation des traitements au cours d’une réelle « visite parasitisme de l’exploitation » avec son vétérinaire prend ici tout son sens. »