Point de vue Le CMR 29, mouvement des Chrétiens dans le monde rural du Finistère, réagit face aux manifestations d’agriculteurs. Il s’exprime dans une tribune.
Le CMR 29 comprend le désespoir et le ras-le-bol d’éleveurs étranglés par les dettes et constate les limites de certains modèles de production. Des éleveurs sont, en effet, sans perspective et n’arrivent plus à donner du sens à leur métier, pourtant ô combien indispensable à la société. La dignité des personnes est atteinte. Cette «crise» doit interpeller chacun d’entre nous. Le CMR déplore que, pour se faire entendre des pouvoirs publics, il faille en arriver à des manifestations «violentes» que le mouvement ne peut cautionner. Elles dévalorisent l’image de la profession et sont une atteinte au bien commun. Bien sûr, les aides d’urgence obtenues sont indispensables.
Redéfinir le type d’agriculture souhaité
Cette « crise » était prévisible. Elle n’est pas conjoncturelle mais bien structurelle. Il convient de toute urgence de s’attaquer à ses causes : dérégulation des marchés et volatilité des prix, libéralisation des échanges internationaux, hégémonie du monde de la finance, concentration des exploitations et investissements démesurés, manière de produire… À l’image de ce qui s’est fait dans les années 60, la politique agricole doit être remise à plat pour redéfinir le type d’agriculture souhaité, la place et le rôle des agriculteurs dans la société : liens au territoire, avec les consommateurs, avec les pays en développement, etc. Conscient que la dignité de l’homme se joue dans nos choix de développement, le CMR appelle :
- à plus de raison, au respect du bien commun, à la conscience citoyenne ;
- à des décisions politiques qui évitent d’arriver à des situations extrêmes ;
- au respect de la dignité de la personne humaine, par une organisation autre, qui permette aux agriculteurs de vivre décemment de la rémunération de leurs produits, chez nous et dans le reste du monde ;
- à la volonté d’être acteurs de développement durable et solidaire, du local à l’international ;
- à l’établissement ou au rétablissement d’outils de régulation des marchés ;
- à la responsabilité des pouvoirs publics dans la mise en place de ces outils, afin que les décisions ne soient pas laissées aux seules puissances financières ;
- à la responsabilité individuelle de chacun : agriculteurs produisant de manière raisonnée, coopératives ayant le souci de rémunérer justement leurs adhérents producteurs, sans les inciter à produire toujours plus, transformateurs et distributeurs soucieux du respect de leurs fournisseurs par un juste prix, consommateurs ayant le souci de privilégier les produits locaux.
Mettre l’être humain au cœur du dispositif
Les Chrétiens du monde rural constatent que des ateliers à taille humaine fonctionnent et permettent un coût de production inférieur à celui des grands élevages. Le CMR interpelle avec vigueur nos élus pour qu’ils organisent des États généraux de l’agriculture et des territoires, avec les acteurs présents dans les champs politiques, économiques, syndicaux, etc. Il s’agirait de redéfinir l’organisation des filières agricoles, afin de mieux valoriser les produits, de maintenir une valeur ajoutée décente dans les exploitations, de définir une véritable politique d’installation pour enrayer l’inexorable déclin du nombre d’agriculteurs. La finalité de ces États généraux serait de réinventer un système durable et solidaire, adapté à la situation actuelle, qui soit aussi intégré dans les territoires, sans négliger l’international et avec une attention aux générations futures. L’être humain doit être au cœur de ce dispositif. Il est au centre de nos préoccupations. CMR 29