Vivre en province. Vivre et travailler en province en misant sur l’export sous l’étiquette de la qualité française. C’est possible. Témoignages.
Loin du discours inquiet de la France qui irait de mal en pis, quatre chefs d’entreprise de l’Ouest ont soufflé un vent d’optimisme sur l’assemblée générale de Cogedis, jeudi 4 juin à Pacé. Certes, l’entrepreneuriat n’est jamais une sinécure. Mais n’y aurait-t-il pas une sorte d’alchimie dans ce que l’on appelle communément le goût d’entreprendre et la réussite. Bénédicte Jézéquel, directrice générale de Silvadec, une entreprise morbihannaise de fabrication de bois composite pour aménagement de terrasses, apporte peut-être une partie de la réponse quand elle dit : « J’aime mon entreprise, ma région, mes salariés ».
Cogedis entre dans Paris
Né dans l’Ouest, Cogedis étend son territoire vers l’est du pays, le plus souvent via des opérations de croissance externe. Le groupe vient ainsi de reprendre 3 nouveaux cabinets dans la région parisienne, ce qui porte à 9 le nombre d’agences en Ile-de-France. « Pourquoi ce choix ? La région parisienne compte de nombreuses PME et concentre 25 % des experts-comptables de France », argumente Pierre Rouault, président qui a dévoilé le nouveau logo de l’entreprise en précisant que Cogedis Fidéor s’appelle désormais : Cogedis.
S’appuyer sur l’image du luxe français
Installé dans le Sud Manche, Emmanuel Dubreuil, codirigeant, avec son frère, d’Atoll Electronique, une entreprise de niche dans le matériel hi-fi haut de gamme, baigne dans cette même trempe. Son ambition de départ : s’enraciner professionnellement sur le territoire qu’il aime, la Basse-Normandie.
Plus d’un entrepreneur en devenir aurait lâché prise face aux difficultés qu’il a rencontrées au départ. Mais Emmanuel Dubreuil et son frère sont pugnaces. « Nous avons essuyé plus de 10 refus de banques. À la fin, une a accepté… seulement d’ouvrir un compte ». Qu’à cela ne tienne, aujourd’hui, l’entreprise, qui rivalise avec les Italiens, les Américains sur ce marché de niche mondialisé, emploie 11 salariés. Sans compter le concours à l’emploi dans les entreprises locales qui fabriquent le matériel « avec beaucoup plus de souplesse qu’offre un réseau de proximité par rapport à un fabricant étranger ».
Pour vendre son matériel sur tous les continents, Emmanuel Dubreuil et son frère écument les salons de la planète pour étoffer leur réseau de distributeurs. Avec cette carte de visite qu’est le « made in France ». Il explique : « Il y a quelques années, le fabriqué en France était le 3e ou 4e argument que l’on avançait. Aujourd’hui, c’est vraiment un critère important ».
Bénédicte Jézéquel acquiesce : « 30 % de notre chiffre d’affaires est réalisé à l’export, avec une ambition de monter à 50 %. Comme nous vendons un produit saisonnier, vendre dans les deux hémisphères nous permet de suivre le printemps. Sur le Japon, c’est évident, nous profitons de la référence au luxe français ».
Bousculer les modèles
Mais que vaut cette référence « made in France » sur le marché français ? « Le fabriqué en Bretagne pour les clients bretons, c’est très fort », reconnaît Bénédicte Jézéquel. « Pour le reste de la France, c’est autre chose… », observe-t-elle, tout en soulignant que son réseau de distributeurs professionnels a besoin de produits français dans son offre, tout comme du chinois en entrée de gamme.
Pour Rémi Bonnet, viticulteur à 25 km de Nantes, « la typicité et la montée en gamme » sont vendeurs pour le Muscadet qui souffre d’une mauvaise image en France et aussi à l’étranger parce que, par le passé, trop d’importateurs ont privilégié le volume au détriment de la qualité. « Aujourd’hui, nous sommes passés en bio et avons repris la main sur le commerce. Nous réalisons 50 % de nos ventes à l’export, sur l’Europe, mais aussi en Asie et aux USA. Pour des clients qui ont un niveau d’exigence très élevé par rapport à l’environnement, aux pesticides », explique le viticulteur. Et de conclure : « Il faut arrêter d’attendre la croissance ; il faut aller la chercher, quitte à bousculer les modèles dans lesquels la valeur ajoutée nous échappe ». Didier Le Du
L’avis de Philippe Charlotin, Éleveur laitier et administrateur Sodiaal
C’est un combat quotidien que de défendre la place du lait français. Nous le faisons en France, comme par exemple au travers de la mention « Lait d’ici ». Ce type d’initiative porte ses fruits, même si l’on peut regretter que le distributeur français n’est pas toujours très patriote.
L’ouverture des marchés, c’est une opportunité. C’est certes la volatilité. Mais la suppression des quotas, c’est aussi la possibilité pour nous, producteurs, de pouvoir accélérer en production quand les prix sont bons et freiner quand les marchés sont chahutés.
Aux pouvoirs publics aussi de nous soutenir. À Macron, je dis : libérez-nous. D’abord en simplifiant au niveau administratif. Un exemple : la traduction en droit français de l’ICHN (indemnité compensatrice de handicap naturel), c’est 10 pages ; en droit polonais, c’est 3 pages. Sachant qu’en 10 pages, l’agriculteur n’a toujours rien compris…