Le marché glisse de l’œuf standard vers le « plein air ». Cette mutation pose question à l’amont et donne l’idée à l’œuf coquille français de s’exporter.
En France, la tendance de fond est au recul de l’œuf de pondeuses en cage (code 3) au profit de l’œuf de poules élevées en plein air (codes 1 ou 0 pour le bio). Actuellement, le marché absorbe 68 % de code 3 pour 17 % de plein air. « Sur le périmètre Nutréa-Triskalia, qui représente près de 10 % du cheptel français, nous sommes aujourd’hui un peu décalé puisque nous produisons 88 % d’œufs cage pour 9 % de plein air », situe Olivier Gouin, en charge de l’activité œuf chez Triskalia, lors de l’assemblée générale de section, à Langueux (22), fin février. Cette évolution a des conséquences sur les relations commerciales. Patrick Jouault, responsable marché ponte, explique : « Comme le consommateur boude de plus en plus le standard pour aller vers le plein air et l’alternatif, nous subissons la pression des GMS qui nous disent “si vous voulez vendre du code 3, vendez-nous moins cher vos œufs alternatifs…” » Ces GMS représentant 30 à 40 % du marché de l’œuf.
Du plein air dans les produits transformés
D’autant que le créneau de l’œuf coquille n’est pas le seul concerné. De grandes marques comme Saint-Michel (biscuits), Lustucru (pâtes) ou Amora (sauces) privilégient le plein air dans leurs recettes et communiquent sur l’emballage de leurs produits transformés. Pour coller au marché, il faudrait idéalement calquer la segmentation des systèmes de production sur la demande. « Pas si simple. Les investissements pour la mise aux normes bien-être de 2012 vont être remboursés jusqu’en 2022 – 2024 par les producteurs. Les OP doivent les accompagner jusque là », rappele Yves-Marie Beaudet, président de la section œuf de l’UGPVB. « Nous cherchons déjà des solutions pour cette production de code 3. Il y a la communication pour la promouvoir. En 2016, une étude technique de l’Itavi va s’intéresser aux formes de cage, dimensions de couloir et de bâtiment pour appréhender la faisabilité de reconversion de code 3 en volières codées 2. On a même pensé mettre du plein air dans le bas de poulaillers à étages. » En attendant, chez Triskalia, les élevages « cage » qui arrêteront ne seront pas remplacés. « Au contraire, l’enjeu est d’accompagner progressivement le développement de l’activité plein air », lâche Olivier Gouin. « Notamment à travers de nouveaux projets », précise Patrick Piton, directeur des productions animales.
7 apporteurs d’Œufs à exporter
« Triskalia, Nutréa, Avril, Le Gouessant, L’œuf de nos villages, Pampr’œuf et L’œuf (LDC). Les OP actionnaires d’EggXagone représentent deux tiers des œufs code 3 et 60 % de la production globale en France », rapporte Yves-Marie Beaudet. « En attandant de nouveau entrants. » Par ailleurs, Inzo (groupe InVivo), actionnaire non producteur, met à disposition son réseau à l’international.
Un savoir-faire à faire valoir
Yves-Marie Beaudet voit plus loin encore. « La France, 1er producteur d’œufs de l’UE, est absente de l’export. Pour toucher l’international, nous devons passer par des traders hollandais qui captent de la marge au passage. » Et de poursuivre : « Sur le marché communautaire, notre production est sans arrêt challengée par des pays voisins qui développent leur production. Alors pourquoi pas une filière grand export offrant des débouchés à nos codes 3 de qualité ? Bien-être, résultat salmonelle, traçabilité… Nous avons un savoir-faire à faire valoir. » Le projet EggXagone vient ainsi d’éclore pour exporter de l’œuf coquille de code 3. « Les statuts de cette société commerciale de négoce ont été signés en janvier. Elle regroupe 7 actionnaires qui ont une obligation d’apport de marchandise.
Les premiers œufs quittent la France mi-mars », explique Yves-Marie Beaudet, désigné président de cette structure « légère ». Cette volonté « d’ouvrir de nouveaux marchés n’est pas la solution mais une solution », concède-t-il. « Pour 2016, l’objectif reste modeste : 100 millions d’œufs. Nous avons déjà des engagements sur 25 % de ce volume. Selon les destinations, il y aura peut-être besoin de réorienter la production entre œufs roux et œufs blancs… Car notre but est que l’œuf de consommation français soit présent à l’export toute l’année et non plus seulement de manière opportuniste. » Pour ce faire, en attendant de dévoiler le logo d’EggXagone prochainement, le président Beaudet espère un coup de pouce de la Région et de l’Administration. Toma Dagorn
L’avis de Cécile Riffard, CNPO
La production française est globalement stabilisée depuis 2 ans. Avec une consommation de 216 œufs par habitant et par an, le pays est d’ailleurs autosuffisant. Mais en Europe, certains pays produisent plus que leur marché intérieur n’absorbe. Conséquence : il y a beaucoup d’échanges d’œufs et d’ovoproduits en Europe. Les Pays-Bas étant la plaque tournante de ce commerce pour le marché communautaire et le grand export. Sur le marché mondial, les États-Unis et l’Union européenne sont leaders, avec 36 % et 33 % des échanges. Mais la France reste absente sur le créneau de l’œuf coquille. Mise à part la Suisse, client historique, l’export est quasi inexistant et même en retrait si on excepte l’année 2015 où l’Influenza aviaire aux États-Unis a ouvert un créneau temporaire de marché.