Difficile pour les producteurs de choux-fleurs d’être optimistes, tant que les températures resteront trop douces pour la saison.
Noël au balcon, Pâques au tison, dit le proverbe. Les producteurs de la zone légumière aimeraient bien un refroidissement des températures extérieures, et que la fête pascale soit avancée dans le calendrier. Avec cette douceur, les cultures poussent, alors que le consommateur n’est pas prêt à cuisiner le légume emblématique de plein champ. Conséquence forcée sur le marché : une offre pléthorique qui dessine une ligne quasi droite sur le graphique des cours des choux-fleurs de gros calibre. « Depuis 7 semaines, les quantités livrées dépassent de plus de 70 % les prévisions. Les productions ont plus d’un mois d’avance », rappelle Yvon Auffret, directeur du Cerafel.
Quand ça ne veut pas…
Pour écouler les stocks de marchandises, le service marketing de Prince de Bretagne travaille sans relâche pour vanter les qualités nutritionnelles et gastronomiques du légume fleur. Mais rien n’y fait, le consommateur français boude le produit, et n’est pas enclin à acheter des légumes d’hiver. Depuis le début novembre, une partie des volumes est orientée vers la surgélation. « Les ventes en frais se font à un prix légèrement supérieur ou égal au prix de retrait. La marchandise invendue est soit distribuée aux œuvres humanitaires soit détruite. Dans ce cas, les choux sont épandus dans des parcelles agréées par la DDTM, ou distribués au bétail », explique le responsable.
La surgélation, outil de prévention de crise, reste un marché spécifique. « L’accès au marché industriel de la surgélation est un bon moyen de prévention de crise mais il faut s’aligner sur le prix européen, voire mondial. Le marché du chou-fleur surgelé est dominé par les producteurs polonais et belges. Notre cheval de bataille reste le frais et l’ultra-frais. 10 % des 120 millions de têtes en prévision sur cette campagne 2015/2016 auront comme destination de la surgélation », chiffre Yvon Auffret, qui ajoute que « les contrats seront réalisés à 75 % sur l’automne et en bio, à 100 %. »
Des choux par millions
En semaine 50, la production a atteint 5,8 millions de choux-fleurs, contre 4 millions en prévision. Le cumul de campagne sur cette même semaine se chiffre à 46 millions de têtes, pour une prévision de 34,6 millions de têtes.
Stockage à l’italienne
Certains pays de l’Union européenne ont fait le choix de s’équiper en outils de stockage important. C’est le cas en Italie, qui garde de la marchandise quand les marchés sont engorgés. « Cette marchandise stockée reviendra sur le marché du frais dans quelques semaines, mais avec quelle qualité de fraîcheur ? Les acheteurs savent bien sûr faire la différence entre un chou-fleur qui a été stocké et un chou-fleur ultra-frais. Notre stratégie ne nous pousse pas à utiliser ce stockage, qui n’offre pas de solution curative à la crise. » Des pays du Sud produisent, en même temps que l’Allemagne et la Belgique qui continuent toujours à alimenter les marchés. Ces derniers arrivent toutefois en fin de production. « La fin de la concurrence allemande et belge marque vraiment le début de la campagne d’exportation pour le chou-fleur. » En 2014, les producteurs avaient déjà dû subir l’embargo russe, et ceci sans compensation.
Souvenir de 1992
Le changement climatique, sujet au goût du jour, fait oublier des années ou une situation semblable fut connue, comme durant l’hiver 1992/1993. « L’année actuelle est comparable à celle de 1992 en rythme de végétation. Une partie des choux-fleurs devant être récoltés en hiver 1993 est arrivée en avance et a été récoltée sur l’automne 1992. En décembre 1992, on récoltait des variétés de mars 1993. 10 millions de choux étaient livrés par semaine au mois de novembre, et 33 millions en décembre. Ce fut une année catastrophique. » Les productions végétales sont dirigées par la météo, et tout le monde attend un coup de froid pour débloquer la situation.
Intenable pour les exploitations
Pour Jean-François Jacob, président de la Sica de Saint-Pol-de-Léon, « la situation dans les exploitations est tendue, cela se comprend. Malgré ce scénario météorologique non maîtrisé, nous regardons du côté des pouvoirs publics pour trouver des solutions, notamment concernant le marché russe. Le dialogue se poursuit aussi sur le dispositif d’accord de septembre 2014. » Fanch Paranthoën
L’avis de François Rozec, Producteur de chou-fleur à Cléder
Nous connaissons des moments très difficiles, avec un prix payé ridicule, autour de 25 centimes. Les 15 prochains jours ne laissent pas espérer un mieux, avec des transporteurs qui tournent au ralenti. Certains producteurs ont déjà livré la moitié de lors production avec le temps poussant. Nous ne sommes pas loin d’une calamité agricole. Même si les cours repartent à la hausse, les pertes sont déjà trop importantes. Les trésoreries sont pénalisées pour le reste de l’année, il nous faut un nouveau système fiscal, plus souple. Pour retrouver du chiffre d’affaires, je crains que les producteurs essayent d’autres légumes, ce qui pourrait impacter le marché durant l’année 2016 avec des risques de surproduction dans d’autres secteurs.