Alors que « l’industrialisation de l’agriculture est en marche », la Conf’ s’interroge sur les conséquences du phénomène.
« Agriculture connectée, agriculteurs déconnectés ? L’augmentation de la productivité du travail est-elle au service des paysans », voilà la question que s’est posée la Confédération Paysanne à l’occasion de son assemblée générale, mardi 29 septembre, à la Maison de l’agriculture de Plérin. Pour l’invitée Estelle Deleage, agronome et maître de conférences en sociologie à l’université de Caen, c’est sûr, « la technique n’est plus émancipatrice ou libératoire. Au contraire elle crée de la dépendance » Avant de concéder qu’il « ne s’agit pas d’être contre la technique, mais de la remettre un peu en cause car au-delà d’un certain point, elle aliène. » La spécialiste parle d’une « classe dominante regroupant l’agro industrie et l’environnement institutionnel des agriculteurs qui se demande comment produire. Mais jamais pourquoi produire. » Elle dénonce « l’idéologie du progrès qui incite en permanence à se moderniser, à investir et donc à s’endetter… » Michel Morin, vice-président du Conseil régional semblait d’accord : « J’ai noté cette sorte de fascination pour la technique. Il suffit d’aller au Space pour voir tout ce qui s’achète malgré la crise. »
Virtualisation des relations humaines
Estelle Deleage abordait ensuite une autre facette du problème : « On est toujours connectés, mais de moins en moins avec les autres. Il y a une virtualisation des relations humaines. » Devant la concentration des exploitations, la baisse du nombre de paysans et la disparition des liens, elle parle d’un enchevêtrement de crises « sociale, psycho-sociale et de sens… Qui se traduisent par souffrance au travail, stress, suicide qui est le stade ultime de la crise de sens ». À son tour, Michèle Roux, installée en Dordogne et secrétaire nationale de la Confédération Paysanne, recadrait le débat en rappelant la position du syndicat : « Nous parlons d’industrialisation de l’agriculture plus que d’agriculture industrielle. Cette industrialisation s’intéresse à une productivité qui se traduit par l’augmentation des volumes produits par agriculteur. Alors que nous croyons en l’amélioration de la productivité économique, c’est-à-dire la recherche de l’augmentation du revenu par agriculteur… Non, l’augmentation des volumes ne nous sert pas du tout à nous, paysans. Ce qui rend transmissible une exploitation, c’est le revenu qu’elle arrive à dégager, pas sa taille. » Et de rappeler, pour conclure, le slogan qui résume la démarche vers l’agriculture paysanne : « Produire, employer, préserver… » Toma Dagorn