Accompagnement des agriculteurs dans les évolutions de leur métier, investissements ambitieux, amélioration de la situation financière… Les fondations de Triskalia sont solides face aux défis d’avenir, comme l’ont expliqué les dirigeants de la coopérative lors de son assemblée générale.
L’assemblée générale plénière de Triskalia, qui s’est tenue le 19 juin 2015 à Saint-Brieuc (22), a été l’occasion pour les responsables de la coopérative de faire un point sur l’année écoulée et de donner des orientations stratégiques. Les nombreuses questions posées par les adhérents, sur l’avenir de la production porcine, le contexte laitier, le capital social ou la présence de la coopérative en Ille-et-Vilaine témoignent de leur intérêt pour l’avenir du Groupe.
[caption id= »attachment_2420″ align= »aligncenter » width= »300″] De gauche à droite : Roger Laurent (Bohars), Stéphane Riou (Loc-Eguiner-Ploudiry), Frédéric Conq (Plouarzel), Yvon Guillou (Lanmodez) et Louis-François Leconte (Ploërdut).[/caption]
Jouer sur tous les fronts
Dans son rapport d’orientation, Georges Galardon, président de Triskalia, a rappelé que l’année 2014 a été une bonne année végétale, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. En productions animales, la situation a été en revanche plus contrastée. Ainsi, la production porcine entre désormais dans sa septième année de crise. Confrontée à une guerre de bassins de production, la France souffre d’un manque de compétitivité aggravé par l’embargo russe. « Concurrencée par des pays européens bénéficiant d’avantages fiscaux, sociaux et environnementaux, la Bretagne peine à rivaliser avec ses voisins, malgré de bons résultats techniques. » Et le président d’inciter la profession à jouer sur tous les fronts : favoriser la viande française, faire encadrer les opérations promotionnelles, dénoncer les distorsions de concurrence, poursuivre les efforts sur le plan technico-économique et aider financièrement les éleveurs. « C’est ce que la coopérative a fait en proposant aux producteurs une avance de trésorerie début 2015. »
Optimiser, investir, innover
Pour définir les orientations de Triskalia en 2015, et même au-delà, le Président a fixé 3 axes de travail : optimiser, investir, innover.
- Optimiser : c’est ce qui est entrepris chez Ronsard depuis deux ans à tous les niveaux, et cela commence à porter ses fruits. L’optimisation industrielle et logistique est également à l’ordre du jour en nutrition animale, dans le cadre d’un projet baptisé « Optimum ».
- Investir : il s’agit des investissements en amont, dans les outils de collecte, les magasins ou, par exemple, par l’agrandissement en cours du laboratoire Capinov. Cela concerne aussi les investissements en aval, chez Laïta, Gelagri ou Ronsard, pour valoriser au mieux les productions des adhérents. Les investissements concernent aussi l’immatériel (systèmes d’information) et l’humain (la formation).
- Innover : la coopérative entend poursuivre dans la voie de l’agroécologie à travers sa démarche « Planète Positive ». Le succès de la journée du 9 juin 2015 à Noyal-Pontivy (56) qui a rassemblé 1 600 participants, montre la volonté des adhérents de Triskalia de produire plus et mieux, avec moins, à travers des solutions innovantes testées et validées par la coopérative.
Résister à la volatilité
« En production laitière, après une bonne année 2014, les prix payés aux producteurs sont décevants en 2015 » reconnaît Georges Galardon, soulignant toutefois qu’à plus long terme, les perspectives sont favorables. « Nous avons les hommes, le savoir-faire, le climat, les outils industriels… autant de précieux atouts que de nombreux pays nous envient, à commencer par la Chine, qui vient même construire des usines en Bretagne. » Ce contexte laitier évolutif est en effet plein d’opportunités. Mais avec l’arrêt des quotas laitiers, agriculteurs, coopératives et industriels sont directement confrontés au marché et doivent apprendre à mieux résister à la volatilité. En volaille de chair, le marché devient plus équilibré, ce qui devrait permettre une meilleure dynamique de production. Comme en viande bovine, l’avenir de la profession passera par le renouvellement des générations.
Un bilan 2014 positif
- Chiffre d’affaires du Groupe : 2,1 milliards d’euros
- Capacité d’autofinancement : 41 millions d’euros
- Résultat d’exploitation : 23,9 millions d’euros
- Résultat net : 13,1 millions d’euros
- Redistribution du résultat aux adhérents : 20 % du résultat redistribué sous forme d’intérêts aux parts et de ristournes
- 18 000 adhérents
- 4 800 salariés
- 300 sites en France et en Europe
Confiance dans l’avenir
Pour Triskalia, l’année 2014 a été la meilleure depuis sa création en 2010. Cela signifie que la réorganisation a porté ses fruits et que la fusion est désormais digérée. « Malgré un contexte difficile en productions animales, la coopérative a tiré son épingle du jeu dans les métiers de l’amont » a souligné Georges Galardon. En distribution, l’organisation a été simplifiée avec un seul réseau de magasins (enseignes Magasin Vert & Point Vert). Cela doit permettre d’améliorer le résultat de cette activité historiquement contributive. Quant aux activités d’aval, qui font l’objet d’investissements, elles constituent un levier fort d’amélioration. L’objectif pour 2015 est en effet de rééquilibrer les performances entre l’amont et l’aval. Au global, Triskalia a amélioré ses performances et sa structure financière, notamment par la baisse de son endettement. « Ses fondations sont désormais solides pour soutenir des projets de croissance. D’ailleurs, dans cette optique, Triskalia a réalisé début 2015 une levée de fonds de 40 millions d’euros. » Tout cela permet au Groupe d’envisager l’avenir avec sérénité.
Béatrice Perrot / Triskalia
La compétitivité des coopératives agroalimentaires en question
Concentration des acteurs, développement international, érosion de la compétitivité… Dans un contexte en pleine évolution, la question des leviers de la performance des coopératives agroalimentaires, posée à Philippe Chapuis, directeur de l’Agroalimentaire au Crédit Agricole SA lors de l’assemblée générale de Triskalia, n’était pas simple. Il s’est pourtant plié à l’exercice avec clarté et pédagogie, en illustrant son propos par de nombreux exemples. Les questions de la salle, particulièrement nombreuses, ont enrichi le débat et témoigné de l’intérêt des adhérents pour l’aval de leurs productions.
Un secteur coopératif français dynamique
Première filière économique française, l’agriculture et l’agroalimentaire sont aussi le premier employeur national. Seule ombre au tableau : la perte de compétitivité nationale. Ainsi, en 10 ans, la France est passée du 2e au 6e rang mondial en termes d’exportations agricoles et agroalimentaires. Dans ce secteur, les coopératives occupent une place de 1er ordre, avec des valeurs fortes : l’acapitalisme, la territorialité, l’équité et la solidarité. « Le secteur coopératif français est en consolidation permanente et n’a pas à rougir par rapport au secteur privé. » indique Philippe Chapuis. En témoignent les 400 opérations en capital réalisées ces dernières années, dont la moitié entre coopératives.
L’exemple des coopératives de l’Europe du Nord
Au niveau européen, Philippe Chapuis constate un contraste Nord-Sud : les coopératives du Nord de l’Europe (Irlande, Angleterre, Scandinavie…) sont plus concentrées et plus internationales, car elles évoluent sur des marchés intérieurs plus étroits. « Leur approche est comparable à celle du secteur privé. Leur priorité est la performance. À titre d’exemple, dans un souci d’optimisation, Danish Crown a fermé deux abattoirs sans états d’âme. » Une situation impossible en France, ne serait-ce que sur le plan social. En synthèse, le succès des grosses coopératives du Nord de l’Europe (Arla, FrieslandCampina, Danish Crown, Glanbia…) repose sur plusieurs facteurs : la spécialisation, la concentration, la performance économique, la gouvernance et le volontarisme commercial, financier et politique.
Le défi de l’international
En 2050, la population mondiale atteindra 9,5 milliards d’habitants. 85 % d’entre eux habiteront dans des zones urbaines, ce qui va conduire à une occidentalisation de la consommation. « Ces évolutions constituent des défis et des opportunités pour l’agroalimentaire français. La volaille, par exemple, qui n’est soumise à aucun interdit, va beaucoup se développer dans les pays émergents. » La grande distribution se prépare à ces évolutions en se concentrant, y compris par des alliances paneuropéennes (ex : Leclerc et l’allemand Rewe). Ainsi, en France, 4 groupes concentrent 92 % des achats des consommateurs en GMS. Au niveau de la production et de la transformation, les coopératives polyvalentes, confrontées à des difficultés de rentabilité, s’interrogent sur leur avenir. « Leur gestion, incluant les activités d’amont et d’aval, est complexe. Elles sont concurrencées par des spécialistes, des “pure players ».
Les facteurs clefs de succès
Tout en veillant à respecter les grands principes fondamentaux du système coopératif originel, les coopératives françaises cherchent à devenir plus fortes dans un marché globalisé. « Pour cela, elles investissent dans l’aval, se développent à l’international et modulent leurs structures de gouvernance ou leurs modèles économiques afin d’être compétitives face aux acteurs privés ou aux grandes coopératives étrangères. » Et Philippe Chapuis de conclure que « la cohérence de la stratégie et la qualité de la gouvernance apparaissent cependant comme les principaux facteurs clés de succès ».