Interview : Alexandre Gohin, chercheur en économie à l’Inra.
Je ne crois pas aux contrats pour la filière porcine. Ils constituent une perte de liberté, ne résolvent pas le problème du partage des marges et peuvent s’avérer un danger s’il y en a autant que d’organisations de producteurs. Le prix serait vraisemblablement basé sur le prix spot que les acheteurs pourraient faire baisser. Une solution pour gérer une crise c’est de constituer une cagnotte, un fond mutuel pour perte économique. La Pac le permet (article 39). En cas de baisse de marge d’au moins 30 % par rapport aux années précédentes, la profession peut puiser dans le fond. Cette cagnotte, alimentée par les éleveurs et par l’État (2 € de l’État pour 1 € de l’éleveur), doit être constituée en période de conjoncture favorable. En cas de crise majeure, s’il n’y a pas assez d’argent dans le fond, les éleveurs peuvent emprunter, l’État prend en charge les intérêts.
Le MPB est un bon outil même si seulement 15 % des porcs y sont vendus. Le prix mondial du blé est bien fixé par des échanges qui ne représentent que 20 % de la production. Ce qui compte, c’est d’être en mesure de contrer le pouvoir des acheteurs en menaçant, à l’échelle d’un groupement par exemple, de retirer les porcs de la vente et de les envoyer à l’étranger. Selon les enseignements des travaux de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, on pourrait même étudier l’efficacité de soutenir financièrement les éleveurs qui proposent leurs porcs au cadran (prise en charge de l’État). Ils contribuent à donner une information gratuite et publique à ceux qui n’y vendent jamais.
Marché à terme pas adapté
Le marché à terme, qui, pour certains, fait partie de la boîte à outils pour sécuriser les revenus, n’est pas la solution. Les ventes sont régulières en élevage naisseur engraisseur. Les éleveurs perçoivent donc un prix moyen de campagne qui correspond, sur longue période, au prix moyen relevé sur le marché à terme. Quant aux systèmes d’assurances, l’expérience américaine montre que l’argent finit en (grande) partie dans la poche des assureurs. Bernard Laurent