Stéphanie Bullier dirige la société Léonard, à Saint-Brieuc, spécialisée dans la fabrication de pinceaux. Elle parlera de son engagement de femme chef d’entreprise pour les 10 ans d’Agriculture au féminin mardi à Plérin.
Comment percevez-vous la place des femmes dans le monde de l’entreprise ?
En septembre 2015, la femme n’est clairement pas l’égal de l’homme. Ni dans l’esprit des femmes, ni dans celui des hommes. Très présentes dans l’entreprise, elles restent très absentes des directions. Mais veulent-elles ces responsabilités ? Les femmes manquent de confiance et n’osent se projeter dans une situation de pouvoir. Beaucoup sont associées dans les exploitations agricoles, mais n’ont pas toujours le poids qu’elles méritent…
La question importante est « à qui appartient l’entreprise ? »
Les femmes associées, qui ont des parts, sont reconnues juridiquement. Le pouvoir commence là. Ensuite, si faire appel à ses gloires passées n’est pas très féminin, il faut parfois rappeler aux autres ce qu’on a fait ou réussi. Une fois qu’on a prouvé ses compétences, on mérite d’être écoutée… Mais surtout, se mettre en situation de pouvoir commencer par reconnaître sa propre valeur, changer de regard sur soi-même.
La main-d’œuvre salariée est en plein boum en agriculture. Comment gérer au mieux ses collaborateurs ?
En tant que dirigeante, je trouve cela super de créer des emplois. Mentalement, je considère que j’ai des comptes à rendre à mes employés. Parallèlement, il m’arrive d’être très dure avec eux… Mais dans le fond, c’est pour préserver leurs emplois. Mon défi, comme en agriculture, est de pérenniser une vieille boîte familiale. L’important dans mes décisions est de toujours impliquer les utilisateurs réels. Je suis gardienne de la rentabilité et de la marge, alors je garde à l’esprit que le confort de travail du salarié contribue à cette rentabilité.
Une journée où l’agriculture se conjugue au féminin
Mardi 22 septembre à la Chambre d’agriculture de Plérin dès 9 h 30. Zoom chiffré sur la place des femmes en agriculture, actualité juridique, regard croisé sur l’engagement et la responsabilité des agricultrices au sein de l’exploitation ou des organisations et du territoire… Buffet froid puis table ronde autour du parcours de Catherine Siméon (productrice de porc à Plédéliac), Stéphanie Bullier (PDG des pinceaux Léonard à Saint-Brieuc), Thérèse Jouseaume (maire de Langueux) et Marie-Françoise Bocquet (présidente du Crédit Agricole 35). Également présente, Christiane Lambert de la FNSEA. Ouvert à tous.
Les exploitations sont tiraillées entre faible rentabilité et besoin de moderniser, rénover ou renouveler…
Dans une économie devenue serrée, avec des marges faibles dans le pinceau comme en élevage, chaque détail compte dans la construction de la marge. D’abord, se demander s’il est plus judicieux de sous-traiter ou de faire un investissement majeur. Mais attention, tout faire d’un coup est souvent dangereux. Mieux vaut avoir une vision et y aller progressivement : se projeter dans l’avenir à 10 ou 15 ans sans se désintéresser de l’outil actuel car si on ne s’occupe pas du présent, il n’y aura pas de futur. Quand un projet est à l’étude, je réclame des devis détaillés et pose des questions logiques : Ça coûte combien ? À quoi ça sert et à quelle fréquence ? Qui le met en place ? En a-t-on vraiment besoin ? Quelle marge se cache derrière ? Car, en argent comme en temps, il n’y a rien de plus cher que ce qui ne sert à rien.
Qu’est-ce qui permet à un(e) chef d’entreprise de rester performant(e) ?
C’est simple, il faut se former en permanence. Il y a des aides pour cela. Après le marketing, depuis 1,5 an, je me forme aux ressources humaines à la Chambre de Commerce. Recruter, motiver et fidéliser ses salariés ; faire passer ses messages ; suivre la législation du travail… Les RH sont centrales dans les entreprises et la formation au cœur du métier de dirigeant. Propos recueillis par Toma Dagorn