Le travail est un des enjeux de la filière laitière : les modèles de production laitière durable devraient rémunérer toute la main-d’œuvre nécessaire à la production du lait.
« Le prix du lait n’est qu’un élément dans la rentabilité », explique Katrine Lecornu, présidente d’European dairy farmers (EDF). Avant de poursuivre : « Il y a plus à gagner à améliorer le coût de production et l’efficacité du travail, qui va du simple au quadruple, qu’à augmenter le prix du lait. » « Les questions liées au travail sont et seront plus importantes que celles liées à l’investissement et au capital en élevage laitier », a-t-elle insisté, lors de l’assemblée générale de l’APLBL, l’organisation de producteurs Lactalis de l’ Ouest, jeudi 26 mars, à Rennes (35). Or, elle déplore le fait de ne pas compter le temps dans les exploitations laitières.
Le temps, c’est de l’argent
Dans le réseau EDF, c’est une notion calculée à part entière. Sur les données de 294 fermes, ce coût du travail représente 91 €/1 000 l, soit 19 % du coût de production. Et 89 % des exploitations ont recours à de la main-d’œuvre familiale non rémunérée (conjoint, enfants, parents). « Si on devait payer toute cette main-d’œuvre présente sur l’exploitation, on ne pourrait payer que 8,50 € charges comprises/h, soit environ 5,50 € net dans la poche… », martèle-t-elle.
Une efficacité de 26 à 104 heures de travail/VL/an
Le réseau a approfondi la notion d’efficacité du travail. Les relevés présentent des données hétérogènes de 26 à 104 heures de travail/VL/an ou 296 à 1 411 heures de travail / 100 000 kg de lait. Une efficacité qui va du simple au quadruple… et qui ne s’explique pas forcément par les moyens de production. Les exploitations équipées de robot de traite se situent autour de 400 heures de travail/ 100 000 kg lait, avec une moindre amplitude des résultats dans ce groupe. Mais ils présentent la même efficacité que les fermes de plus de 250 vaches laitières. Les exploitations à moins de 92 VL totalisent, quant à elles, 650 heures de travail, mais avec un écart bien plus important. « À partir d’un certain seuil, l’organisation de la main-d’œuvre est abordée différemment et l’efficacité s’en ressent », relève l’agricultrice normande. « Il existe des éleveurs et des systèmes de moins de 92 VL qui sont aussi efficaces que les élevages robotisés et les grands troupeaux, et il faut s’inspirer de leurs expériences. » Ce travail va donc se poursuivre…
La cessibilité des volumes contractualisés en débat
La notion de cessibilité des volumes des contrats a été vivement discutée lors de l’assemblée générale entre Lactalis et les éleveurs de l’organisation de producteurs. Ces derniers réclament plus de transparence et la fixation d’échéances rapidement. En 2014, l’APLBL regroupait 1 109 producteurs (1 238 à fin mars 2015), pour un litrage moyen par exploitation de 538 928 L (+5,4 %).
Un prix rémunérateur de la main-d’œuvre, des capitaux et du foncier
Selon cette agricultrice, l’intensification laitière dans le « Milk belt »* peut finir par coûter très cher, aux éleveurs comme aux transformateurs. La concentration de la production va se traduire par une hausse du prix du foncier, une demande accrue de fourrages et de concentrés, des coûts supplémentaires liés aux traitements et transport des déjections et, au final, une augmentation inéluctable du coût de production. Le prix du lait devra donc évoluer pour rémunérer la main-d’œuvre et les capitaux investis, pour maintenir la collecte laitière et l’approvisionnement des usines sur ces territoires. Carole David
* « Milk belt » européen : ceinture où la production laitière pourrait augmenter de 15 % d’ici 2022, en passant par l’Irlande, l’ouest de la France et remontant par le nord de l’Allemagne.