La transmission : de la pensée aux actes

fabien-jestin-transmission-exploitation-installation-vache-laitiere-lait - Illustration La transmission : de la pensée aux actes

Dans une course de relais, le passage de témoin est une étape primordiale. Et qui exige une bonne coordination avec son partenaire. Départ pour une expérience de transmission réussie.

Début novembre, Fabien Jestin a fêté son 29e anniversaire. Depuis septembre 2014, il est à la tête d’une exploitation laitière, sur la commune de Dirinon (29). Un bel outil de 118 hectares de surface agricole utilisée et quelque 850 000 litres de lait. Fils d’un entrepreneur de travaux agricoles, le jeune homme confesse n’avoir jamais nourri « de passion démesurée pour le machinisme ». Son truc à lui, cela a toujours été l’élevage. Après une formation en bac pro « Conduite et gestion de l’exploitation agricole », Fabien a exercé ainsi durant six années comme responsable d’élevage sur une ferme laitière. L’envie d’avoir sa propre exploitation lui est venue naturellement. « J’ai vu que j’étais autonome dans mon travail. Tout ce que je faisais pour mon patron, je me suis dit que je pouvais le réaliser pour moi » Après s’être inscrit au répertoire départ/installation (RDI), il visite quelques exploitations de son secteur. « Je suis originaire de Guipavas. Alors, au départ, j’ai plutôt regardé dans les alentours. Je ne me voyais pas trop franchir l’Élorn ». Au final, c’est pourtant bien de l’autre côté du fleuve séparant le Léon de la Cornouaille que Fabien va trouver ce qu’il recherche.

[caption id= »attachment_10662″ align= »aligncenter » width= »300″]Pour l'instant, les seules modifications apportées sont le bardage du bâtiment et l'extension de la salle de traite Pour l’instant, les seules modifications apportées sont le bardage du bâtiment et l’extension de la salle de traite. Prudent, Fabien Jestin souhaite « digérer la reprise » avant d’envisager de nouveaux investissements. D’où l’intérêt d’avoir choisi un outil directement opérationnel.[/caption]

Un parrainage utile

Le troisième associé de leur Gaec souhaitant se retirer, Jacques Guillou et son épouse Joëlle débutent la réflexion sur la transmission de leur exploitation laitière en 2011. En février 2013, ils s’inscrivent au RDI. Leur projet ? Installer un jeune agriculteur et que ce dernier reprenne Jacques en tant que salarié à l’âge de 59 ans. La rencontre avec Fabien va s’effectuer par le biais d’un de ses anciens maîtres de stage qui connaissait le Gaec. « Lorsque j’ai découvert le site, cela m’a plu tout de suite, se remémore le jeune agriculteur. Tout était là, l’exploitation était directement opérationnelle. Ma conjointe, opticienne, travaille à l’extérieur. Je savais que j’allais donc avoir besoin d’un salarié. Là, c’était rassurant de se dire que j’allais pouvoir m’appuyer sur quelqu’un qui connaissait déjà l’outil ».

Afin de mettre tous les atouts de son côté, il réalise sur l’exploitation un stage de parrainage sous la forme d’un contrat de pré-installation d’une durée de 10 mois. Objectif : faciliter la transmission du savoir-faire entre le cédant et le repreneur. « C’est aussi un temps qui permet à chacun de se jauger, de trouver sa place et de tester la capacité des personnes à travailler ensemble. Jacques est quelqu’un de diplomate, cela s’est bien passé ».

Durant cette période, Fabien effectue également, en compagnie des associés du Gaec, le tour des propriétaires du foncier de l’exploitation. « Cela a pris pas mal de temps. Il faut d’abord répertorier toutes les parcelles sur le cadastre puis rencontrer, un par un, les propriétaires pour leur faire signer l’autorisation d’exploitation. Mais tous ont accepté et étaient contents de voir un jeune venir s’installer ». Côté financement, là aussi, la confiance prime. « J’ai eu un bon contact avec la Chargée de clientèle agricole du Crédit Mutuel de Bretagne, explique Fabien Jestin. Lorsque je lui ai présenté mon projet, elle m’a répondu rapidement « On te suit ».  Cela m’a rassuré car je quittais un poste de salarié et cela m’a permis de continuer sereinement dans mes préparatifs ».

L’enjeu de la transmission

Le renouvellement des générations d’agriculteurs est un enjeu primordial en Bretagne. « Lors du recensement agricole de 2010, dans un département comme le Finistère, rappelle Anthony Froger de la Chambre d’agriculture, 46 % des exploitants étaient âgés d’au moins 50 ans ». Dans ces conditions, pas besoin d’être grand clerc pour comprendre l’importance que revêt la transmission. Créée en 2011, la Semaine de la Transmission, opération  proposée par le Réseau Transmission et les Chambres d’agriculture de Bretagne, s’est tenue cette année du 16 au 20 novembre dans les quatre départements bretons. Au programme : des réunions et des témoignages permettant d’aborder toutes les questions relatives au sujet.

Pour Anthony Froger qui est intervenu, comme Fabien Jestin (lire par ailleurs), lors de l’étape quimpéroise de la manifestation, le point clé d’une transmission réussie reste l’anticipation. La première étape, qui doit commencer suffisamment tôt et au minimum 5 ans avant la date prévue de cessation d’activité est une phase de « réflexion, information et préparation. Dans sa tête, il faut d’abord que le cédant coupe le lien affectif avec son outil ». Viendra ensuite le temps de la recherche de repreneur, qui débutera idéalement deux ans avant la date d’arrêt, suivi de la négociation. La dernière année étant, elle, consacrée à la phase de réalisation de la transmission. Chacune de ces étapes ayant toute son importance car « l’expérience démontre qu’une transmission mal préparée, mal gérée finit par agrandir l’exploitation du voisin ».

Montée en régime

Dans la foulée de son CPI, Fabien s’est installé en individuel et a repris Jacques comme salarié. Ce dernier étant souffrant, par un clin d’oeil de l’histoire, c’est Bernard, l’ancien troisième associé du Gaec initial, qui le remplace actuellement aux côtés de Fabien. « Et tout se passe en bonne intelligence ». Petit à petit, le nouveau chef d’exploitation imprime sa marque. « J’ai réalisé quelques modifications comme le bardage de bâtiments ou l’extension de la salle de traite qui est passée de 2 x 6 à 2 x 10 postes. Mais l’idée, c’est de d’abord digérer la reprise avant d’envisager d’autres investissements ». Côté cheptel, il y a aujourd’hui 93 Prim’Holstein à traire pour une production en hausse de plus de 140 000 litres. « Et les vêlages sont désormais à 25,4 mois contre 32 auparavant, ce qui a permis de gagner une bande et donc d’augmenter la surface des céréales sur l’exploitation ! » C’est mécanique, une transmission bien huilée facilite la montée en régime…

L’avis de Daniel QuillÉvéré, Animateur du marché de l’agriculture (29) CMB

Nous sommes une banque territoriale, qui fait corps avec sa région. Contribuer au renouvellement des générations d’agriculteurs, favoriser la transmission des exploitations, c’est œuvrer très concrètement pour la vitalité de nos territoires, pour le développement de l’économie bretonne. Que serait la Bretagne sans ses agriculteurs et ses industries agroalimentaires ? Lorsque nous installons des jeunes agriculteurs, nous accompagnons des chefs d’entreprise dans la réalisation de leur projet. Et à nos yeux, la qualité du projet en lui-même est aussi importante que les qualités de celui ou celle qui le porte. C’est un tout. Aujourd’hui, nous finançons des dossiers très divers, à l’image de l’agriculture bretonne qui est plurielle. Mais il est une constante : nous veillons toujours à ce que la personne installée puisse vivre de son métier. Il faut garder à l’esprit que ce n’est pas le financement qui rend viable un dossier !


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