De la pagaille semée sur les routes bretonnes germera-t-il la solution pour sortir l’agriculture de l’ornière dans laquelle elle s’enfonce ? Peu probable.
La pagaille sur les routes et la pagaille dans les troupes. Dans de nombreux secteurs géographiques de Bretagne, les agriculteurs postés sur les routes ne répondaient pas à un appel syndical à manifester. En fonction des départements bretons, le syndicat majoritaire a plus ou moins rattrapé l’affaire en vol. Du côté des pouvoirs publics on semblait d’ailleurs bien embarrassé de ne pas avoir affaire aux interlocuteurs classiques.
« Une histoire de fous »
Mardi, c’est pourtant Xavier Beulin qui s’est rendu à l’Élysée pour parler de la crise agricole. Le jeudi précédent, les représentants professionnels bretons avaient quant à eux choisi la politique de la chaise vide pour une pièce en 4 actes dorénavant bien connue : organisation d’une table ronde, nomination d’un médiateur, publication d’un livre blanc, annonce de millions d’aides, etc. Aujourd’hui, cette méthode apparaît bien légère au regard de la profondeur de la crise. La question centrale est en fait de savoir comment renouer avec des prix rémunérateurs dans une économie totalement ouverte. Évidemment que l’ouverture des frontières du commerce mondial est porteur d’opportunités. Mais l’économie n’est pas un balancier à un coup. « Croire que les Chinois allaient réguler la production européenne de lait est une histoire de fous. D’autant qu’avec la crise, les Chinois ne font pas plus d’enfants alors qu’ils en ont désormais le droit », commentait en illustration cette semaine Bruno Parmentier, économiste.
Sur la pente des autres matières premières
Le choc est d’autant plus brutal que l’Europe n’a pas su ou voulu hisser de rempart économique et social comme l’ont fait les États-Unis, chantre du libéralisme pour les autres et adeptes du protectionnisme pour eux-mêmes. Pire, l’Europe a accentué les distorsions internes. Le rapport du Sénat montre ainsi que l’Allemagne enregistre un gain de 30 % sur le prix de la main-d’œuvre grâce à l’embauche de travailleurs détachés. La moitié des salariés allemands de l’industrie et de l’agriculture font partie de cette catégorie.
Ce n’est donc pas moins d’Europe, mais plus d’Europe qu’a besoin l’agriculture bretonne.
D’autant qu’après un plongeon de 10 à 20 % en 2015 (40 % pour la poudre de lait), les prix mondiaux des produits agricoles devraient s’inscrire dans la tendance générale baissière des autres matières premières, évaluée à – 18 % pour 2016 par l’institut Cyclope. Dans ce contexte, une Europe qui soutient sa souveraineté alimentaire n’est pas une idée du passé. Elle protège les consommateurs qui sont les grands gagnants actuels : « Les prix de la viande payés au producteur ont baissé de 6 à 8 % pendant que celui payé par le consommateur a augmenté de + 1 % », fait observer l’économiste Philippe Chalmin, auteur de l’observatoire des prix alimentaires. Didier Le Du