La presqu’île de Rhuys décourage ses agriculteurs

agriculteurs-presqu-ile-rhuys - Illustration La presqu’île de Rhuys décourage ses agriculteurs

Abandonnés par les élus, stigmatisés par les néoruraux, débordés par les sangliers, concurrencés par les touristes, les agriculteurs de Rhuys se rebiffent. Ils ne collectent plus les boues, les déchets verts et les algues.

L’évolution de l’agriculture dans la presqu’île de Rhuys (56) préfigure ce que pourrait être le futur des zones littorales bretonnes. Un domaine agricole en déprise. Sur les 13 000 hectares de la presqu’île, seulement 3 000 sont exploités par une quarantaine d’agriculteurs. Cette SAU côtoie désormais 1 500 hectares de friches, des marais, des zones urbanisées et des exploitations non professionnelles qui comptent quelques hectares chacune et, souvent, quelques chevaux ou quelques moutons. La spéculation foncière, dans une zone prisée, est à l’origine de la rétention des terres. La population agricole représente 2 % de la population totale. Elle a du mal à exister dans cet espace qui la tolère de moins en moins. « Nous sommes écoeurés ». Didier Launay et Xavier Blancho, membres d’un collectif qui réunit une quarantaine d’agriculteurs du Sud-Est de Vannes, tirent la sonnette d’alarme. « Nous n’existons que lorsqu’il faut épandre les boues des stations d’épuration, les composts de déchets verts et le goëmon collecté en été sur les plages. Nous disons stop. Nous ne les épandrons plus sur nos terres ». Les élus de la communauté de communes devront trouver d’autres destinations pour recycler cette matière organique.

Les sangliers de la colère

Les friches constituent des abris pour la faune sauvage et notamment les sangliers. « Ils sont toujours plus nombreux. Leurs dégâts nous exaspèrent, au moment des semis ou, comme à cette période, avant les moissons, quand les épis sont laiteux. Ils adorent ». Le Gic (groupement d’intérêt cynégétique) ne prélève pas assez d’animaux. « La presqu’île est devenue une réserve pour des chasseurs qui viennent de l’extérieur », assurent les agriculteurs. « Nous devons resemer certaines parcelles, établir des dossiers de sinistre, attendre la visite d’un expert… Une couche administrative supplémentaire ». Selon eux, 200 sangliers sont abattus chaque année, une cinquantaine sont tués par des véhicules et quelques-uns sont braconnés. On imagine le réservoir existant….

Les leçons des néoruraux

S’il n’y avait que la faune sauvage… « Les personnes qui viennent s’installer à la campagne sont tout aussi déprimantes. Nous sommes traités de pollueurs. Elles nous reprochent de ne pas faire du bio. À condition, bien sûr, qu’il n’y ait pas d’élevage. Question d’odeurs… En cette période de moissons, les engins agricoles et les poussières dérangent… » Il reste une poignée d’éleveurs laitiers sur la presqu’île qui auront bien du mal à vendre leurs fermes. « Je traite désormais mes parcelles pendant la nuit », poursuit Didier Launay. « C’est aussi bien pour les traitements, et surtout, je ne me fais pas insulter par des gens en bord de champ comme auparavant ». Avec 200 hectares de cultures de vente, sur des terres très séchantes, il ne se voit pas en bio. « D’autant moins si on veut me l’imposer ». Car, selon les deux agriculteurs, il n’y a pas de doute. Les politiques locaux veulent une agriculture bio, sans élevage, sur la presqu’île. Et les néoruraux veulent enseigner l’agriculture aux agriculteurs.

Impact touristique

La région attire une population qui a un pouvoir d’achat bien supérieur à celui des locaux. « Nous ne sommes pas contre le tourisme. Il faudrait simplement que l’on tienne compte des intérêts des agriculteurs et des ostréiculteurs ». Les pistes cyclables ont pris la place des chemins agricoles et l’implantation de chicanes dans les bourgs interdit le passage des engins agricoles. « Les élus pourraient nous consulter pour trouver des arrangements, ils pourraient nous payer pour collecter nous-mêmes le goëmon sur les plages (réalisé par entreprise au tractopelle). Non, nous sommes considérés comme une gêne ». Sauf au moment des épandages… Le collectif a demandé le soutien de la FDSEA dans leur combat pour la reconnaissance et le respect. Ils rencontreront les élus locaux prochainement. En attendant, les boues et les déchets s’accumulent, les sangliers prospèrent…. Bernard Laurent

L’avis de Michel Trouillard, président du groupement d’intérêt cynégétique de la presqu’île

Nous essayons de gérer au mieux la population mais nous avons deux problèmes. Le premier concerne la concurrence entre groupes de chasse, pas toujours très saine, qui fait que les informations (lieux  de nidification, déplacements d’animaux…) ne sont pas divulguées. Le second, c’est le vieillissement des chasseurs. Nous avons du mal à attirer des jeunes dans ce loisir. La concertation est essentielle pour ne pas aller à un point de rupture et on trouvera un équilibre de population sur les prochaines années. Il ne faut pas oublier que la principale raison de la forte population de sangliers sur cette zone est liée à l’augmentation constante de la surface de friches. La période de chasse débute le 15 août et s’achève en février. Nous avons une dérogation, sur notre zone, pour chasser à partir du 1er juin. Mais allez chasser en été sous la chaleur quand la presqu’île est peuplée de touristes…


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