Du champ à la ration de la vache, le Gaec de Kerforn met la culture du lupin à l’épreuve. Les essais s’effectuent dans le cadre du programme Sécuriprot qui vise à produire des protéines dans l’Ouest.
« Nous avions déjà testé le lupin en 2000 dans l’optique de diminuer les achats de soja. Le développement de l’anthracnose et les rendements de 20 q/ha nous avaient déçus ».
Une valorisation par les laitières
L’objectif d’accroître l’indépendance alimentaire du troupeau de 80 vaches laitières demeurait dans l’esprit des frères Talvas, associés du Gaec. « Nous avons accepté de tester des nouvelles variétés (Clovis et Orus) dans le cadre du programme Sécuriprot, développé par les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire », explique Gérard Talvas. Une parcelle d’1,2 hectare a été semée le 3 octobre dernier à raison de 70-75 kg de graines par hectare, après un maïs. Une partie de la parcelle est en association avec un blé rustique (Rubisko). La densité de lupin semée est la même ; le blé (35 kg/ha), dont le rôle est de couvrir le terrain rapidement pour éviter la pousse d’adventices, est en surplus. Le travail du sol est classique (labour, semis au combiné). Un désherbage et un traitement fongicide, de fin avril, ont été effectués sur l’ensemble de la parcelle. Un second fongicide, un mois plus tard, a été effectué sur une bande de culture. Pour Jennifer Létangt (pôle agronomique de l’Ouest), qui suit les différents essais, la culture est saine « même si on constate, par endroits, un peu de botrytis et d’anthracnose sur la partie n’ayant bénéficié que d’un seul traitement » et prometteuse pour une récolte prévue fin août début septembre.
Lupin d’hiver ou de printemps ?
Comparées au lupin de printemps, les nouvelles variétés de lupin d’hiver s’avèrent plus précoces et plus productives (+5 à 10 q/ha) ; leur floraison est avancée
de 3 à 4 semaines ; le risque de sensibilité au déficit hydrique et aux fortes températures est ainsi réduit, la récolte est plus précoce. Le lupin d’hiver est moins sensible à l’anthracnose, car il est déjà lignifié lorsque les conditions sont favorables à la maladie. Mais la culture nécessite des sols plus sains et le risque de parasitisme et le salissement par les adventices augmentent en raison d’un cycle plus long. Coût de production moyen, avec récolte : 328 €/ha pour un lupin d’hiver contre 438 €/ha pour un lupin de printemps (densité semis supérieure).
En attendant la récolte, le Gaec de Kerforn s’est déjà projeté vers la valorisation des grains de lupin. « Nous prévoyons d’incorporer 2,5 kg dans la ration, en remplacement d’1,5 kg de correcteur azoté (voir tableau) ». Au-delà de 3 kg, le lupin tend à dégrader le taux protéique. Le stockage se fera en big bag et les graines seront aplaties. Avec les conseillers de la Chambre d’agriculture, les frères Talvas ont réalisé des simulations technico-économiques dont les conclusions sont données ci-après. Bernard Laurent
Introduction de lupin dans la ration
Dans le cas d’une hypothèse de rendement minimal de 30 q/ha, la production serait de 3,6 tonnes sur la parcelle. En distribuant 3 kg bruts dans la ration hivernale, le lupin pourra être donné pendant 16 jours uniquement. La nouvelle ration permet d’économiser 440 €.
[caption id= »attachment_3822″ align= »aligncenter » width= »300″] Exemple de ration pour 30 kg de lait/VL/jour (Gaec de Kerforn)[/caption]
En maintenant cette ration sur 4 mois d’hiver, le Gaec de Kerforn devrait implanter 9 hectares de lupin en lieu et place de 9 hectares de céréales. Sur le coût alimentaire, le bénéfice serait de 3 360 €. En intégrant la perte liée aux céréales vendues, l’impact économique en fonction du prix de vente du triticale et prix du correcteur peut être résumé de la manière suivante : l’opération est approximativement nulle pour un triticale vendu à 150 €/tonne (et correcteur acheté à 400 €/t). L’exploitation gagne de l’argent si les céréales se vendent moins de 150 €/tonne.