Le Cédapa et le Gab ont rassemblé plusieurs conférenciers pour échanger sur le contexte volatil et difficile de l’après-quotas et les stratégies à adopter pour les ateliers.
180 personnes, dont 80 éleveurs au centre de formations de la Ville Davy à Quessoy, jeudi 19 novembre, pour débattre de la « stratégie laitière à adopter dans l’après- quotas ». Un nouveau contexte « qui a tendance à orienter les ateliers laitiers vers une course aux volumes allant à l’encontre du pâturage », regrettait-on au Gab et au Cédapa, organisateurs du rendez-vous.
L’Europe, pas taillée pour le marché mondial ?
Ancien ingénieur lait à l’Institut de l’élevage et aujourd’hui conseiller de l’European Milk Board (EMB), André Pflimlin est d’abord revenu sur « une trop forte volatilité du prix du lait depuis 2007 ». Un cours européen qui suit désormais les violentes fluctuations des marchés beurre-poudre, « dont les consommateurs n’ont pourtant jamais bénéficié ». Ce fameux marché mondial, qui ne concerne que 7 % de la production de la planète mais dicte toute cotation, « essentiellement constitué de poudres de lait, produits industriels très concurrentiels, un minerai que tout le monde est capable de produire… Avec 3 grands fournisseurs : l’Union européenne, les USA et la Nouvelle-Zélande ».
Malheureusement pour lui, la France, ou plus globalement l’Europe, ne fait pas le poids sur le ring de l’export face à ses deux concurrents. « La Nouvelle-Zélande est un pays idéal pour faire du lait avec du pâturage toute l’année ; des fermes de 400 vaches pour 2 UTH ; Fonterra une laiterie unique, spécialisée en poudres, qui collecte et exporte 95 % de la production… Aux États-Unis, en particulier dans l’Ouest, il y a peu ou pas de contraintes environnementales et sociales ; de très grands troupeaux hors-sol ; et des éleveurs protégés par la politique du Farm Bill 2014 – 2018 avec une garantie de marge sur coût alimentaire sans régulation des volumes… »
Ne pas oublier de produire
Dans l’après-quotas, Jérôme Pavie, de l’Institut de l’Élevage, conseille « d’optimiser le pâturage, pour aller chercher l’UF la moins chère. Une herbe de qualité, c’est du concentré sur pied. » Attention cependant, « il ne faut pas oublier de produire. C’est bien de vouloir maîtriser les coûts, mais si on produit trop peu, on ne dilue plus assez les charges de structure. Le raisonnement, seul, par la baisse des charges opérationnelles ne suffit pas. »
Le Danemark dans le mur
Eu Europe, les plus prompts à vouloir répondre au marché mondial sont les Danois et les Irlandais. « Le Danemark est passé de 30 000 à 3 000 troupeaux laitiers en 10 ans. Les coûts de production s’y situent au-dessus de 350 € / 1000 L avec des revenus par UTH de 6 000 € / an / UTA familiale sur la période 2005 – 2010… La dette est de l’ordre de 20 000 €/ vache… » Même pour l’Irlande, « où le coût de production avant rémunération de la main-d’œuvre familiale était de 150 € / 1000 L avant 2010 », André Pflimlin n’y croit pas vraiment : « La présence de l’Europe sur le marché mondial ne se fera pas sans casse ».
« Investir, c’est souvent s’acheter du travail »
« Produire un plus grand volume passe par l’augmentation de la capacité de l’outil donc souvent pas l’investissement », rappelle François Berrou, de l’Afoc 53, association de formation et d’accompagnement à la gestion basée en Mayenne. « Mais attention, un agriculteur qui investit pour s’agrandir s’achète souvent du travail supplémentaire. » Pour lui, avant d’acheter du matériel, il est bon de vérifier si autour de soi, il n’y a pas moyen de déléguer ou de mutualiser. « Sinon, on augmente le capital sans augmenter le revenu… En France, l’actif atteint 7 000 € par vache en moyenne. L’agriculture est un secteur où la masse des capitaux est énorme par rapport au revenu dégagé. »
François Berrou dénonce également l’habitude de « tout emprunter » pour financer un projet. « Comment imaginez-vous investir sans avoir au moins le premier euro en poche ? », a-t-il interpellé l’assemblée. Et de rappeler le bon ordre des priorités de financement : « D’abord la nourriture du troupeau, ensuite l’effectif d’animaux et enfin le matériel et bâtiments… Et non pas, comme souvent, l’inverse. Bientôt, sinon, on va se retrouver avec des stabulations à amortir sur 35 ans… »
« Une garantie de marge comme aux USA »
Alors l’observateur continue à prôner une « indispensable régulation » de la production, « faisable avec les outils existants à Bruxelles comme la définition d’un indicateur d’alerte par l’observatoire, le calcul d’une garantie de marge comme aux USA, la définition d’une règle de réduction des livraisons en cas de surplus… Des mécanismes peu coûteux pour l’UE si on réagit tôt et sécurisants pour les éleveurs et les consommateurs. » Pour la France, il imagine aussi également un positionnement davantage « sur la qualité en s’appuyant plus sur sa culture fromagère… » Toma Dagorn