Face au retrait de deux industriels, la Cooperl et Bigard/Socopa du Marché du Porc Breton (MPB), Michel Bloc’h, vice-président Comité Régional Porcin de Bretagne, ne sait pas aujourd’hui si le marché pourra se faire jeudi prochain. « Ces deux acteurs représentent 30 % des achats au MPB. 20 à 30 000 cochons seraient invendus en cas de non tenue du marché jeudi prochain ».
Mesure cavalière et sans discussion
Pour Daniel Picart, président du MPB, c’est « une démarche très cavalière puisqu’aucune discussion n’a été engagée entre ces deux acheteurs et le MPB. Le prix de 1,40 € est le prix minimum demandé pour que les éleveurs puissent vivre. Il a été atteint depuis ces 15 derniers jours, et on voit maintenant la limite de ce niveau de rémunération car ces deux industriels, gros exportateurs, ont 25 à 30 centimes d’écart avec le porc allemand ». Les animaux invendus resteront donc dans les élevages, solution intenable.
« C’est absolument impossible à gérer dans nos exploitations : il n’est pas question de les détruire, on ne produit pas des porcs comme des tomates ou des pêches… Sans solutions trouvées, nous aurons un marché de gré à gré la semaine prochaine, ou les grands perdants seront les jeunes, les éleveurs plus modestes et les élevages excentrés géographiquement. Si le marché ne reprend pas, les éleveurs seront concurrents entre eux alors que nous nous sommes toujours défendus collectivement ».
Fausse victoire pour le ministre
Après les accords obtenus sur la fixation d’un prix à 1,40 €, « Stéphane Le Foll pensait avoir résolu la crise », selon François Valy, de la FRSEA. « Or, depuis le début de l’année et en prix lissé, nous sommes à 1,23€ de moyenne, loin de nos prix de revient. Les éleveurs français ont aussi besoin de ce prix minimum de 1,40€, car les matières premières comme les céréales et l’aliment ont augmentés et continueront à croitre dans les prochaines semaines ».
Même point de vue du côté des Jeunes Agriculteurs, qui ont besoin de ce maintient de prix à 1,40€, car « nous avons investis récemment dans nos élevages, et nous ne pouvons nous permettre de brader nos cochons », insiste François Régis Huet, en charge des dossiers environnement et porcs au JA du Morbihan.
Distorsion de concurrence
Face à cette crise sans précédent, Michel Bloc’h rappelle les causes de la concurrence présente entre éleveurs européens. « L’Europe produit un dumping social qui engendrera sa mort. L’Europe n’a pas été bâti pour exploiter les gens de cette façon, avec des abattoirs allemands qui travaillent avec de la main d’œuvre à 95 % en provenance de pays de l’Est rémunérés à 6 € de l’heure.
L’Etat doit comprendre qu’il faut gommer le delta de compétitivité de 12 € qui sépare nos salariés en agroalimentaire des ukrainiens ou roumains. Cela a déjà été fait dans le domaine de l’automobile », conclut-il, en « espérant revoir les deux industriels qui ont quitté le marché revenir jeudi prochain ». Fanch Paranthoën