Le Gouvernement souhaite relancer l’apprentissage et cible l’agriculture comme secteur d’emplois. Malgré la crise, le secteur agricole breton voit en effet ses effectifs d’apprentis augmenter.
Éternelle ritournelle. Sujet récurrent par tous les gouvernements : quand le taux de chômage augmente, la formation est appelée en renfort. 2016 ne fait pas exception. À l’occasion de la présentation des vœux aux « acteurs de l’entreprise et de l’emploi » le 18 janvier, François Hollande a annoncé de nouvelles mesures gouvernementales en faveur de l’emploi à travers la formation et l’apprentissage. Et si ce plan concerne le monde de l’entreprise dans son ensemble, le premier domaine cité par le président de la République est… l’agriculture.
Un contrat de travail pour se former
En période de crise l’annonce peut surprendre. Mais certaines entreprises dans le secteur agricole, au sens large, anticipent sur l’avenir, en estimant leurs besoins d’ici 5 à 8 ans. Elles craignent des départs à la retraite massifs de salariés qui font peser sur l’entreprise un risque de perte du savoir-faire. « Mais, la réussite de ce projet ambitieux ne pourra se faire que si les acteurs économiques ont confiance en l’avenir », insiste Lionel Modeste, chef de service développement de l’apprentissage, au Conseil régional. Car l’accès à l’apprentissage requiert l’obtention sine qua none d’un contrat de travail pour le futur apprenti.
Si la région a enregistré deux années consécutives des effectifs en baisse en apprentissage, deux secteurs professionnels se sont distingués avec des offres d’emploi : les métiers de bouche et l’agriculture. Avec, jusqu’à il y a deux/trois ans l’attrait des métiers du paysage, peu à peu remplacés par les métiers de la production, et de l’élevage en particulier. Cependant, en ce qui concerne l’annonce gouvernementale, Philippe Pelvet, directeur de l’Apecita (Association pour l’emploi des cadres, des ingénieurs et des techniciens de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’environnement) reste sceptique. « L’apprentissage reste encore peu développé en agriculture, explique-t-il, car c’est un contrat salarié qui coûte plus cher que le recours à un stagiaire ».
Des aides incitatives variables selon le niveau d’études
Le coût, argument souvent mentionné par les acteurs. Attrait pour les jeunes, contrainte pour les employeurs. « L’apprenti est un complément de main-d’œuvre, mais il ne travaille pas à la cadence d’un salarié », souligne Ollivier Pian, éleveur laitier à Yvignac-la-Tour (22) et maître d’apprentissage. « Il ne faut pas sous-estimer le temps de formation qu’on doit lui accorder sur nos exploitations, car l’objectif est qu’il obtienne son diplôme… ».
Des aides viennent compenser le coût, incitations financières mises en place par l’État et la Région pour lever un certain nombre de freins, dont quelques-unes ont été révisées ces dernières années à la baisse. « On assiste à un double discours », soulève l’agriculteur. « Si l’idée de gratuité lors de la 1re année d’apprentissage d’un mineur fait écho lors des divers plans de relance, avec une aide de l’État de 4 400 euros, elle n’est valable que pour les apprentis de moins de 18 ans à la signature du contrat. Elle exclut donc tous les apprentis post-bac. C’est pourtant aussi à ce niveau d’étude que l’on prépare les futurs techniciens et chefs d’exploitation de demain… », regrette l’éleveur, adepte des apprentis en formation BTSA Acse. Il mentionne aussi le crédit d’impôt apprentissage, divisé par deux il y a deux ans.
Un atout sur le marché de l’emploi
« Les maîtres d’apprentissage viennent souvent chercher quelqu’un à former dans leur entreprise, pour une embauche à terme », explique Éric Jaffrot, directeur de la Maison familiale de Loudéac. Mais la prime à l’insertion accordée par la Région, de 500 euros, n’est pas incitative, selon Ollivier Pian. Elle ne compense pas la différence de coût entre un apprenti et un salarié sur une exploitation agricole. Par contre, tous sont unanimes : l’expérience acquise sur le terrain représente un réel atout pour des jeunes motivés quand ils se présentent à terme sur le marché de l’emploi. Même si, malgré quelques assouplissements, le Code du travail entrave l’apprentissage de certaines tâches, jugées dangereuses, lors de l’embauche de mineurs à partir de leur 16e année. Alors, peut-on parler d’embauche de jeunes de 14 ans, comme évoqué ces dernières semaines ? Cette proposition de loi, qui reprenait une mesure abrogée par le ministère de l’Éducation en 2013, a été rejetée de nouveau par les députés le 4 février. Carole David
L’avis de Brigitte Tégédor, Responsable du service formation à la Draaf
Sur les 16 780 apprentis bretons à la rentrée de septembre 2015, 1 453 le sont dans le secteur de l’agriculture ou l’agroalimentaire, soit 8,6 % des apprentis. Un petit échantillon, certes mais qui est dynamique. L’effectif dans nos filières est en légère augmentation (+ 2,6 %) et ce, depuis 2009. Et, c’est la production agricole, hors horticulture, qui tire l’apprentissage , dans un contexte où l’apprentissage subit une légère décroissance. Nous allons mettre en place des groupes de travail pour 2017 pour travailler sur les attentes des filières. La carte de formation 2016 est déjà actée, avec quelques ouvertures en agriculture et agroalimentaire. Mais nous avons la capacité à accueillir plus d’apprentis dès septembre.