Besoin croissant de capitaux et baisse de rentabilité ne font pas bon ménage en agriculture. Cette équation complique le financement des reprises et des investissements.
« L’agriculture est un secteur à part, car l’investissement y est peu rentable comparé à l’industrie », indique Didier Caraès, économiste à l’APCA. Et de faire observer qu’en agriculture, « la rémunération du capital est instable depuis dix ans ». Lors d’un colloque organisé le 1er décembre par l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture, il a présenté les résultats d’une étude effectuée sur des données entre 1995 à 2013 concernant plus de 7 000 exploitations. « Sur cette période, le capital moyen (besoin en fonds de roulement et immobilisation) des exploitations étudiées est de 353 000 € », note-t-il. Et, selon lui, sur cette période, la rémunération du capital passe au-dessous des 1 % en tenant compte de la rémunération de l’exploitant (1,5 Smic) et du foncier.
Rémunération incertaine du capital
Chiffres à l’appui, l’économiste observe « une forte croissance du capital des exploitations dont la rémunération devient très incertaine ». Pour Gérald Evin, président du fonds d’investissement Labeliance Invest, les actionnaires attendent une rémunération de 25 à 30 % dans le secteur bancaire, de 8 à 12 % dans l’industrie lourde et de 5 à 6 % dans l’agriculture. De son côté, Dominique Plihon, professeur d’économie financière à l’Université Paris XIII, observe qu’en France, « il y a une appétence pour des actifs concrets : la pierre, le foncier, le bas de laine. » Des placements prisés par la population qui s’intéresse aussi au secteur agricole. Malgré l’attrait de ces placements, il estime que pour l’agriculture « l’intermédiation bancaire doit rester la source de financement prioritaire. La relation de proximité n’existe plus avec un groupe d’investissement », tout comme l’autonomie de l’exploitant et de sa structure.
Ce point de vue est partagé par Guy Vasseur, président de l’APCA, ou encore Bertrand Corbeau, directeur général de la Fédération nationale du Crédit Agricole: « Je ne crois pas que les marchés financiers donneront des taux meilleurs que ceux délivrés par l’intermédiation bancaire. Je ne vois pas l’intérêt de financer l’agriculture par des marchés financiers. […] Aux États-Unis, l’économie est financée à 20 % par les banques et à 80 % par les marchés financiers. En Europe, c’est exactement l’inverse. C’est un atout pour l’agriculture. Je pense que l’on résistera à cette financiarisation excessive ».
Créer des leviers fiscaux
Guy Vasseur estime que « les banques restent le premier financeur des exploitations agricoles, et c’est tant mieux ». Il reconnaît pourtant que d’autres solutions doivent émerger. Il considère que, « pour qu’un agriculteur soit autonome et qu’il investisse, il faut qu’il possède au moins une partie de ses capitaux ». C’est dans cet esprit qu’il espère la mise en place de leviers fiscaux pour faciliter le financement des exploitations. Gérald Evin défend de son côté l’intérêt de son fonds d’investissement : « Nous sommes complémentaires des prêts bancaires. Avec notre apport, ce n’est plus un problème de lever de la dette ». Il cite des exemples de financement pour des exploitations : de 50 000 € minimum à 400 000 € pour l’installation d’un jeune avec son père accompagné d’un agrandissement de l’exploitation de 70 à 220 vaches, en lien avec sa coopérative.