La protéine est dans le pré

systeme-fourrrage-luzerne-jean-luc-nadine-jean-marc-lestrohan-producteur-lait-plouhinec - Illustration La protéine est dans le pré

Produire les protéines grâce à l’herbe ? C’est l’objectif affiché de Jean-Luc, Nadine et Jean-Marc Lestrohan, producteurs de lait à Plouhinec (56). Depuis une quinzaine d’années, ils ont introduit de la luzerne dans leur assolement et gèrent leurs cultures fourragères « au millimètre ».

Pour Jean-Luc, Nadine et leur fils Jean-Marc, associés du Gaec Lestrohan, l’autonomie protéique est le moyen de maîtriser leurs charges, en produisant le maximum de fourrages sur l’exploitation. Ration, système fourrager, matériel… Tout est réfléchi et cohérent afin de produire 560 000 L de lait avec la meilleure rentabilité, en tirant parti de leurs 85 ha de SAU en conduite sans labour. « Il faut pousser la réflexion avant de lancer une culture fourragère » explique Jean-Luc Lestrohan. « Quel objectif, quelle con-duite, quelle exploitation, quel matériel ? » Les questions à se poser sont nombreuses et les conseils techniques bienvenus. Au Gaec Lestrohan, Bertrand Le Mentec, technicien cultures et Jean-Luc Jehanno, technicien nutrition et lait Triskalia accompagnent les associés.

Repères

  • 3 associés : Jean-Luc, Nadine et Jean-Marc
  • 560 000 L de référence
  • 85 vaches laitières (race normande)
  • 85 ha de SAU (sans labour) dont : 20 ha de maïs, 11 à 12 ha de blé, 5 à 6 ha de luzerne + trèfle violet, 10 ha de luzerne + dactyle, 3 ha de fétuque + trèfle violet et prairies

15 ha de luzerne

« La luzerne a été introduite dans la ration depuis longtemps pour l’apport de protéines, d’abord sous forme de bouchons puis d’enrubannage. Il y a 10 ans, nous sommes passés à l’autochargeuse qui nous permet de l’ensiler. Le coût de récolte est 2 à 3 fois moins élevé que celui de l’enrubannage et il est possible de faire des mélanges entre parcelles », explique Jean-Luc Lestrohan. La luzerne occupe 15 ha de SAU. Sur 5 ha, elle est depuis 2 ans associée à du trèfle violet, pour la conduite de culture et la valorisation alimentaire. 10 ha sont implantés en luzerne et dactyle. Ce dernier apporte protéine et surtout énergie. « L’épi du dactyle monte une seule fois par an. Souvent, après la 1re coupe il n’y a plus que de la feuille en repousse. Seul ou associé, il convient de le pâturer très tôt : 12 cm maximum à l’herbomètre », avertit l’éleveur.

La luzerne est semée après le blé, au mois d’août, à hauteur de 25 kg/ha en inoculant avec des bactéries. « Le semis doit avoir lieu le plus tôt possible pour qu’elle s’implante avant l’hiver », précise Jean-Marc. Pour Bertrand Le Mentec, « L’intérêt d’un semis en été est de gagner une coupe sur l’année. Cependant, il faut en général un désherbage supplémentaire (en hiver, lors du repos végétatif), par rapport à une implantation en sortie d’hiver ». La culture est roulée deux fois et désherbée chimiquement et/ou par herse étrille. Du fumier vieilli est épandu à l’automne (après la dernière fauche). Le technicien conseille également l’apport de bore et de scories (pour le calcium, le phosphore et les oligoéléments), idéalement 500 kg/ ha tous les ans afin de compenser les exportations de la culture. L’apport de potasse n’est pas indispensable grâce au fumier composté.

L’importance des analyses

La maîtrise du stade de récolte permet de viser une qualité optimale, appréciée selon le tryptique MS, UFL et MAT. En général, les 1ers et 2es coupes sont analysées pour ajuster la ration. En effet, les valeurs de l’herbe sont beaucoup plus variables que celles du maïs. Résultats 2015 sur la Luzerne :

  • Matière sèche (MS) : 56 à 66 %
  • UFL : 0,75 à 0,80 UFL/kg MS
  • MAT : 19 à 21 % MS
  • PDIN : 118 à 131 g/kg MS

La qualité plus que la quantité

Le fourrage est exploité prioritairement en ensilage. « Notre objectif est d’avoir constitué nos stocks pour la fin juin, car la région est séchante », explique Jean-Marc. « Lorsque l’ensilage n’est pas possible, on s’adapte : fauche, enrubannage, affouragement vert. À chaque fois, c’est la météo et la qualité de l’herbe qui décident » La réussite de l’ensilage d’herbe passe par la maîtrise du stade de récolte. « Nous recherchons la qualité plus que le rendement, c’est pourquoi il faut couper au bon stade, idéalement au bourgeonnement car, au-delà, les valeurs alimentaires se dégradent. Le rendement est d’environ 2 tonnes par coupe, soit 8 à 10 tonnes par an. » L’herbe est ensilée sèche (autour de 60 %) à l’autochargeuse. Selon Nadine Lestrohan, « il faut le faire soi-même pour gérer au mieux la fenêtre météo qui est de 4 jours. Le premier jour on fauche, le second on fane. Les andains sont réalisés le troisième et aérés au “Gustin” (aérofaneur) le quatrième. L’ensilage a lieu dans la foulée.  » Autant dire qu’en période de coupe, les associés du Gaec ont les yeux rivés sur la météo et les cultures. « L’herbe est une culture plus difficile à gérer que le maïs car elle nécessite une surveillance rigoureuse des stades », précise Jean-Luc.

Fourrages et ration

Automne :

  • ⅓ d’ensilage (maïs & luzerne + trèfle violet)
  • ⅓ de pâture
  • ⅓ d’affouragement vert (luzerne + dactyle)

Hiver :

  • 60 % ensilage
  • 40 % affouragement vert

Printemps – été :

  • 80 % pâture
  • 20 % ensilage (pour l’apport de fibres)

Selon les saisons, correcteurs azotés Adelia Col (correcteur azote soluble), Adeliatane Pro (correcteur azoté semi-protégé associant azote soluble et protégé) et correcteur énergétique : Bovin Maïs.

Herbe et maïs, de l’ensilage toute l’année

La ration des vaches laitières comporte de l’ensilage toute l’année (herbe + maïs), associé à de l’affouragement vert et/ou du pâturage selon les saisons (cf. encart). En fonction des besoins, le Gaec utilise 2 correcteurs azotés (Adelia Col et Adeliatane Pro) et un correcteur énergétique, le Bovin Maïs, apporté vache par vache. « Il s’agit de maïs séché et broyé, dans le cadre de l’échange céréales aliments (ECA) », explique Jean-Luc Jehanno. Son énergie « by pass » est plus adaptée que l’énergie du blé (rapide) dans ce type de ration. La formule ECA simplifie le travail et sécurise la conservation. « Nous visons moins la production par vache que la maîtrise du coût alimentaire et des frais vétérinaires. Et cela se traduit dans les résultats économiques », conclut Jean-Marc.

Au Gaec de Lestrohan, la réflexion englobe aussi le matériel, souvent acheté d’occasion et dimensionné au mieux. Cohérence et adaptation sont ici les maîtres mots, et un exemple concret d’agriculture écologiquement intensive.  Avec l’aide de leurs techniciens, ils poursuivent l’optimisation de leurs cultures, comme des rations. Les essais et les projets ne vont pas s’arrêter de sitôt, mais avec toujours une conduite et une gestion rigoureuse, car en matière d’herbe, l’improvisation n’est pas de mise. Marie-Laure Louboutin / Triskalia


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