La FDSEA a convié les administrateurs des laiteries collectant sur le département à venir expliquer la situation de marché dégradée, inquiétante et déstabilisante pour beaucoup.
Début 2014, c’était encore l’euphorie laitière. Aujourd’hui, on parle de surproduction, de crise, alors que les cotations se dégradent depuis l’année dernière. Les trésoreries se tendent. Devant un « certain désespoir », la FDSEA des Côtes d’Armor a convié les administrateurs des laiteries qui collectent sur le département à venir échanger avec les éleveurs. Près d’une centaine d’agriculteurs se sont ainsi massés à Plérin, lundi 28 septembre, dans l’espoir « d’avoir des réponses ».
Les actions en GMS ont évité l’effondrement du marché
Il a d’abord été beaucoup question des accords du 24 juillet où les acteurs autour de la table, sous la tutelle du ministre de l’Agriculture, avaient promis 340 € / 1 000 L. D’entrée, Jean-Paul Prigent, administrateur de Sodiaal a été clair : « On ne pourra pas tenir ces 340 € jusqu’à la fin de l’année. Ce serait suicidaire au point de mettre la coop par terre… On va tenir 320 € ce mois-ci, alors que les rapports du Cniel annoncent un prix objectif de marché en dessous de 300 €. » Une information confirmée par Guy Le Bars, président d’Even, qui tenait à préciser que « les discussions du 24 juillet n’ont pas abouti sur un accord, mais sur un objectif d’une valorisation de 340 € / 1 000 L sur les PGC sur les derniers 5 mois de l’année. Chez Laïta, cela concerne 26 % de la matière utile. » Pour lui, le message du syndicalisme national sur « un accord à 340 € / 1 000 L qui n’existe pas », trop simplifié, est « abusif ». Pourtant, le Finistérien concède que les actions syndicales qui se sont multipliées sur le marché intérieur ont « permis d’éviter un effondrement total du marché laitier en France. En juillet, en prix spot, nous étions 40 € / 1000 L au-dessus de l’Allemagne… »
Selon le mix produit des entreprises, les retombées du 24 juillet sont diverses. « Chez nous, c’est 15 € / 1 000 L à redistribuer car on est surtout collecteur pour Bongrain », chiffre l’administrateur d’Agrial. « Pour Laïta, c’est 30 € / 1 000 L que nous allons étaler », livre Guy Le Bars. Chez Sodiaal, c’est « 35 € à redistribuer sur 5 mois. 20 € ont été donnés en août. On garde les derniers 15 € pour la fin de l’année pour essayer de ne pas passer sous la barre des 300 €… », lâche Jean-Paul Prigent. Erwan Daniel, éleveur et récent administrateur chez Sodiaal, admet que les 340 € / 1000 L d’août étaient une avancée significative, mais tellement diluée par la baisse en septembre après tant d’actions syndicales : « Au final, les producteurs sont dégoûtés. »
La RHD, prochaine cible
Ce jeudi 1er octobre, une nouvelle réunion était programmée au ministère de l’Agriculture. « Sur les GMS, l’opportunité d’élargir la gamme de produits concernés par les discussion du 24 juillet, par exemple sur des brie, pâte molle ou ultrafrais, serait une bouffée d’oxygène par exemple », explique Guy Le Bars, de Laïta. « Sur la distribution, avec 4 interlocuteurs, la mise en application d’une décision peut en plus être très rapide. »
Les laiteries comme les syndicalistes s’intéressent désormais à un nouveau challenge : celui de la restauration hors domicile (RHD). « C’est un secteur plus atomisé, avec davantage d’interlocuteurs… D’ailleurs, les frontières entre RHD et distribution ne sont pas forcément imperméables puisque Auchan et Métro achètent dans la même centrale d’achat… » Jean-Paul Prigent, de Sodiaal, qui a vu le médiateur la semaine dernière, annonçait que « Le Foll s’est engagé à mettre le sujet à l’ordre du jour de la réunion… » « Après avoir déjà fait le boulot de commerciaux des laiteries auprès des GMS qui ont désormais la peur des paysans, se pencher sur la RHD, pourquoi pas. Mais à condition que cela en vaille le coup pour le prix payé aux éleveurs », a conclu avec fermeté Hervé Moël, responsable de la section laitière de la FDSEA.
Pas de rebond annoncé pour l’instant
Alors que dans la salle, certains menacent de vendre leurs vaches devant tant de difficultés promettant aux usines de manquer de lait demain pour tourner à plein ou que d’autres annoncent vouloir semer davantage de céréales, le public, attendait que les administrateurs livrent avec honnêteté les perspectives de marché pour janvier, ayant bien compris qu’il n’y aurait pas d’embellie d’ici la fin de l’année. Si aucune réponse n’a été précise du côté des représentants des laiteries, tout le monde a bien compris que l’ombre d’un redressement n’est pas encore envisagée : « On vise les 300 € / 1 000 L jusqu’à la fin de l’année, mais en 2016, on ne tiendra pas… », « On va devoir se mettre au prix du marché, le différentiel entre la France et les autres pays est trop grand aujourd’hui… » Toma Dagorn