Pour que les producteurs puissent passer la crise, les syndicats exigent une meilleure répartition de la marge. La FNPL va demander aux transformateurs et aux distributeurs de signer une charte de valeurs.
Le prix du lait était bien évidemment au cœur des débats de la journée laitière organisée par la FDSEA et les JA 35, le 1er février à Pacé. Les syndicats demandent une négociation tripartite qui mettrait autour de la table les éleveurs, les industriels et les distributeurs. « Les formules de prix doivent évoluer en tenant compte du mix produits des entreprises, en intégrant la valorisation des PGC (Produits de grande consommation) France et/ou les coûts de production », a déclaré Gilles Durlin, membre du bureau de la FNPL.
Le lait d’origine France a un prix
« La crise laitière est devant nous. Face aux difficultés prévues pour 2016, nous demandons la mise en place d’une charte de valeurs qui va être proposée aux transformateurs et aux distributeurs. La valeur ajoutée doit être mieux répartie, le lait d’origine France a un prix. Nous allons regarder qui aura signé la charte. » Producteur dans le Pas-de-Calais, Gilles Durlin fait part d’une autre action menée dans sa région sur les charges. « Nous avons adressé un courrier à l’ensemble des OPA pour leur demander de ne plus proposer de produits qui n’aient pas d’atout économique avéré pour les éleveurs. Nous leur avons aussi demandé de baisser leurs tarifs de 10 % ».
« Résister en produisant au moins autant »
Frédéric David, président de la section lait FDSEA 35, rappelle que « l’étiquetage France doit être un combat permanent, pour offrir de la transparence au consommateur. » Dans cette crise, Gilles Durlin invite les producteurs à être solidaires, qu’ils aient « 30 ou 300 vaches. Tous les systèmes peuvent être cohérents et compatibles entre eux. » En 2016, « nous allons devoir prouver notre capacité à résister, à nous-mêmes et aux autres, en produisant au moins autant, et en continuant à nous démarquer sur la qualité, l’image… Il n’y aura jamais de régulation européenne, ce n’est pas à la France de la faire. »
Sur la contractualisation, le représentant de la FNPL invite les producteurs à dire non à la clause d’exclusivité. « Aujourd’hui, un éleveur doit pouvoir diversifier ses débouchés. » Si le bilan est parfois mitigé sur la mise en place des organisations de producteurs ou OP (50 % seulement d’adhésion dans certaines régions), ce n’est pas le cas pour l’OP Cleps Ouest qui rassemble 95 % des producteurs, alors qu’il n’y avait aucune structure à la base. « Nous souhaitons participer à la construction d’une filière », souligne Denis Berranger, président de l’OP Cleps Ouest et de l’OP rassemblant au niveau national les producteurs de Savencia (ex-Bongrain). « Nous avons délégué le mandat de facturation à l’entreprise, pas si simple à gérer. Mais chaque mois, nous avons les données des producteurs sur les quantités et la qualité. »
Penser l’agriculture autrement
Dans son intervention, Jean Bizet, sénateur de la Manche et président de la Commission des affaires européennes, a mis en exergue le manque de stratégie pour l’agriculture en France. « Les aides pansent momentanément les plaies, mais il faut penser autrement l’agriculture. Aujourd’hui, alors que les pays du Sud de l’Europe demandent de l’intervention, les pays du Nord recherchent des marchés. Les producteurs français sont aussi handicapés par les dépenses publiques, les plus fortes d’Europe, par la surtransposition nationale des directives européennes. » Il les invite à faire du lobbying auprès des élus.
Interdire la marchandisation des contrats
Plusieurs intervenants se prononcent pour une organisation des OP en AOP (associations d’OP) à l’échelle des bassins de production. « Oui, mais pour travailler sur quels sujets ? La négociation se fait avec la laiterie. Peut-être des thèmes comme l’assurance-revenu ou la gestion des risques pourraient y être abordés », pense Pascal Nizan, président de Sodiaal Bretagne Est. Sur la cessibilité des contrats, il ajoute : « Nous n’avons pas souhaité ce système et nous ne l’aurons pas dans notre coopérative. » Pour Gilles Durlin, « la marchandisation des contrats doit être interdite ». Aux yeux de Denis Berranger, « cela peut être un choix d’investissement. » Agnès Cussonneau