De nombreuses espèces de couverts végétaux se sont immiscées dans les rotations. Peuvent-elles abriter les pathogènes de la pomme de terre ? Des chercheurs de l’Inra du Rheu tentent d’y répondre.
Des champignons, des bactéries, des virus, la pomme de terre a beaucoup d’ennemis, contre lesquels il y a peu de moyens de lutte. Des chercheurs de l’Inra étudient, en laboratoire voire en plein champ, les différentes étapes de leur développement et les pratiques culturales qui favorisent leur prolifération. Leurs travaux ont mis en évidence, par exemple, que le rhizoctone, maladie provoquée par un champignon, est également un pathogène de la betterave, de la carotte, du maïs, du colza ou du haricot. Les producteurs en tiennent compte dans les rotations. Mais qu’en est-il des nouvelles espèces introduites pour assurer la couverture des sols en hiver ? « Nos essais doivent nous permettre de savoir si ces plantes peuvent aussi abriter ces pathogènes et, bien sûr, au final, d’encourager ou d’éviter certaines successions culturales », indique Karima Bouchek, de l’Inra. Les travaux menés au Rheu ont permis d’affiner les connaissances sur le maintien du champignon dans le sol en l’absence de la culture, sur la gestion des résidus, sur la dissémination et sur l’infection elle-même. « Nous avons mis en évidence des étapes clé du développement épidémique. L’ensemble des résultats de nos recherches nous permettra de réfléchir à la stratégie de protection de la culture vis à vis de ce champignon ».
Tige noire
La jambe noire est tout aussi redoutée des producteurs. Le noircissement de la tige est provoquée par deux bactéries contre lesquelles aucun traitement chimique n’est efficace. Un travail est effectué sur la résistance variétale. « En parallèle, nous réalisons actuellement une enquête chez les producteurs pour tenter de repérer les pratiques culturales qui favorisent leur développement et de déceler les autres plantes hôtes », informe Angélique Laurent. Là encore, l’évolution des techniques comme l’apparition de nouveaux couverts dans les rotations apporte son lot d’incertitudes.
Les maladies du pois passées au crible
De nombreux essais sont réalisés sur les 300 hectares de la station expérimentale du Rheu. Certains d’entre eux visent à observer et contrôler les maladies du pois. Des bandes de parcelles sont semées en culture pure ou en association avec du blé (cultures d’hiver), à différentes densités. Des mesures de hauteur et de biomasse des deux plantes sont effectuées sur chacune des bandes ; l’architecture du couvert est analysée par images (photos) jusqu’à sa fermeture totale. Des stations météo permettent de relever les données du microclimat (températures en bas du couvert, à mi-hauteur et au sommet). Des capteurs d’eau libre (humectation) et d’hygrométrie sont disposés de manière à prélever un maximum de données d’analyses. En parallèle, des observations sont notées sur le développement des maladies du pois. « Nous ne cherchons pas la solution définitive qui permettrait de résoudre tous les problèmes. Seulement des solutions partielles qui permettront de limiter les traitements », indique Stéphane Jubel, chercheur à l’Inra. Les rendements seront comparés à la récolte, avec des tris entre pois et blé, sur toutes les modalités testées.
Virus Y
Parmi la quarantaine de virus qui peuvent affecter les plants ou les tubercules, le virus Y est le plus répandu et le plus préoccupant en production de plants de pomme de terre en Europe. Il est transmis par plus de 50 espèces de pucerons. Difficile d’anticiper les épidémies. Les moyens de lutte consistent à épandre des insecticides pour limiter la prolifération des pucerons et à créer des variétés résistantes. « Pour limiter ces intrants, il est indispensable d’acquérir des connaissances sur les facteurs ayant une action sur le développement épidémique du virus Y », appuie Laurent Glais. Ces recherches sur les pathogènes de la pomme de terre doivent permettre de préserver la qualité des plants certifiés, de développer des stratégies de production innovantes et économes en intrants et, au final, de renforcer la compétitivité de la filière plant française. Bernard Laurent