Considérée comme éteinte il y a une trentaine d’années, la race de moutons Belle-Île revit sur son île d’origine. Jean-Marc Guégan, éleveur à Bangor, mise sur ses agneaux du terroir.
Il ne restait que 15 brebis dans les années 80. Prise en main par l’École vétérinaire de Nantes, la race Belle-île s’est développée en maintenant une certaine diversité génétique et compte aujourd’hui 525 mères, réparties dans quelques élevages sur le continent. C’est dans ce vivier qu’à puisé Jean-Marc Guégan pour permettre à la race à la robe blanche et parfois noire, de reconquérir son territoire insulaire. « L’idée d’élever des Belle-île me plaisait. J’en avais parlé aux bouchers du coin qui n’étaient pas très emballés. Pas assez bouchère me disaient-ils ». L’ancien agent d’assurance, originaire de l’île, s’installe donc, en 2006, avec des brebis vendéennes, plus conformes à la demande des professionnels, sur la ferme familiale, associée à celle d’un voisin. 85 hectares de prairies extensives, au total, pour élever 300 agneaux à l’année. Peu de temps après, il crée, avec une douzaine de collègues agriculteurs, le magasin « Au coin des producteurs », au centre de l’île. La vente directe le ramène à son idée de départ : produire des agneaux de race Belle-île, miser sur le terroir, raconter une belle histoire à une clientèle touristique réceptive.
Un achat de 30 agnelles grâce à des dons
Avec l’appui du CPIE (Centre permanent d’initiative pour l’environnement) de Belle-Île, Jean-Marc Guégan a lancé une demande de financement participatif sur un site internet dédié à l’agriculture et à l’alimentation (Miimosa) pour l’achat d’une trentaine d’agnelles. Une vraie réussite qui a surpris l’éleveur. « Avec un peu de communication auprès des proches et via la presse locale, j’ai récolté les fonds très rapidement ». Lancée à la mi-juillet, le montant nécessaire à l’investissement (5 000 €) était atteint en fin août. En contre-partie des dons et de leur importance, l’éleveur propose des visites de la ferme, des assortiments de produits, une nuit en chambre d’hôte et même un survol de l’île en avion à partir de l’aérodrome voisin (grâce à des amis). « Pour récolter des dons, je crois qu’il faut avoir un projet qui fait rêver ». Comme un berger à Belle-Île….
Des ventes en pleine saison
Aux côtés de ses brebis vendéennes, Jean-Marc a désormais un troupeau de femelles de sa race préférée. Cerise sur le gâteau, il a retrouvé, chez un particulier Bellilois, un noyau d’animaux de la race, préservé par miracle et notamment un jeune bélier, de bonne morphologie et de couleur noire. De quoi redonner un peu de variabilité génétique à l’ensemble de la race. Il assure actuellement la génération d’agneaux à naître, l’hiver prochain. « La période naturelle d’agnelage correspond parfaitement à mon mode de vente », explique Jean-Marc. « La majorité des naissances a lieu de la mi-décembre à la fin février.
Ensuite, les agneaux sont engraissés pendant 5 à 6 mois ». Abattus dans l’abattoir de proximité, à 800 mètres de la bergerie, et vendus en direct, quand la population de Belle-Île passe de 5 000 à 40 000 habitants. « Il faut quand même que les animaux prennent du poids pour ne pas rater la saison ». Le pâturage est donc complété par du foin et des céréales produites sur une dizaine d’hectares de l’exploitation. Les animaux consomment un aliment du commerce en finition. « En fin mai, les terres sont déjà bien sèches et l’herbe ne pousse plus. Le rendement des céréales n’est que de 35 q/ha en moyenne et il est difficile de produire des protéagineux en raison de la présence de gibier », justifie l’éleveur.
Issue d’un métissage
Le mouton dénommé « Belle-île » n’est autre que la survivance de la Race de Deux. Décrit par les historiens au XIXe siècle, la Race de Deux est issue du métissage de la race bretonne avec des moutons flandrins introduits au XVIIIe siècle, notamment dans le Morbihan.
Magasin de producteurs
Un atelier de découpe et de transformation des viandes est attenant au magasin de vente. Les porcs, les veaux et les agneaux de l’île sont transformés en saucisses, pâtés et merguez. « Je vends également des conserves (tajines, rillettes ou bolognaises) fabriquées par un prestataire de service sur le continent ». L’éleveur se mue en commerçant en fin de semaine, à l’ouverture du magasin. « Nous employons deux salariés pour la transformation, mais nous assurons une présence pour la vente. J’apprécie le contact avec les clients. C’est là que je peux mettre en avant l’aspect terroir de mes produits. La conformation de mes agneaux de race Belle-Île, moins viandés, n’est donc pas un handicap ». La concurrence des autres éleveurs n’est pas un problème. « Nous ne fournissons pas assez d’animaux pour les supermarchés et les bouchers de l’île ». Une belle opportunité, en tous cas, pour l’éleveur qui pourrait à terme, sur son exploitation, assurer la pérennité de la race… Bernard Laurent