Valoriser chaque litre de lait produit est, depuis toujours, un objectif évident pour les associés de l’EARL Ville Allaire, à Illifaut (22). Par là, il faut entendre livrer le maximum pour la transformation et, en parallèle, maîtriser l’élevage des génisses pour une future production laitière optimale.
De la phase colostrale au vêlage, Isabelle et Pascal Limoux redoublent d’attention pour leurs génisses. En cohérence avec leurs objectifs, l’alimentation lactée des veaux est composée d’un aliment d’allaitement afin de « livrer le lait entier et garantir de bonnes croissances », si importantes, de la naissance à 6 mois. Mais la décision a été prise, à l’origine, en raison d’un sanitaire sensible et de difficultés à gérer les problèmes digestifs liés au profil et à la teneur en matière grasse du lait entier. Cependant, l’atelier génisses est surtout pensé dans sa globalité avec des repères chiffrés : 90 kg au sevrage, 200 kg à 6 mois, 400 kg à l’insémination artificielle (IA) pour un vêlage à 24 mois. Quelles sont leurs méthodes ?
[caption id= »attachment_3218″ align= »aligncenter » width= »300″] En fin d’été, il faudra accompagner la baisse de fourniture d’herbe en augmentant la surface disponible, afin de ne pas pénaliser les croissances.[/caption]
Du colostrum, systématiquement
Le colostrum, source de nutriments, vitamines et oligo-éléments est indispensable dès les premières heures de vie dans la mesure où il apporte des anticorps (immunoglobulines) aux veaux, complètement dépourvus de défenses immunitaires à la naissance. « Nous conservons le colostrum au réfrigérateur et le réchauffons au bain-marie avant de le proposer au jeune veau. Soit 3 litres dans un seau à la première buvée. Dans tous les cas, le lait de la première traite alimente le veau la première semaine. Ensuite, nous mettons en place un plan d’alimentation avec du Breizvo » explique Pascal Limoux. Les éleveurs utilisent cet aliment d’allaitement à base de poudre de lait écrémé (PLE) afin de sécuriser la digestion et stabiliser la flore intestinale, ce qui permet des croissances optimales. « Pour une meilleure surveillance des animaux, nous avons opté pour une distribution en 2 repas par jour, couplée à la traite. Nous diluons la poudre dans de l’eau très chaude (55°C) avec un fouet. Et cela revient moins cher que de distribuer du lait entier » ajoute l’éleveur. Après calcul, le delta du coût de la séquence lactée entre le lait entier et le Breizvo représente une économie nette de 40 %. Dans la continuité de la maîtrise sanitaire, les associés élèvent leurs veaux dans des niches individuelles avec un petit parcours extérieur.
Des veaux bien lotis
« Je trouve que ce sont des conditions de logement idéales. Je laisse les petites génisses dans la niche les 12 premières semaines. C’est bien plus pratique pour le nettoyage et la désinfection. » Les éleveurs gardent leurs génisses dans les niches pour le sevrage. Elles basculent ensuite en cases collectives. « Déconnecter le sevrage du changement d’environnement permet de limiter le stress et de ne pas pénaliser les croissances. Des périodes de transition sont nécessaires. » Et en particulier au niveau alimentaire…
Des formulations adaptées à l’élevage des génisses
- Gadélia génisse : cet aliment 2e âge spécifique génisses s’utilise en ration sèche avec paille ou foin grossier. À distribuer du sevrage jusqu’à la préparation au vêlage. L’objectif est de valoriser le fourrage.
- Breizvo : cet aliment d’allaitement traditionnel est riche en produits laitiers (75 % dont 50 % en poudre de lait écrémé). Il contient un stabilisateur de la flore intestinale. La digestion est ainsi sécurisée en générant un caillé.
La régularité, un atout
Des valeurs alimentaires régulières couplées à des périodes de transition sont les clés de réussite de l’élevage des génisses. « Par exemple, nous ne distribuons pas de maïs aux génisses avant un an pour limiter le risque acidogène. En revanche, nous ne lésinons pas sur la paille qui présente des valeurs alimentaires plus stables que le foin. » Côté transition, une période de 2 semaines s’écoule avant le remplacement total de l’aliment 1er âge floconné par le 2e âge (Gadélia génisse). Et si la saison le permet, les génisses peuvent sortir dès le 6e mois, mais pas avant. « Je vise des vêlages à 24 mois. Je suis donc vigilant sur la période de pâturage pour ne pas altérer les croissances. Je gère la disponibilité de l’herbe en fil avant et mets à la disposition des génisses un râtelier de paille et une complémentation spécifique. »
Pascal Limoux tient à valoriser le potentiel génétique du troupeau sur lequel travaille son fils Clément, inséminateur de profession. « Maîtriser les coûts de production est plus que jamais d’actualité. Si on raisonne à court terme, toutes ces étapes ne permettent pas de faire des économies même si je reste dans la moyenne de mon groupe au niveau du coût de production de mes génisses. Mais avec des génisses qui vêlent tôt et qui présentent du gabarit, je réduis la phase improductive en déclenchant la production laitière rapidement. Je veille donc à maintenir la technicité dans mon élevage et à ne pas faire d’impasse sur ces apports. Un raisonnement sur du long terme est plus profitable et mes objectifs ont bien été intégrés par mon technicien, Adrien Perrot » conclut Pascal. Et la conduite mise en œuvre porte ses fruits : les croissances et la rentabilité de cette phase d’élevage sont au rendez-vous. Carole Perros / Triskalia