À Inguiniel (56), les fouilles du site de Kerven-Teignous viennent de s’achever. Elles ont mis en évidence les vestiges d’un village de l’âge de fer, vers – 550 ans avant Jésus-Christ.
Ils ont rangé leurs pelles, leurs truelles et leurs brouettes. La dernière des nombreuses campagnes de fouilles s’est achevée en fin d’été. Les archéologues, pour la plupart bénévoles, ont repris leur chemin vers d’autres lieux chargés d’histoire ou vers les bancs de l’université. Le terrain décapé en surface, qui dévoilait différentes couleurs de terre annonciatrices de vestiges, va être rendu à son propriétaire, dans son état initial. Le village de l’âge de fer, érigé sur la butte de Kerven, a vécu neuf siècles environ, avant de sombrer dans l’oubli.
Jusqu’à l’année 1950, quand un agriculteur découvre une stèle funéraire dans son champ. Les recherches déclenchées à l’époque ne révéleront jamais l’emplacement du cimetière associé. Bien plus tard, en 1992, des sondages sont réalisés dans la parcelle concernée. Des traces d’habitation, des fossés, des foyers, des poteries sont découverts. Leur datation mène les archéologues vers le IVe siècle avant Jésus-Christ. Un site important, à l’évidence. « On s’est dit, à l’époque, qu’on partait pour quelques années de fouilles ». Daniel Tanguy, responsable des travaux de recherche, ne croyait pas si bien dire. 25 ans et cinq hectares décapés plus tard, l’endroit a révélé ses secrets bien enfouis.
Du vin et de l’huile
La ferme d’origine, en 500 avant J.C. était entourée de fossés et de talus, sur un petit hectare. Neuf caves, représentant 10 m3 environ, ont été mises à jour. « Elles étaient situées sous les maisons ou à côté. Elles permettaient de conserver des produits laitiers et probablement d’autres denrées ». Le site a évolué progressivement pendant deux siècles avant de connaître une rupture. « La ferme a été rasée pour laisser place à une nouvelle construction. La rupture est évidente mais n’est pas due à une guerre ». De nouveaux enclos sont construits, autour du premier. Et de nouvelles activités apparaissent comme la métallurgie. « Nous avons retrouvé des traces de forge, des pinces de forgeron mais aussi des creusets pour fondre du bronze et de l’or ».
Au fil du temps, ces enclos sont de mieux en mieux protégés. Les greniers remplacent les caves et les souterrains. La production agricole évolue et les échanges avec d’autres populations se font plus nombreux. « Les aristocrates qui vivaient là buvaient du vin, bien avant l’invasion romaine. Nous avons retrouvé des amphores, qui, pour certaines, contenaient aussi de l’huile, une perle de verre fabriquée en Suisse (150 avant J.C.) ou encore des céramiques ornées caractéristiques de l’Allemagne et de la Hongrie ». Les agriculteurs qui habitaient autour des enclos protégés vivaient sous la dépendance de cette aristocratie gauloise.
[caption id= »attachment_7431″ align= »aligncenter » width= »300″] Des bénévoles à l’œuvre sur le chantier de fouilles.[/caption]
Des chênes coupés en 242 avant J.C.
Pourquoi ces populations se sont-elles installées sur la butte de Kerven ? « Nous avons découvert le chemin d’accès au site, encore visible récemment. Il conduit à une ancienne voie romaine relativement proche. On peut imaginer un axe Nord-Sud qui existait bien avant cette voie romaine et qui menait sans doute à Carhaix (29) ». Elles se seraient donc installées à proximité d’une voie de communication et d’une zone humide traversée par une petite rivière. « Le bois se conserve parfaitement en zone humide. Nous avons retrouvé les traces d’un pont. Les chênes qui ont servi à édifier ce pont ont été abattus en 242 avant J.C. La dendochronologie (étude des cernes du bois) nous le certifie, à une année près ».
Les vestiges d’un pont antérieur, de 450 avant J.C., ont également été découverts. L’étude des pollens collectés dans la tourbière permet de connaître l’environnement de l’époque. « On voit apparaître, au fil du temps, les châtaigniers, le sarrasin, puis le maïs à l’époque moderne. Les meules nous donnent des indications. Le sol acide n’a pas permis de conserver beaucoup d’ossements. Nous avons tout de même trouvé un antérieur de bœuf, bien protégé. Il était court sur pattes et puissant. Ils élevaient aussi des porcs et des moutons ». Les traces d’enclos à bestiaux et de leurs circuits menant à l’eau sont identifiables.
[caption id= »attachment_7434″ align= »aligncenter » width= »300″] Les ages des métaux sont conventionnellement subdivisés de la façon suivante.[/caption]
Des fouilles à l’écriture
Les campagnes de fouilles, sur l’époque du fer, qui se sont succédé depuis 1992 s’achèvent. « On a bien compris le site ». Daniel Tanguy va consacrer ses trois prochaines années à l’écriture d’un livre sur Kerven-Teignous, avec l’appui d’experts de nombreuses disciplines. Des interrogations subsistent, comme celles des voies de communication de l’époque, qu’il souhaiterait investiguer. La présence d’un village romain est attestée, au nord du site. Plus excitant, un village de l’âge du bronze (2 500 ans avant J.C) est également enfoui sous terre, à quelques encablures du village celte. Pour l’instant, les fouilles s’arrêtent. Si quelqu’un veut savoir ce que cache encore le sol et trouve un financement, il pourra s’amuser… Bernard Laurent