La nature offre des rencontres déroutantes. Patrick Bidron, photographe amateur, nous invite à découvrir d’étranges figures gravées dans le bois qui ont attiré son regard.
Pour agrémenter vos promenades d’hiver, pourquoi ne pas partir en quête d’extravagants habitants dont vous n’imaginez même pas l’existence ? Avec les feuilles des arbres au tapis, la campagne nous révèle sa vraie nature. Patrick Bidron en a fait l’expérience. Photographe amateur, il nous fait partager ces rencontres avec des clichés originaux de « trognes de bois », comme il les appelle. Des trognes qui jalonnent secrètement et silencieusement la campagne et la ville. Des visages à la fois sidérants, déroutants, amusants ou dérangeants…
Lever le regard et observer la nature
Autodidacte, il a découvert la photographie dans les années 70. Si les rues de la région parisienne lui ont servi de support dans un premier temps, il a d’abord travaillé la photo en noir et blanc, un travail d’ombre et de lumière « pour voir la vie différemment ». Homme de passion, il se tourne ensuite vers le monde des insectes, dont il a une belle panoplie. Il se perfectionne alors dans la macrophotographie, une manière d’enrichir sa collection de petites bêtes. « Mais c’est un travail éreintant de marcher en observant toujours au ras des pâquerettes », témoigne-t-il. Aussi, il a levé le regard pour découvrir la nature et son microcosme.
L’ambiance naturelle qui l’entourait l’a amené à regarder la nature différemment. « Je voyais des formes dans les arbres… ». Des figures, des personnages, issus de formes bizarres, humaines ou mythologiques, enfermés dans les troncs, les branches ou les racines. Ces frimousses quelque peu extravagantes sont peut-être le résultat d’un imaginaire développé, qu’il a entretenu toute sa vie par une lecture importante de bandes dessinées. « Ce type d’ouvrage a formé mon esprit et m’amène à voir ce genre de vision », explique-t-il. Et de rajouter : « J’en vois partout, alors que pour d’autres ces créatures passent incognito. Mais peut-être est-ce aussi parce que je les cherche. »
La trogne ou l’arbre paysan
Têtard, tronche, émousses, ragosses…La trogne, avec ses divers noms, est discrète dans le paysage, mais c’est avant tout l’arbre utile, que le paysan taille pour en tirer le meilleur profit. L’arbre têtard est un arbre taillé régulièrement à même hauteur pour sa production durable de bois. Suite à cette exploitation d’émondage, la nature crée des formes tordues et biscornues. Cette pratique ancestrale s’est fortement développée au Moyen Age, où les seigneurs souhaitaient garder pour eux le tronc, partie noble de l’arbre. Ils laissaient aux paysans l’usage des branches : une fourniture de bois assurant le chauffage et des feuilles pour la litière des animaux. En zone d’élevage, les trognes étaient alignées pour marquer les limites des parcelles. La pratique d’émondage a perduré jusqu’au XXe siècle.
Imprimées à jamais dans le bois
Pendant six ans, avec patience, il a donc regardé le nez en l’air ce « petit peuple de la forêt », pour débusquer ces formes féériques ou effrayantes, tous ces regards et ces ombres qui le cernaient et le regardaient dans les bosquets, sur les talus ou dans les rues. En un coup d’œil, il a tiré le meilleur parti de ces trognes anthropomorphiques ou zoomorphiques en jouant avec la composition de l’image et la lumière. Il nous offre aujourd’hui quelques exemplaires issues de sa collection d’un millier d’épreuves photographiques où chacun, à défaut d’avoir découvert ces figures soi-même, y trouve des caricatures de formes humaines ou de gueules… imprimées à jamais dans le bois. Une découverte qui appelle à une interprétation bien personnelle en fonction de son vécu et de ses émotions. Carole David
En savoir plus : Patrick Bidron, la Basse Camma, Landujan (35), 02 99 07 14 09.