Paysan Breton fête ses 70 printemps

paysan-breton - Illustration Paysan Breton fête ses 70 printemps

« Être au service des paysans ; voilà notre but », disaient les fondateurs de Paysan Breton au lancement du journal le 23 juin 1945. 70 ans plus tard, cet esprit anime toujours « votre » journal.

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« Il sera fait pour nous. Il nous aidera à faire notre travail, à surmonter nos difficultés ; il soutiendra nos efforts, défendra nos droits, dira nos angoisses et aussi nos espérances ». Ainsi s’exprimait, dans le 1er numéro de Paysan Breton, sous le titre « Notre journal », Pierre Guillou, agriculteur à Pluzunet (22) et premier gérant d’un hebdomadaire qui s’est progressivement hissé au niveau du journal agricole le plus diffusé de France. Ses propos ont été le socle de la ligne éditoriale tout au long de ces 70 ans qui ont marqué la grande Histoire de l’agriculture bretonne. Aujourd’hui encore, Paysan Breton se veut un « journal de paysans pour des paysans », proche du terrain et toujours tourné vers l’avenir.

Des fondateurs opiniâtres

Pourtant, au départ de l’aventure, rien n’était gagné. Au sortir de la guerre, le papier fait cruellement défaut. Mais surtout, les autorisations de publication sont distribuées au compte-gouttes dans le contexte sensible d’après-guerre. La présence du Trégorrois Tanguy-Prigent  au poste de ministre de l’Agriculture ne changera rien. Au contraire. Le dossier du futur journal qui se réclame de « doctrine sociale chrétienne » (influence de la Jac) est bloqué. L’intervention de François Degrées du Lou, cofondateur d’Ouest France, sera salutaire pour Paysan Breton qui obtient le précieux sésame signé de la main du ministre de l’information du Gouvernement de Gaulle : Pierre-Henri Teitgen qui, en contrepartie de l’autorisation de parution, impose au journal une diffusion régionale.

Le premier numéro paraît le samedi 23 juin 1945. Tiré à 7 500 exemplaires, il est publié exclusivement sur les Côtes du Nord, seul département breton à avoir obtenu une autorisation d’utiliser 40 kg de papier pour cette première édition. Le journal se présente alors sous la forme d’une grande feuille recto verso où s’entassent les informations dont les mercuriales très attendues des agriculteurs « pour calculer leur loyer de la Saint-Michel ». Et parce que le bon travail se fait dans la bonne humeur, « l’histoire pour rire » figure déjà en bonne place dans le premier numéro.

Récit des premières inséminations

« Les premières inséminations bovines de la coopérative de Plounévézel-Loudéac ont eu lieu en mai 1948 », lit-on dans un des numéros de Paysan Breton. « Le premier veau de 47 kg, de mère Normande et de père  Armoricain, est né le 15 février 1949 chez M. Morel, à Plémet (22) ».

Dans un autre article, le journaliste se fait poète suggestif pour décrire la journée de l’inséminateur. Il écrit : « Sous le soleil et sous la pluie, sur de belles routes goudronnées et parfois sur des chemins impraticables, parfois de nuit comme de jour, le « porteur de bonne semence » a zigzagué à travers tout un secteur du département. Bien accueilli comme le vétérinaire, le facteur. L’opération promptement effectuée et cela sans douleur, on échange quelques plaisanteries bien imprégnées de notre vieil esprit gaulois et on discute un moment sur cette méthode nouvelle et si révolutionnaire. »

Un « remède » prescrit par un médecin

Le Paysan Breton connaît un succès grandissant grâce au soutien de l’Office Central de Landerneau et aux « propagandistes », ces agriculteurs référents chargés dans chaque commune de faire souscrire des abonnements. Mais avec une limite de 30 abonnés par commune pour gérer la pénurie de papier. Le docteur Louis Lebreton, médecin de campagne à Bourbriac, comptera parmi les grands promoteurs du journal en incitant ses patients à s’abonner. Comme si l’information et la connaissance figuraient comme le premier remède pour des campagnards en proie à une vie difficile. À noter que le docteur Louis Lebreton est à l’origine du dépôt de la collection des premiers Paysan Breton et de son ancêtre Ar Vro Goz à la bibliothèque de l’abbaye de Landévennec (29).

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Bimensuel au départ, le Paysan Breton devient hebdomadaire en 1955. Sauf en été où la parution tous les quinze jours se prolonge jusqu’en 1988. Depuis 2006, le journal est imprimé à Cavan (22), à proximité de Lannion (22). Bref, Paysan Breton est 100 % breton : né, nourri, imprimé en Bretagne et fabriqué pour des agriculteurs bretons. Mais avec un œil grand ouvert sur l’extérieur comme c’est le cas depuis son origine. En témoigne le titre de cet article paru en 1946 : « Pourquoi le Danemark est un pays de progrès ? ».

Plonger dans les archives du journal constitue un régal pour les amateurs d’histoire agricole. Toute l’épopée du développement agricole y est condensée. Comme l’avènement de l’insémination artificielle bovine (lire encadré), les querelles liées au remembrement, la loi d’orientation agricole de 1960 et 1962, la création houleuse du marché au cadran en légumes, etc. Sans oublier les grandes manifestations paysannes de plusieurs milliers de personnes qui ont jalonné 70 ans de développement agricole. Sans pour autant que ces mobilisations agricoles ne résolvent tous les problèmes comme le témoignent des titres d’articles de la période 1946-1950 : « Que penser du prix du blé ? » ; « Le problème de la main-d’œuvre dans les fermes » ; « Pour des prix sans primes ». D’autres sujets ont en revanche été classés (pour toujours) : « Dans les fermes, la femme adopte le pantalon », la « restriction des engrais azotés à hauteur de 80 % des commandes ». Didier Le Du


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