EARL de Reims, à Gévezé (35) Quelles conditions doit réunir un élevage pour pouvoir se lancer dans la méthanisation ? L’expérience de François Trubert qui, depuis 2012, exploite une installation de 150 kW à Gévezé apporte quelques éléments de réponse.
« Pour bien dimensionner son unité de méthanisation, il faut d’abord se baser sur les caractéristiques de sa propre exploitation et non l’inverse, affirme François Trubert, éleveur à Gévezé (35). C’est essentiel pour avoir une chance de rentabiliser son investissement ».
Assis à une table devant un synoptique de son installation, l’éleveur parle de la méthanisation comme les agriculteurs parlent de leur métier : avec passion et précision. Rien de plus logique au demeurant puisque ce système de valorisation présente la particularité de fonctionner à la manière d’une « greffe », quasiment en symbiose avec l’exploitation… Comme si venait s’y ajouter un nouveau bâtiment d’élevage, au suivi très exigeant, qui ne fournirait ni lait, ni viande, mais énergie thermique et électricité. Un principe de symbiose renforcé par les contraintes tarifaires sur la valorisation des effluents et de la chaleur produite.
À écouter les explications de François Trubert, on comprend vite que la conception d’une installation efficace ne s’improvise pas. On comprend aussi que son intérêt pour la méthanisation se nourrit de la synergie qu’elle induit sur l’exploitation : « D’un côté, mes poulaillers ont besoin de la chaleur de la cogénération, de l’autre, le méthaniseur a besoin du fumier de volaille pour bien fonctionner… C’est cet équilibre et cette cohérence qu’il faut rechercher dès le départ. Surtout ne pas se contenter d’évaluer le potentiel méthanogène des effluents, ça ne suffit pas à déterminer le chiffre d’affaires réalisable. La rémunération du kWh varie en fonction du taux de valorisation de la chaleur produite et de la quantité d’effluents admis par le digesteur. »
La perspective d’atteindre ces seuils de valorisation détermine d’entrée de jeu la pertinence d’un tel investissement. « Avec deux poulaillers de 1 000 m² à chauffer, j’avais le potentiel d’utiliser une bonne part de la chaleur de cogénération. C’est pour aller encore plus loin dans cette valorisation que j’ai investi dans un système de séchage du fourrage » .
Le bon mélange
Autre paramètre de rentabilité incontournable : l’optimisation du système de cogénération. La puissance du moteur se calcule en fonction du potentiel de production de biogaz. « Il tourne en permanence une fois le processus de méthanisation enclenché. Le nombre de kWh obtenus dépend directement de la qualité du méthane… Je dois donc veiller à alimenter la trémie d’insertion des compléments nécessaires à une bonne fermentation. Le challenge : c’est d’obtenir au moindre coût un mélange équilibré entre effluents, fumiers et matières végétales. Pour le moment j’y arrive, seulement la valorisation croissante des déchets biologiques a créé un marché. Les résidus de qualité (ceux d’huilerie de colza par exemple) sont de plus en plus recherchés, c’est un coût supplémentaire… ». En conséquence, le degré de dépendance aux intrants végétaux doit également être maîtrisé. Un recours aux cultures intermédiaires peut y contribuer, mais la raréfaction annoncée des compléments organiques constitue un nouvel élément qui vient s’ajouter à la complexité de l’équation « méthanisation ».
[caption id= »attachment_1988″ align= »aligncenter » width= »300″] François Trubert explique le fonctionnement du séchoir. Le ventilateur
(à sa droite) propulse de la chaleur vers un stock de fourrage ou de plaquettes de bois. 70 % de la chaleur issue de la cogénération doit être valorisée pour qu’il puisse bénéficier d’une prime de 3,8 ct sur le prix de rachat du kWh.[/caption]
En 2014, après trois années d’exploitation, François Trubert est parvenu à tirer de sa cogénération une puissance moyenne de 140 kWh pour une puissance installée de 150 kWh, réalisant un chiffre d’affaires de 240 000 €. Un bon résultat dont il se félicite, mais un résultat fragile. « Les contraintes tarifaires et la rigidité de l’encadrement réglementaire nous obligent à une extrême vigilance sur notre rentabilité. Pour pérenniser celle de mon installation et augmenter la qualité du méthane, je vais faire couvrir mon post-digesteur et récupérer les gaz issus du digestat ». Un nouvel investissement de 150 000 €. Textes et photos : Pierre-Yves Jouyaux pour Groupama
Contact :
François Trubert, EARL de Reims, 35850 Gévézé, 02 99 69 92 56.