Interview avec Juergen ohlhoff, premier conseiller en agriculture de l’ambassade de la République fédérale d’Allemagne à Paris, qui revient sur l’état de la filière porcine allemande.
Les producteurs allemands ont-ils accès à différents marchés ?
En Allemagne, les porcs sont vendus principalement à des négociants ou aux abattoirs. Il n’existe pas de marchés fixes institutionnalisés. Pour s’orienter, tous les acteurs du marché ont à leur disposition un prix indicatif des organisations de producteurs. Ce « prix d’orientation », déterminé une fois par semaine par un groupe d’experts indépendants, vaut recommandation pour les sept jours suivants. Le prix de vente effectif peut varier par rapport à ce « prix d’orientation ». Les grands abattoirs ont une influence considérable lors de la négociation du prix effectif. Dans une moindre mesure, les ventes s’effectuent aussi par le biais de bourses gérées par la filiale de la Fédération des éleveurs de porcs allemands (ISN). Les porcs peuvent y être vendus aux enchères deux fois par semaine. Les cotes atteintes sont publiées pour les jours concernés. Parallèlement, le marché de l’ISN permet de vendre et d’acheter des porcs 24 h sur 24 h.
Selon vous, la politique agricole commune est-elle adaptée à la filière ?
Le marché se caractérise par une offre excédentaire. Des mesures de soutien aux exportations peuvent, dans une certaine mesure, aider à conquérir de nouveaux marchés. Mais il faut aussi que l’offre s’adapte à la demande, ce qui revient, le cas échéant, à la réduire afin de rééquilibrer le marché. Les mécanismes de régulation des marchés prévoyant la fixation de prix et de marges ne sont en l’occurrence pas efficaces car ils envoient des messages erronés aux producteurs et sont difficiles à mettre en pratique.
Subventionner le stockage privé n’aiderait pas non plus dans la situation actuelle : cela ne ferait que déplacer les problèmes de marché. Car il s’agit d’un report dans le temps du problème de surproduction. Ainsi, nous estimons que d’autres mesures de la Pac pour la filière porcine ne sont ni nécessaires ni adaptées. L’orientation de la Pac vers le marché reste quoi qu’il en soit important. Dans le marché de la viande porcine, cette orientation a été toujours respectée avec succès. Néanmoins, la faiblesse des prix place les producteurs face à des grands défis. Les aides directes peuvent contribuer à stabiliser leurs revenus car elles permettent d’atténuer les effets des chutes de prix. De même, les aides financières au niveau national pour assurer la liquidité des exploitations peuvent apporter un soutien dans une situation économique tendue.
Compétitif, même avec le salaire minimum
Au cours des vingt dernières années, l’industrie de l’abattage et de la transformation a fait l’objet d’importantes transformations structurelles qui ont mené à l’apparition d’entreprises de grande taille, dotées d’installations modernes, caractérisées par un haut degré d’automatisation et tournées vers l’international. En matière d’élevage, d’importants investissements dans des bâtiments modernes et de grande capacité ont également été réalisés. La filière porcine allemande est ainsi restée très compétitive même après l’introduction du salaire minimum, qui s’élève actuellement à 8 € dans le secteur de l’abattage et de la transformation et qui passera à 8,60 € au 1er octobre 2015. Les travailleurs étrangers y sont aussi soumis.
Comment y sont organisées les relations commerciales ?
Les relations commerciales relèvent du droit privé ; aucune régulation spécifique de l’État ne s’y applique. En Allemagne, le commerce de détail est dominé, comme en France, par un petit nombre de chaînes de grande distribution. En raison de leur taille, ces chaînes sont intéressées par des entreprises performantes capables de leur fournir une marchandise de qualité constante et en quantité suffisante.
Comment s’approvisionne la restauration hors domicile?
Le gouvernement fédéral ne formule aucune recommandation en faveur des produits d’origine allemande. Cela ne serait pas non plus conforme au fonctionnement du marché intérieur européen. Néanmoins, la provenance régionale est en Allemagne aussi un critère important dans le choix des produits alimentaires. Il est donc important que la production régionale soit étiquetée de manière fiable et transparente. Il existe depuis 2014 dans tout le pays un étiquetage régional facultatif, le « Regionalfenster », pour les produits agricoles.