Depuis 2012, Michel Lec’hvien, producteur de tomates, n’a réalisé aucun traitement phytosanitaire sur ses cultures sous serres. La lutte intégrée déjà implantée à la réception des plants est une des clés de cette réussite.
« Depuis 2012, je fais de l’intensif mais sans aucun traitement phytosanitaire sur mes plants de tomates », lance Michel Lec’hvien, producteur de tomates sous serres verre à Ploubazlanec (22). Suite à une invasion d’aleurodes ayant causé de grosses pertes économiques lors de la saison 2011/2012, le producteur a pris la décision de remettre son système à plat. « Cette saison a été traumatisante pour moi et ma famille. J’ai beaucoup traité avec des produits phytosanitaires et des produits naturels comme de l’écorce d’orange et rien ne fonctionnait. »
Le plant de tabac sert d’extincteur
Michel Lec’hvien décide alors d’élever des Macrolophus, un prédateur des aleurodes, dans ses serres sur des plants de tabac. Lorsque sa population est bien développée, elle devient un prédateur hautement efficace, sauvegardant la culture contre des infestations inattendues. « Tous les producteurs achètent des Macrolophus. Nous les implantons dans les serres mais en cas de gros problèmes il est important d’avoir une bonne population pour agir le plus rapidement possible. C’est là que j’ai vu l’intérêt d’avoir un élevage pour avoir suffisament de prédateurs prêts à réagir en cas de soucis. » Le tabac sert d’extincteur lorsqu’un foyer d’aleurodes est détecté dans la serre. Il suffit de placer le plant près de l’endroit infesté, les aleurodes sont attirés par celui-ci et se font piquer par les Macrolophus. À certains moments de la saison les producteurs font face à des entrées massives d’Aleurodes dans les serres. « Ma technique est alors d’introduire 1 plant de tabac infesté de Macrolophus tous les 100 m2 de serre pour lutter », explique Michel Lec’hvien.
[caption id= »attachment_11352″ align= »aligncenter » width= »300″] Dès l’arrivée des plants, le producteur nourrit les Macrolophus à l’aide d’un appareil spécifique.[/caption]
Des plants livrés avec la lutte biologique
Jérôme Crenn, responsable produit chez Thomas Plants à Ploubazlanec, avoue avoir découvert cette technique chez Michel Lec’hvien. « L’élevage de Macrolophus est une affaire de spécialistes, c’est pour cette raison que Michel nous a confié la production », déclare Jérôme Crenn. Et le producteur de préciser : « Si Thomas Plants n’avait pas été là pour accompagner mes idées, qui faisaient sourire beaucoup de monde, on n’en serait pas là aujourd’hui. » Le 1er décembre, le producteur a été livré en plants de tomates. 12 000 plants 2 têtes par hectare de serres sont plantés et ficelés en quelques jours. « La particularité est que mes plants de tomates que je reçois possèdent déjà des Macrolophus. C’est important car le cycle de reproduction du Macrolophus est plus long que celui de l’aleurode. » L’entreprise Thomas Plants consacre ainsi 1 000 m2 de serres à l’élevage des Macrolophus sur plants de tabac. « Cette surface pourrait être amenée à s’agrandir si d’autres producteurs nous sollicitent pour développer la technique de Michel Lec’hvien », indique Jérôme Crenn.
Une 3e station météo pour piloter les serres
« En 2015, j’ai investi dans une troisième station météo pour piloter les serres. » Le producteur en a placé une à l’Est du site, une au centre orientée au Sud et une troisième à l’Ouest. La première station météo qui détecte la pluie provoque la fermeture automatique des serres. « De cette façon, je n’ai pas d’humidité à rentrer dans les serres. C’est cette humidité qui mouille les feuilles et qui favorise le développement de champignons qui peuvent contraindre à appliquer un fongicide. » Cela a très bien fonctionné car le producteur n’a pas fait de traitement fongicide malgré un mois d’août pluvieux et avec des températures élevées, des conditions très favorables au développement de champignons. Le responsable produit de Thomas Plants ajoute : « C’est une performance de ne pas avoir réalisé de fongicide en 2015. »
Nourrir les Macrolophus dès l’arrivée des plants
Dès l’arrivée des plants, le producteur nourrit les Macrolophus à l’aide d’un appareil spécifique. « Il faut intervenir jusqu’à ce qu’il y ait des aleurodes et que l’équilibre se mette en place. Et faire attention à ne pas donner trop de nourriture au risque de les rendre fainéants et qu’ils soient moins vigoureux pour chasser les aleurodes. Ces Macrolophus indigènes sont plus efficaces que ceux que l’on achète dans le commerce. » Le producteur a aussi fait évoluer ses techniques culturales pour favoriser l’implantation de la lutte biologique dans les serres. « Avant je sortais toutes les feuilles après l’effeuillage. Maintenant je les laisse au sol pour que les émergences de Macrolophus continuent. » Le producteur est convaincu que sa méthode est la bonne et pour preuve, il a en projet pour 2017 de faire un essai sur 2 ha de serre où il n’implantera pas de Macrolophus achetés dans le commerce. Nicolas Goualan