Katrine Lecornu, présidente d’un réseau d’éleveurs, a dressé un état des lieux de la production laitière française en quête de repères par rapport à ses concurrents.
« Faut-il consommer français ? Je dis non ». Katrine Lecornu, a l’art de taquiner son auditoire. Présidente d’European Dairy Farmers Europe (EDF), l’éleveuse laitière dans le Calvados, captive son public avec son franc-parler. Jeudi 18 juin, à Carhaix (29) lors de l’assemblée générale de BCEL Ouest, elle poursuit : « Fermer ses frontières, c’est oublier que nous sommes dans un système mondialisé. Il ne faut pas dire consommer français, mais faire en sorte que les produits français soient dans toutes les cantines allemandes ».
Pour cette agricultrice qui fait partie d’un groupe d’éleveurs européens, mais aussi canadiens, la production laitière française n’a pas à avoir peur de ses concurrents. « Chaque pays a des atouts et des faiblesses ». Elle cite parmi d’autres pays « la Nouvelle-Zélande qui n’est plus un pays low-cost, l’Italie qui doit composer avec du foncier à 100-120 000 €/ha, la Belgique qui doit payer pour pasteuriser son lisier, etc. ».
Rémunération à 6,50 €/heure
Point commun entre tous les pays qu’elle énumère : « Aucun ne réussit à couvrir les charges avec le prix du lait », observe l’agricultrice. Ce qui conduit les éleveurs à composer avec les aides Pac, avec la rémunération de la main-d’œuvre. « Le travail représente 19 % du coût de production moyen des adhérents du réseau EDF, soit 9,1 ct/kg. Mais avec d’énormes différences puisque l’efficacité du travail varie de 1 à 4 selon les élevages ». Traduit en heures de travail, cet écart signifie qu’un éleveur peut consacrer 26 heures/vache/an quand un autre passera 107 heures. Quant à la rémunération de tout ce temps, c’est un autre problème. « S’il fallait payer toutes les heures de travail, le “salaire” horaire net serait de 6,5 €/h », dit-elle.
Le recours au robot n’est pas forcément la clé pour réduire à coup sûr le temps de travail puisque l’éleveur européen moyen consacre 400 h/ 100 000 kg de lait quand un éleveur français robotisé passe 650 h/100 000 L. « Certaines exploitations sans robot sont donc parfois aussi efficaces en temps de travail », glisse Katrine Lecornu.
Le ressort des fermes familiales
Sur un plan plus global des coûts de production, ils sont en augmentation partout en Europe : 34 ct/L en 2011 ; 38,6 ct/L en 2014. « Mais il y a des fermes rentables dans tous les pays », temporise la présidente d’EDF. Qui ajoute : « Certes le modèle français avec ses petites exploita-tions ne profite pas des économies d’échelle (28 €/1 000 L en passant de 298 à 986 vaches), mais les fermes familiales ont une meilleure résistance à court terme quand la crise surgit ». Didier Le Du