En France Bretagne, Normandie et Pays de la Loire représentent 75 % de la production porcine, 53 % de la production laitière, 63 % de la production de volaille et 47 % de la viande bovine. Face à une crise qui se généralise, les responsables FRSEA ont pris la parole à Rennes.
« Nous avons été contraints d’anticiper notre rentrée syndicale », a débuté Pascal Ferey, président de la FRSEA Basse-Normandie, lors d’une conférence de presse rassemblant le 17 août à Rennes 16 figures syndicales des régions Bretagne, Pays de la Loire et Normandie. La faute à un contexte critique pour l’ensemble des filières : « Les éleveurs sont dans une situation dramatique. Ils se lèvent pour perdre de l’argent. Quel regard portent véritablement l’industrie agro-alimentaire et le ministre Stéphane Le Foll à l’endroit de la production ? », interroge le Manchot. Derrière cette question, le constat, semaine après semaine, du non-respect des accords passés en juin et juillet lors des tables rondes des filières.
200 000 € de dette chez la moitié des porchers
Didier Lucas, de la FRSEA Bretagne, enchaîne : « Tout le monde connaît la situation porcine. Sur les 13 dernières années, il manque en moyenne 15 ct € / kg de cochon. Aujourd’hui, la moitié des éleveurs de porc présentent une dette de plus de 200 000 €… » Alors que les marchés de la semaine dernière n’ont pas eu lieu à Plérin, en l’absence de Cooperl et Bigard qui dénoncent l’accord sur un cours à 1,40 € au cadran, le Costarmoricain ne veut pas faire de concession : « Tous les moyens de soutien à la trésorerie ont déjà été utilisés dans nos exploitations. On ne peut pas déroger à ces 1,40 €. Sans ça, 40 % des éleveurs pourraient mettre la clé sous la porte d’ici la fin de l’année… »
3 septembre à Paris, 7 septembre à Bruxelles
Face à la crise généralisée, les syndicalistes attendent des décisions d’urgence. Pour Didier Lucas, « l’État doit trouver des solutions pour compenser les conséquences de l’embargo russe, les distorsions de concurrence et les différences de compétitivité dont souffre la France par rapport aux autres pays, car les producteurs ne peuvent plus encaisser seuls. »
« Saigner à blanc l’agriculture française n’est pas une solution », reprend Pascal Ferey. « Que fait Stéphane Le Foll pour privilégier le Manger français ? On attend aussi un plan ambitieux d’accompagnement des trésoreries et du désendettement. De notre côté, nous allons continuer à surveiller la distribution et nous sortirons des linéaires les produits des marques qui ne jouent pas le jeu. »
Le 3 septembre prochain, les responsables annoncent un grand rassemblement de tracteurs et d’agriculteurs à Paris « pour rencontrer les sénateurs et les députés à 11 jours de leur rentrée parlementaire. » Les sujets de discussion seront nombreux : « coût du travail, conditions de production, suréglementation à la française, étiquetage, approvisionnement local en RHD… » Le 7 septembre, rendez-vous à Bruxelles pour insister sur « les marchés, le financement de stockage et l’étiquetage… »
Revaloriser le lait dès août
À ses côtés, Jean Turmel, de la section laitière FRSEA Basse-Normandie, parle d’une filière laitière également dans la panade. « Il faut absolument que les accords du 24 juillet, obtenus sous la tutelle du ministre, soient respectés et que les livraisons soient revalorisées dès ce mois d’août », martela-t-il. Avant de regretter que « seules quelques coops et PME s’y sont pour l’instant engagées. » Alors que pour lui, les GMS « semblent jouer le jeu », le syndicaliste a encore en travers de la gorge les « 8 à 10 000 € par atelier qui n’ont pas été répercutés par les laiteries » en 2014.
En volaille, Christophe Labour, de la section avicole FRSEA Pays de la Loire, s’inquiète aussi. « On pèche par un manque d’investissement dans notre filière. 85 % des aviculteurs ont plus de 40 ans, 41 % plus de 50 ans… On va bientôt manquer de producteurs », prévient-il. « Entre investissements élevés, normes contraignantes et revenu insuffisant, les jeunes ne s’intéressent plus à ce métier. Nous avons besoin d’une revalorisation du prix de reprise de 50 € /t. Soit 2,5 € par consommateur et par an. »
En viande bovine, l’amertume est grande également. « L’excellence française ne paie plus. Le 17 juin a été un moment historique où tous les acteurs sont parvenus à un accord la main sur le cœur pour redresser les cours. Nous devrions avoir atteint une revalorisation de 35 ct, nous en sommes à 12. Les promesses n’ont pas été tenues », explique Mickaël Trichet, de la FRSEA des Pays de la Loire. « Il se passe un déchirement de la filière… » Toma Dagorn
Ils ont dit :
Alain Bernier, vice-président de la FRSEA Pays de la Loire
Il faut que le consommateur comprenne que se nourrir à un prix. L’alimentation ne peut pas être la variable d’ajustement pour redonner du pouvoir d’achat aux gens.
Pascal Ferey, président de la FRSEA de Basse-Normandie
Il est temps que l’agro-alimentaire assume aussi son manque de compétitivité au lieu de la répercuter totalement sur les producteurs.