En s’appuyant sur les chiffres de CerFrance Côtes d’Armor, des représentants de la Coordination Rurale, de l’Apli, de l’EMB ont tenu à échanger avec Michel Morin, vice-président du Conseil régional. Face au décideur, ils ont insisté sur le besoin de régulation du marché laitier en Europe.
En préambule de ce rendez-vous informel sur la crise agricole à Plérin, Georges Douguet, spécialiste des filières agricoles à CerFrance Côtes d’Armor, a dressé un tableau sombre au responsable politique. À l’échelle de la planète, il y a beaucoup de lait sur le marché. « Sur le premier semestre 2015, la production laitière est en hausse de 2 % aux États-Unis, 3 % en Australie, 3 % pour l’Union européenne, 1 % en France… Les stocks mondiaux augmentent et la consommation est peu dynamique. Et les acheteurs chinois attentistes… »
Un contexte international auquel sont désormais directement liés les producteurs bretons. « Même si le coût alimentaire moyen a un peu baissé en 2015, 94,8 € / 1 000 L contre 101,8 € l’année dernière, conséquence d’une bonne année fourragère et d’un soja un peu moins cher, nous sommes loin des 67 € / 1 000 L d’il y a 10 ans », regrette Georges Douguet.
« Les éleveurs sont en situation de perte »
Pour lui, un prix du lait qui était « correct il y a encore six ans » ne serait aujourd’hui plus du tout en adéquation avec les coûts de production aujourd’hui. Il précise la situation économique des ateliers laitiers : « Sur le premier semestre 2015, le coût de production du lait se situe à 323 € / 1 000 L (élevage des génisses non compris) et le point d’équilibre en atelier lait atteint 330 € / 1 000 L… Avec un lait payé à 330 ou 340 € / 1 000 L, voire moins en 2015, les éleveurs sont déjà en situation de perte. »
Résultat : « Chez les laitiers, les ouvertures de crédit sont déjà au maximum partout… Dans les banques, chez les entrepreneurs et les marchands d’aliment… », confie Francis Prigent de l’Apli.
« En lait, plus dur de combler un déficit »
« C’est vrai, confirme Georges Douguet. Les comptabilités bouclées début 2015 montrent des baisses de trésorerie de 15 à 20 € / 1 000 L en un an. Dans les banques, on voit s’ouvrir des OC jamais vues. C’est est d’autant plus inquiétant que c’est beaucoup plus dur de combler les déficits en production laitière qu’en filières hors-sol. »
Face à cette « crise grave », le conseiller régional, Michel Morin, rappelle que « les représentants des Régions sont allés, dès 2010, à Bruxelles, plaider auprès de la Commission et du Parlement en faveur de “formes de régulation”. Mais nous souhaitons que la Bretagne reste une terre de production. Et début septembre, avant le Conseil des ministres européens de l’Agriculture, majoritairement ultralibéraux, j’irai à Bruxelles répéter la nécessité de pouvoir réguler… » Toma Dagorn
L’avis de Paul de Montvalon, Représentant de l’European Milk Borad (EMB)
[caption id= »attachment_6394″ align= »aligncenter » width= »300″] Paul de Montvalon, Représentant de l’European Milk Borad (EMB)[/caption]
Un énième rendez-vous face à un représentant politique… Nos responsables doivent prendre conscience que nous sommes au début de la crise et que le prix du lait va s’effondrer. Les Pays-Bas annoncent une baisse de 30 € pour se situer à 260 € / 1 000 L. 200 à 210 € en Belgique, 240 à 250 € en Allemagne, 220 € en Nouvelle-Zélande… En France, les bruits de couloir parlent de 280 € / 1 000 L pour le prix A et 180 à 200 € pour le B. Avec de telles perspectives, rien d’étonnant à la chute vertigineuse des installations. Politiquement, c’est une faillite totale. Or les élus sont là pour nous protéger. Il faut une force politique qui dise et impose une forme de régulation. Mais attention, nous sommes contre la position du Copa-Cogeca qui veut du stockage. Cette intervention coûterait une fortune à la collectivité. Non, quand la crise est là, il faut avoir des outils pour bloquer les volumes le temps que passe l’orage.