Faut-il faire plus de lait ?

Dans cet après-quotas incertain, des éleveurs se demandent s’il faut livrer plus de lait, acheter des droits à produire… Luc Rétif, expert comptable, donne des clés de réflexion. 

« Plusieurs motivations peuvent pousser à faire plus de lait », a rappelé Luc Rétif, expert-comptable, à l’assemblée locale d’Icoopa à Janzé (35). Mais attention, « il n’y a pas une étroite corrélation entre volume de lait et revenu. » Pour mieux comprendre, le spécialiste propose de plancher sur l’exemple d’une EARL produisant 400 000 L de lait avec 50 vaches (8 000 L / VL de niveau d’étable) dans un bâtiment pouvant accueillir 65 laitières et la suite. La salle de traite, récente, est adaptée jusqu’à 65 vaches et offre la possibilité de rajouter 2 postes.

[caption id= »attachment_11036″ align= »aligncenter » width= »300″]Trois stratégies pour livrer plus de lait Trois stratégies pour livrer plus de lait[/caption]

Intensifier ou agrandir ?

Quelles sont les perspectives pour faire plus de lait ?

  • Option 1, livrer 50 000 L de plus avec le même troupeau en augmentant la production à 9 000 L / VL. « En gros, je joue sur l’alimentation pour monter en production. Et je considère la perte de marge cultures de vente et je calcule l’incidence sur les charges sociales. Ce lait supplémentaire me coûte 192 € / 1 000 L, à peu près l’augmentation des coûts de production. »
  • Option 2, produire 120 000 L de plus en passant à 65 laitières. « En plus de l’alimentation (production et achat de fourrages et concentrés), consommations (eau, EDF) et entretien des équipements, s’ajoutent des frais d’élevage (véto, produits d’entretien…) et des frais financiers. Car si j’augmente mon capital bovins de 30 000 €, il y a souvent des annuités en face. Le coût est estimé à 270 € / 1 000 L. »
  • Option 3, livrer 250 000 L de plus en investissant 80 000 € (stabulation et salle de traite) pour un effectif de 76 vaches (à 8 550 L / VL / an). « Les surfaces fourragères augmentent de 23 ha au détriment des cultures de vente. Et surtout, entrent en jeu 8 000 € d’amortissement des travaux. Le coût de ce lait supplémentaire atteint 283 € / 1 000 L. » On observe que ce coût s’accroît avec le volume repris, compte tenu de la recherche de performances et des investissements à réaliser.

Reste à déterminer le prix d’équilibre de cette production supplémentaire en intégrant davantage de revenu « pour ne pas travailler plus pour rien ». Les charges d’exploitation du tableau 1 sont reprises hors frais financiers et amortissements. S’y ajoutent les annuités liées à la hausse du nombre d’animaux et aux investissements bâtiments « qui s’amortissent sur la durée et génèrent des frais financiers ». On constate alors que le prix d’équilibre de ce lait additionnel se situe à 252 € / 1 000 L pour l’option 1, et respectivement de 316 et 318 € pour les options 2 et 3 une fois le produit viande supplémentaire pris en compte.

Avez-vous tout considéré ?

Pourquoi produire davantage ? Pour rechercher une nouvelle taille d’entreprise, « vouloir être plus gros comme d’autres veulent être plus minces… », plaisantait Luc Rétif. Optimiser un outil existant, « ce qui peut être une bonne idée ». Réorganiser la charge de travail par l’embauche d’un salarié « alors qu’on passe tous ses week-ends sur l’élevage ». Augmenter son revenu. Voire, « dans des cas particuliers », faire face à des difficultés de trésorerie… Reste à mesurer toutes les conséquences. « Augmentation de la surface fourragère au détriment des cultures de vente. Accroissement de l’effectif ou de la productivité des vaches. Délégation de l’élevage des génisses. Respect des normes environnementales (stockage, épandage…). Adaptation des bâtiments. Charge de travail. Besoin de financement du développement pouvant remettre en cause un équilibre économique qui existe… »

L’achat du droit à produire pèse lourd

Mais ceci n’est vrai que si l’augmentation de la référence est gratuite. « Sinon, il faut considérer encore le coût de la reprise laitière et la durée de son financement pour l’achat d’un contrat cessible de droit à produire, comptabilisée entre 20 et 45 € / 1 000 L. » Dans ce cas, le tableau 3 montre que l’option 1 reste gagnante pour un prix du lait en dessous des 300 € / 1 000 L. Les options 2 et 3, proches en termes de rentabilité, réclament un prix du lait à près de 340 € pour commencer à être judicieuses… En conclusion, « tous à vos calculettes. » S’il peut être une bonne idée d’écraser les charges de structure par le volume, il ne faut pas foncer tête baissée. « Votre réflexion doit s’appuyer sur une bonne connaissance de vos équilibres économiques actuels et le calcul du prix d’équilibre de ce lait supplémentaire pour en mesurer l’opportunité chez vous… » Toma Dagorn


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