La filière à peine sortie des quotas et le lait conventionnel dans la panade, les représentants de l’OP transversale APL Bio Seine et Loire rêvent de réguler, d’une manière ou d’une autre, la collecte de lait bio pour protéger leur créneau porteur.
Partout, dans les Gab, les Chambres d’agriculture, les services de Contrôle laitier, les centres comptables… les téléphones sonnent. Des producteurs se renseignent sur la possibilité de passer en bio. Le contexte extrêmement dégradé en lait conventionnel a déjà pour conséquence l’augmentation sensible du nombre de conversions et certains responsables de la filière labellisée s’inquiètent de cet intérêt grandissant redoutant une crise de croissance. « Entre mai 2014 et l’automne 2015, les élevages entrés en conversion représentent 60 millions de litres de lait qui vont arriver progressivement sur le marché dans les mois à venir », rapporte Yvan Sachet, animateur de l’APL Bio Seine et Loire. La tendance s’accentue d’ailleurs : « Pour 2016, on parle de 100 millions de litres entrant en conversion. Autant de volumes qui seront, une fois certifiés, collectés en 2018. »
Justement, l’assemblée générale de l’APL Bio Seine et Loire, au Rheu, mardi 26 janvier, s’est concentrée sur la question « des outils de régulation des volumes ». La trésorière de l’OP, Karin Sidler, installée dans le Calvados, n’a pas hésité pas à mettre les pieds dans le plat : « Notre souci aujourd’hui est le nombre de conversions en bio parce que le conventionnel est en crise. C’est une tendance qui nous fait du mal… » Côté industriel, Gérard Maréchal, de Lactalis (seule laiterie représentée parmi les six invitées), est allé dans le même sens. « Dans le cadre de l’après-quotas, nous vivons un tournant dans le cadre de la bio depuis des mois. Face à tant de demandes de conversion, nous manquons de réflexion. Cela pose aussi des problèmes en termes de contrats et de transferts de volume. D’autant qu’on sait que le prix se construit par rapport au volume… Doit-on du coup limiter les producteurs déjà engagés qui pourraient avoir la capacité de faire plus de lait ? »
Même si les deux ans de conversion laissent le temps de voir venir, les producteurs bio rêvent « d’une gestion cohérente globale pour sécuriser le marché ». Mais le mayennais Éric Guihéry, secrétaire de l’OP transversale, regrettait que « l’Europe ultralibérale » ait cassé les outils de cette maîtrise. « C’est vrai, la régulation sur les volumes de lait est désormais interdite », poursuivait Martial Marguet, producteur en Franche-Comté et élu à la FNPL et à l’Institut de l’Élevage, invité comme témoin. « En Comté, nous faisons de la régulation via le fromage. Le volume est ajusté grâce à la productivité laitière à l’hectare accordée à chaque éleveur, calculée à partir de sa référence de 2013 et de sa surface Pac. Et nous ne donnons pas de nouvelles accréditations pour le bien de toute une filière… »
L’OP bio des laiteries privées du Nord-Ouest
L’APL Bio Seine et Loire est une OP transversale de mandat (non commerciale) reconnue par le ministère de l’Agriculture depuis janvier 2013 pour négocier collectivement la vente du lait biologique livré à 6 laiteries privées dans le Nord-Ouest de la France (Danone, Lactalis, Montsûrs, Saint-Père, Sill et Triballat). Au 1er janvier 2016, elle représente 260 adhérents, soit 60 % des producteurs concernés par ces 6 industriels.
« La crise n’est pas chez nous »
Gérard Maréchal reprenait : « Pour les conversions, nous savons déjà dire oui ou non à un dossier de demande. Demain, il faudra peut-être prendre ces décisions avec les représentants de l’OP… Le débat est ouvert. » Patrice Lefèvre, président de Lait Bio de France, fédération qui rassemble 1 200 éleveurs, voyait là « une main tendue » du représentant de Lactalis pour trouver « un outil de maîtrise des conversions » pouvant compléter d’autres idées comme « une mutualisation des déclassements et des retards de mise en marché des laits nouvellement convertis. » En conclusion, Alain Delangle de la Fnab, relativisait tout de même : « Il y a le même type d’inquiétude en filière céréales bio. Mais attention, le bio en France, ce n’est que 5 % des surfaces. Ne soyons pas sclérosés, la crise n’est pas chez nous. » Toma Dagorn