Conditions météorologiques, stocks de report, parité monétaire… De nombreux facteurs rendent les prévisions de cotations incertaines pour la prochaine saison.
Bien que les fondamentaux (offre/demande) ne soient qu’une partie de l’équation des prix mondiaux, il est intéressant de faire le point sur ce qui pourrait faire évoluer les cotations dans les prochains mois. Pour l’instant, rappelons que la mensualité septembre sur Euronext vaut moins de 180 €/t, face à un blé à Chicago situé entre 160 et 170€/t selon la qualité.
Un disponible exportable en hausse
La première partie de campagne sera traditionnellement approvisionnée par l’hémisphère nord, avec en lice le poids lourd représenté par les pays de la CEI (Russie, Ukraine et Kazakhstan). Le disponible exportable 15/16 sur cette zone est attendu en recul de 2,5 Mt* mais est susceptible d’évoluer. En effet, les rendements se feront dans les prochaines semaines, et nous ne sommes jamais à l’abri d’un accident climatique. Des craintes sur une possible sécheresse en Russie dépendra le largage ou non des stocks de report. Pour l’instant, les Russes sont très agressifs sur la prochaine campagne, aidés par une monnaie largement plus sous-évaluée par rapport au dollar que l’euro. Et pour ce pays, comme pour l’Ukraine, le besoin de faire rentrer des devises est prioritaire…
En deuxième position en termes de volumes exportables, vient l’Union européenne. Les exportations de blé tendre en 15/16 y sont attendues en recul d’environ 3 Mt. Ici, c’est le manque d’opportunité qui est limitant. En effet, le recul de la production estimé à 6 Mt (à confirmer en fonction des futurs rendements) est entièrement compensé par la hausse des stocks de report. Sur les débouchés « Mer Méditerranée », la performance des Européens dépendra seulement de l’agressivité des origines Mer Noire, doublement avantagées par le fret et la parité monétaire sur ces destinations.
Des stocks à comparer avec précaution
Avec des stocks mondiaux attendus à 200 Mt fin 15/16, certains commentateurs ont tôt fait de comparer ces chiffres avec les années antérieures afin de se faire une idée des prix à venir. En 09/10 et en 14/15, nous avons atteint ces mêmes chiffres. Et pourtant, le prix moyen en France sur ces deux saisons a été radicalement différent, soit respectivement 129 €/t et 180 €/t. Preuve qu’il existe bien d’autres facteurs dans l’équation des prix…
Viennent enfin les États-Unis, qui donneront le « la » sur le marché de Chicago. Les estimations sur le poste « export » y sont en hausse de 2 Mt. Elles se positionnent à 25,2 Mt contre 31,6 Mt pour l’UE et 36,5 Mt pour la CEI (toutes qualités de blé confondues). Comme pour la saison 14/15, la prochaine campagne étasunienne pourrait cependant être décevante. La qualité des blés de qualité (HRW) risque notamment de ne pas être au rendez-vous. Le succès des exportations dépendra aussi de la politique monétaire de la réserve fédérale ou FED (hausse des taux ou non), qui décidera de l’orientation du dollar et donc mécaniquement, de l’orientation des cours des céréales.
Reste le Canada, qui a été très actif en 14/15, grâce à une devise compétitive et des stocks pléthoriques qu’il fallait dégraisser. Lors de la prochaine saison, les exportations devraient rester assez stables (22,4 Mt), malgré une offre en recul de 3 Mt.
Enfin, notre tour de marché ne serait pas complet sans l’Inde, dont les exportations ont, certaines saisons, fait la différence lors de période de soudure. Cette fois, le pays se retrouvera plutôt du côté importateur. En effet, les Indiens devraient se retrouver avec 6 Mt de moins pour démarrer la campagne. Rappelons que ce pays est le deuxième consommateur mondial après la Chine et que le blé, en cours de récolte, a été impacté par de fortes pluies au printemps. Le risque de mycotoxines devrait pousser les transformateurs privés à se tourner vers les importations.
Influences de fin de campagne
En deuxième partie de campagne, l’Argentine et l’Australie pourraient perturber le marché, puisque le disponible exportable de l’hémisphère sud, représenté par ces deux pays, est attendu en hausse de plus de 4 Mt. Mais ces premiers chiffres restent à analyser avec précautions. Nous en sommes seulement au stade des semis en Amérique du Sud, et l’agressivité commerciale des Argentins en 2016, dépendra avant tout des résultats des élections présidentielles d’octobre 2015. Quant à l’Australie, elle subira les affres d’El Niño (dont l’activité est désormais confirmée jusqu’en février 2016)…
Régression du commerce mondial ?
Côté demande, la consommation mondiale est attendue en hausse de 5 Mt par le Conseil International des Grains, soit de même ampleur que la progression de la production. Ainsi, les stocks de report resteraient stables, à 200 Mt. Malgré tout, le commerce mondial pourrait régresser de 4 Mt, car dans certains pays importateurs comme la Turquie, l’Iran, le Maroc, l’Algérie, l’Egypte ou la Syrie, les récoltes devraient progresser. Au Yémen, le conflit pourrait favoriser les importations de farine face à celles de blé.
En conclusion, les choses se présentent plutôt bien pour les consommateurs de blé. Il reste cependant encore beaucoup d’incertitudes sur la quantité mais aussi la qualité qui seront récoltées dans les prochaines semaines. Après une saison 14/15 marquée par une abondance de blé fourrager, nous devrions revenir à une situation plus « classique ». La prime actuelle entre blé fourrager et blé meunier en France, pour la nouvelle saison, tient compte de cette évolution. Patricia Le Cadre, Céréopa, www.vigie-mp.com
* Toutes les prévisions indiquées dans le texte proviennent du Conseil International des Grains