Le biocontrôle arrive en force dans nos champs. L’idée : utiliser les solutions de la nature pour une chimie plus verte, moins nocive pour l’environnement et pour l’utilisateur.
L’arrivée de la chimie moderne a bouleversé les pratiques culturales des agriculteurs. Présente dès les années 30, l’ère des produits phytosanitaires de synthèse est le fruit de la recherche au sortir de la Première Guerre mondiale. Les cultivateurs de l’époque ont vu, avec ce nouvel outil, l’abandon de tâches pénibles et manuelles. Cette fée moderne, comparable à la fée électricité à son arrivée dans nos longères, a considérablement changé la vision de la production moderne : à un problème sanitaire, une solution. La recherche a fait de gros progrès concernant le bio-contrôle : utiliser les solutions naturelles pour éradiquer ou du moins freiner le développement de parasites ou de mauvaises herbes, c’est aujourd’hui possible.
L’agriculteur de 2015 sait manier ses produits, et se retrouve parfois dans l’impasse quand la solution chimique est retirée du marché. Syngenta, société suisse spécialisée dans la chimie et la production de semence, a observé le comportement d’un buisson originaire d’Australie pour développer une solution herbicide. « Le callistemon produit une substance naturelle dans le sol pour limiter la concurrence des mauvaises herbes. Après avoir identifié cette matière active, nous l’avons copié pour en faire un analogue chimique plus puissant et mis sur le marché le Callisto, herbicide principalement utilisé sur maïs. Notre pôle recherche et développement est de plus en plus attentif aux profils toxicologiques, à la persistance dans l’eau et au lessivage des produits, si bien que la probabilité de mise sur le marché de molécules nouvelles s’amenuise », explique Hélène Vergonjeanne, responsable de la communication du groupe helvétique, pour qui les solutions issues directement de procédés naturels devront aussi respecter ces critères biologiques. « Si une propriété intéressante est un jour trouvée dans l’amanite tue-mouche, je ne suis pas sûre que son utilisation sera simple de par sa toxicologie vis-à-vis de l’utilisateur ».
S’inspirer de l’agriculture biologique ?
Sans comparer les choses, la conduite en production biologique peut apporter son lot de solutions en matière de traitements naturels, même si elles sont rares. « Nous privilégions les rotations, la couverture des sols ainsi que l’alternance de cultures d’hiver et de printemps pour casser le cycle des ravageurs et des adventices. L’utilisation de produits phytosanitaires, sans éléments de synthèse, n’intervient qu’en dernier recours. Les solutions sont rares, mais existent : les molluscicides à base de phosphate ferrique sont des alternatives pour lutter contre les limaces en colza, ou les produits à base de laminarine, provenant d’algues marine. Cette dernière a une action élicitrice : la plante va mettre en place des mécanismes physiologiques naturels pour renforcer ses défenses, et lutter ainsi contre des rouilles ou de l’oïdium sur céréales », note Benoît Nezet, conseiller agrobio à la Chambre d’agriculture du Finistère. D’autres exemples illustrent les possibilités que la nature nous offre : « La pyréthrine, extrait des chrysanthèmes, a une efficacité sur pucerons, ou encore les huiles essentielles d’orange douces ont une action insecticide ».
Acide pélargonique du colza
L’acide pélargonique, présent naturellement dans le colza, est un acide gras qui possède des vertus herbicides. « Après avoir extrait naturellement et sans solvant l’huile de colza riche en acide pélargonique, nous le formulons dans un produit homologué sur vigne et pour le défanage de pomme de terre. Son action est de contact strict : les molécules s’intercalent dans la couche cireuse des adventices, couche qui se déstructure et entraîne sa déshydratation. L’action est d’autant plus efficace si des conditions sèches sont observées au moment de la pulvérisation. C’est un des points clés, avec des interventions sur adventices jeunes, une bonne qualité de pulvérisation et une concentration de 8 % de la solution », conseille Caroline Nguyen, en charge du développement technique chez Jade, société spécialisée dans la protection des plantes. Les solutions existent dans la nature, mais il faut du temps pour explorer et utiliser à bon escient les multiples molécules qui sommeillent dans ce monde vivant. Fanch Paranthoën
L’avis de Michel Moquet, Arvalis-Institut du végétal
Nous menons toute une batterie d’essais sur les moyens de biocontrôle pour évaluer l’efficacité de ces nouveautés, en nous fixant dans un premier temps sur les herbicides non sélectifs, plus simples à comparer avec des produits communs sur le marché. Concernant d’autres ravageurs, nous étudions le rôle de champignons entomopathogènes capables de limiter le développement des taupins, comme en production de pomme de terre où cet aspect pose aujourd’hui problème. Ces solutions vont se démocratiser les prochaines années, les firmes
phytopharmaceutiques ont conscience qu’il s’agit d’un marché en devenir.