Avec un prix du foncier attractif, les exploitations agricoles bretonnes intéressent les agriculteurs du Nord de la France et de toute l’Europe.
Quelques Italiens, une poignée d’Allemands, des Anglais et même des Espagnols lorgnent désormais sur les exploitations agricoles bretonnes. « C’est nouveau, même si le phénomène reste pour l’instant marginal », accorde Pierre Brousseau, Altéor Transaction, cabinet spécialisé dans l’achat et la vente d’exploitations agricoles, à Pontivy (56).
Séduits par les perspectives d’évolution
Après les Hollandais, puis les Belges, qui ont ouvert le chemin dans les années 90, le marché des fermes bretonnes doit dorénavant composer avec les agriculteurs originaires d’autres pays et régions françaises. Et, entre autres du Nord et de l’Est de la France où les agriculteurs font face à de plus en plus de contraintes : un prix du foncier sans commune mesure avec celui pratiqué dans l’Ouest de la France ; une concurrence forte sur le foncier, attisée par des productions à forte marge ; une pratique de pas-de-porte qui augmente sans cesse les coûts de production, etc.
Ce constat est partagé par Bernard Charlotin, dirigeant de Quatuor Transactions, agence basée à Moréac (56). Avec l’agrandissement des exploitations ces 15 dernières années, le prix de vente n’a cessé de progresser. Ce type d’exploitation ne peut généralement pas être repris par un jeune agriculteur « primo-accédant », mais répond aux attentes de candidats en « seconde installation ». À l’image de ces agriculteurs qui préfèrent changer de région « pour des raisons d’urbanisation, de concurrence féroce sur le marché du foncier, de différend au sein d’une société, voire de divorce ».
C’est ainsi que des agriculteurs de Haute-Normandie, de Picardie préfèrent l’exil vers le Grand Ouest qui pratique des prix moins élevés et où les perspectives d’évolution apparaissent plus séduisantes. Ces agriculteurs qui ont vendu une ferme à bon prix dans leur région d’origine sont des candidats de choix pour l’achat d’exploitations conséquentes, un peu comme l’étaient les Hollandais dans les années 90.
Des investissements sur le long terme
Un petit tassement du nombre de négociations s’est fait sentir à partir de juin 2015. Conjoncture agricole explique. Mais un certain frémissement semble redémarrer depuis le début de l’année 2016 s’accordent les cabinets de transaction. « Les prix remontent, même si c’est plus compliqué sur le lait », observe par exemple cette collaboratrice de Rennes Immobilier, cabinet spécialisé sur le marché agricole. « En fait, les acheteurs s’inscrivent dans une perspective d’investissement à moyen-long terme », note pour sa part Pierre Brousseau, en constatant toutefois qu’aujourd’hui, « les acquéreurs sont en position de force ».
Au-delà du prix de vente et de la conjoncture des productions animales, la situation géographique de la Bretagne peut toutefois s’avérer un frein aux transactions. Les Hollandais et les Belges ont parfois du mal à franchir les Portes de Bretagne. Ils préfèrent poser leur baluchon en Normandie, voire dans les Pays de la Loire. Pas uniquement pour des raisons de proximité avec leur pays d’origine, mais pour des raisons structurelles. « Dans ces deux régions, les candidats du Nord de l’Europe, mais aussi du Nord de la France, trouvent plus facilement des exploitations avec un parcellaire groupé ». Et pas seulement des exploitations à 1 million de litres de lait. « Il y a des candidats pour des exploitations rationnelles de 500 000 L avec 50-80 ha groupés. En Bretagne, où les exploitations résultent de l’agrandissement successif par reprise de petites exploitations sous fond de concurrence avec des voisins, le morcellement du foncier est à considérer comme un handicap pour la vente du bien ».
Comme pour l’immobilier
Enfin, si la proximité du littoral est parfois un argument de séduction de la Bretagne, les candidats extérieurs rechignent plus souvent à l’idée de s’installer dans des zones reculées de la région. À l’image du prix de l’immobilier où c’est l’emplacement géographique qui définit la valeur, en agriculture aussi la vie sociale et culturelle est un facteur important à considérer quand on souhaite vendre à des candidats étrangers à la région. Didier Le Du
L’avis de Serge Le Gall chef de service, Safer des Côtes d’Armor
L’essentiel des biens fonciers agricoles qui transitent par notre structure trouve directement preneur auprès d’agriculteurs bretons. Que ce soit pour conforter l’outil de production sur le plan économique ou environnemental, il y a une forte demande locale de terres agricoles en Bretagne. Dans le cadre de notre mission publique d’accompagner le développement de l’économie locale, nous sommes vigilants sur les prix de vente demandés qui doivent être conformes avec ce qui est couramment pratiqué dans le secteur géographique local.