Plus de 30 % du poids du porc et du poulet, 46 % du poids du bovin… Les coproduits animaux détiennent un potentiel biologique et économique important.
Les coproduits animaux, comme ceux de la pêche, sont de moins en moins considérés comme des déchets. Des scientifiques traquent la moindre molécule d’intérêt contenue dans ces matières que l’on pourrait prochainement considérés comme nobles. Leur non-utilisation ou leur destruction se répercutent au niveau des prix des viandes, du lait ou des œufs, pour les consommateurs ou pour les producteurs. Ils constituent un risque potentiel pour l’environnement. Actuellement, ils sont utilisés pour fabriquer des huiles techniques, ils sont compostés, enfouis ou servent à produire du biogaz.
Dans tous les cas, ils ne créent qu’une faible valeur ajoutée. Alors, des centres de recherche travaillent à les valoriser pour des applications industrielles dans divers domaines, comme ceux de la diététique, de la cosmétique, de la pharmacie ou du textile. L’enjeu est important : 50 millions de tonnes sont produites chaque année en Europe. La coupe est pleine pourrait-on dire. Les volumes sont moins élevés que les coproduits d’origine végétale, mais leur dégradation est plus lente et ils sont bien plus chers à éliminer. « Entre 25 et 70 €/tonne », précise Véronique Santé, directrice de recherche à l’Inra de Theix, intervenante à une journée Ifip sur la valorisation du porc.
Des extraits de poissons pour conserver des spermatozoïdes de verrat
IDMer, un institut technique basé sur le port de Lorient (56), travaille à la valorisation des coproduits de la pêche : la tête, la queue, les arêtes et la peau. « Nous recyclons les cartilages de poissons, par exemple, pour extraire une molécule utilisée dans le traitement de l’arthrose »., indique son président Éric Breton. Des anti-stress, pour les étudiants en période d’examen, des anti-rides, pour le secteur de la cosmétique, ou des peptides utilisés dans les aliments pour chien et chat comme arômes ou facteurs de croissance.
« Nous avons extrait une molécule qui permet de conserver les spermatozoïdes de verrats, utilisée par un grand groupe de sélection français ». Rien ne se perd, tout se transforme. « Nous recevons, dans nos ateliers, entre deux et trois tonnes de coproduits en provenance du port tous les jours. Nous essayons de trouver la meilleure voie d’utilisation possible de cette biomasse. Et de trouver des ingrédients susceptibles d’intéresser les entreprises dans un futur proche ». L’entreprise recherche des principes actifs pouvant être valorisés comme anti oxydants ou anti bactériens…
Des enzymes à 35 000 €/kg
« L’Union européenne perd actuellement une quantité importante de matières premières ayant une haute valeur biologique et économique », poursuit la spécialiste. « Les coproduits animaux renferment des substances protéiques à activité fonctionnelle et bio active ». Comprenez des antimicrobiens, des régénérateurs de tissus ou encore des antistress. Ces coproduits peuvent être utilisés pour concevoir des textiles avec une activité biologique ou ayant des caractéristiques améliorées : antifongique, anti-inflammatoire, absorption des odeurs, régulation thermique ou encore antifeu. Ils valent de l’argent. « A titre d’exemple, la gélatine en poudre vaut 40 fois le prix de la farine animale. Même si les coûts d’extraction pour ces produits sont plus élevés par rapport à la farine de base, le rapport prix/quantité est très avantageux. Certaines enzymes peuvent valoir jusqu’à 35 000 € du kilo ». N’en jetez plus !
L’Union européenne l’a bien compris puisqu’elle veut limiter l’utilisation des déchets dans l’agriculture, dans l’alimentation animale et, plus encore, la mise en décharge. Elle entend favoriser l’extraction des composés d’intérêt pour réduire la dépendance sur ces matières. Des moyens financiers importants sont, désormais, affectés à la recherche. Bernard Laurent